[OdE Chap. 7-4] La reconnaissance du père I (Madenig)

[Casaïr]

Bryn se retourna et lâcha vivement son bras. Il tendit sa main vers Madenig et lui décocha une pichenette sur le bout du nez.

"Aujourd'hui, Mad', on st adversaire, l'oublie pas !" dit-il, goguenard, avant de filer en courant.

Cela venait d'elle où son comportement était... bizarre ? Elle remarqua bien vite qu'elle faisait partie des dernières et se mit aussitôt en route, décidant de remiser ses appréhensions à plus tard.

***

Il fallut un temps fou à Madenig pour se repérer avec cette fichue carte. Elle était persuadée que Bremalen en avait dessiné une fausse et l'avait remise exprès aux adolescents pour les perdre pour toujours dans les marais. Cependant, elle finit par trouver une certaine logique et remonta petit à petit les repères et... repéra qu'elle n'était pas seule sur la piste. Contre toute attente, Aedan semblait mieux s'en sortir que prévu. Madenig pouvait accepter bien des choses, mais ça non ! Déjà elle repéra le creux où devait se dissimuler la bourse de Bremalen, et Aedan ne l'avait pas encore remarqué. Elle pouvait soit foncer à toute allure, soit ruser.

[Madennig]

La ruse était pour ceux qui n'avaient pas de jambe. Au pire, même si il attrapait la bourse avant lui, il aurait droit à un plaquage de la part de Madenig. Après tout, Bremalen n'avait pas interdit de se battre pour cette bourse. Enfin, si il l'avait fait, elle ne l'avait pas entendu.
Tout en pensant cela, elle courut jusqu'à la cachette du trésor du demorthèn, pour arriver en premier et rafler l'épreuve sous le nez de Aedan.

[Casaïr]

Madenig prit une profonde inspiration et courut si vite qu'elle dépassa Aedan en un clin d'œil. Le jeune homme n'avait eu que le temps de réaliser qu'il était presque arrivé, lâcha un "Merde, salope !" un rien dépité mais il était déjà trop tard. Madenig se laissa glisser, attrapa la bourse d'une main leste, se redressa puis s'élança à fond de train vers le village, talonné par un Aedan qui renonça bien vite, le garçon étant plus doué sur les courses d'endurance.

À son arrivée, elle put voir Bremalen, tranquillement assis sur son rocher, dégustant une pomme. Il croqua un morceau, essuya le jus qui venait de gicler sur son menton d'un revers de manche et accueillit la gagnante du jour avec un grand sourire.

"Ha, ma bourse ! J'aurais eu bien du mal pour l'épreuve de demain si tu ne l'avais pas retrouvée."

Il la prit, la soupesa avant de la remettre à sa ceinture.

"Tu peux rentrer au village, je vais rester attendre les autres. Après, il y aura un dîner sur la place. Et..."

Il regarda la jeune femme, soudain plus sombre.

"Surveille Bryn, et soustrais-le à la surveillance de son père. Je me suis "expliqué" avec lui mais cet homme... Tu sais de quoi je parle."

Une heure plus tard, le garçon arrivait, crotté et l'air déçu. Il semblait près à raser les murs.

[Madennig]

Madenig qui arborait déjà un air fanfaron se calma bien vite quand Bremalen lui parla de celui qui commençait doucement à lui faire entrevoir autre chose que son propre nombril.
Elle attendit, assise par terre et une herbe sèche entre les lèvres, que son petit ami revienne. Elle se releva aussitôt quand elle le vit, et marcha à ses cotés pour lui parler tout bas.

"Viens... Inutile de perdre notre temps à faire la fête... On peut aller chez Clervie, juste... tous les deux...Je te ferai un truc à manger !"

[Casaïr]

Le jeune homme regarda autour de lui et Madenig suivit son regard, son père était visible mais ne les avait pas repéré. Toutefois son air sombre était déjà mauvais signe.

"D'accord. répondit Bryn. Mais... tu sais cuisiner toi ? Je croyais que ta spécialité c'était de courir partout et de botter le cul des mecs ?"

Il prit la main de la jeune fille puis la suivit jusque chez la dàmàthair. L'avantage de la fête c'est qu'actuellement personne ne se trouverait ici, pas plus qu'on ne les chercherait. Restait à vérifier le garde-manger de la maison.

[Madennig]

Madenig avait vu aussi le père de Bryn et sa mauvaise humeur qui avait quelque part une ressemblance avec la sienne. Elle s'en voulu d'avoir été si dure hier avec lui, il avait déjà assez à supporter avec sa famille. Une fois entre les murs protecteurs de sa mère de coeur, elle n'eut plus très faim de nourriture.
Elle plaqua par surprise mais en douceur Bryn contre la porte d'entrée à peine refermée, et l'embrassa. Elle avait encore toute l'ardeur de sa victoire en elle, et il fallait bien qu'elle l'évacue.

"Je sais cuisiner ! Et coudre... Et... laver des choses... comme une maison, ou du linge et même de la vaisselle, sans rien casser. Pas toi ?"

Elle commença à défaire leurs chemises à tous les deux. Mais pas complètement, au cas où quelqu'un arriverait. Elle glissa ses doigts sous le tissu, avant de rendre ses caresses plus passionnées.
Entre deux baisers, elle lui lança des regards brûlants.

"Je sais pas ce qui m'a pris hier, Bremalen est fort pour me faire sortir de moi... Je ne le referai plus... Laisse-moi te laver, toi aussi, je suis sûre que je saurais le faire..."

[Casaïr]

Bryn fit taire la jeune femme en l'embrassant derechef et leurs langues s'entremêlèrent. Il acheva également le travail de Madenig en enlevant sa chemise et celle de sa compagne puis, pressant, la serra contre lui. Elle put voir la marque violacée sur le biceps de son amant mais celui-ci s'en moquait. Il souleva la jeune femme et l'installa sur la table tout en la couvrant de baisers brûlants qui accrurent encore leur désir réciproque. C'était fulgurant et intense, leurs émotions au diapason comme jamais. Cependant, en son for intérieur, elle savait que son petit ami aurait besoin d'une victoire pour éviter la correction paternelle...

***

Le lendemain, les tourtereaux et les autres participants retrouvèrent en milieu de matinée Bremalen devant chez lui. Une partie des jeunes bâillaient encore, l'épreuve de la veille ayant été plutôt mal vécue.

"Ravi de voir que vous êtes en forme..."
"Parle pour toi', chuchota Aedan d'un ton aigre.
"...L'épreuve du jour m'a été inspiré par quelques uns d'entre vous, la fameuse bande d'Aedan que je vous autorise à applaudir bien fort."

Les jeunes s'exécutèrent mollement mais il était clair à leur tête qu'ils en voulaient déjà au chef de la Bande des Quatre. Le demorthèn, joyeux comme toujours, entraîna la bande avec lui, sifflotant avec entrain. Ils marchèrent une bonne heure vers le sud, puis bifurquèrent vers les falaises.

"Ho merde, Mad'", souffla Bryn à l'oreille de son amie.

Il les avait mené jusque sur un promontoire surplombant l'océan en contrebas. Si les vagues étaient moins puissantes que la fois précédente, le jeune couple ne put s'empêcher de regarder l'adulte avec des yeux ronds.

"La hauteur ici est d'environ quinze mètres. Vous serez descendus à l'aide de cordes que nous avons préalablement installés, puis vous remonterez jusqu'ici. Descendre ainsi est un jeu d'enfant, mais remonter vous demandera de faire travailler à la fois votre corps mais aussi votre mental. En bas vous trouverez des sacoches contenant du matériel d'escalade : pitons, marteau. Vous ne craignez rien, cependant, ceux d'entre vous qui ne se sentent pas la force d'y aller peuvent rester. C'est aussi un signe de sagesse que de reconnaitre ses limites. Alors, qui participe ?"

Bryn s'avança rapidement jusqu'à une corde et l'attacha autour de sa taille, rapidement imité par Aedan, Gauvin et un autre garçon du nom de Cerdan. De ce que Madenig savait sur lui, c'était plutôt surprenant de le voir tenter sa chance, le garçon était d'un naturel maladroit. Il semblait malgré tout confiant. Ne restait plus qu'à Madenig de s'assurer avant de descendre avec les autres.

"Ah, j'allais oublier : faites attention aux cormorans une fois en bas."

[Madennig]

Madenig entendait les recommandations, mais n'était pas très concentrée sur la voix de Bremalen. Il lui fallait décider d'une ligne de conduire, et depuis la veille, elle n'hésitait plus : aider coûte que coûte Bryn à gagner.
Cette fois, avec les cordages, ce ne serait plus aussi dangereux que ce jour-là où il l'avait remonté avec ses lianes. Madenig savait qu'elle avait une moins bonne prise que Bryn, ses mains étaient plus petites. Mais elle était plus légère aussi. Elle resterait juste à coté, pour le motiver. Du moins, ce sera là, son but à atteindre. Les cormorans ou les autres concurrents, pour elle c'était pareil, juste des adversaires à battre.

Elle descendit alors, assurée par sa corde, mais non sans regarder avec dureté le demorthèn juste avant. Une manière de lui faire sentir la férocité de sa détermination.
Une fois en bas, elle regarda les concurrents comme on regarde une nuée de données, les cris des cormorans ne tardèrent pas à devenir plus puissants. Ils sortaient des niches creusées dans la roche, alors que chacun récupérait son matériel ou déjà plantait des pitons.
Madenig voulait vraiment remonter la falaise sans ce matériel, mais il n'y avait pas que son destin en jeu.

Elle trouva vite un appui pour ses pieds à 50 cm, et une fissure 1m50 environ plus haut pour y planter son premier piton. Du coin de l’œil, elle continuait à surveiller les enfants autour, mais aussi la progression de Bryn.

[Casaïr]

Madenig commençait juste à grimper qu'elle entendait déjà Aedan râler :

"Bordel, ces saloperies de piafs ont chié sur mon sac !"
"T'as la mer à côté, profites-en pour prendre un bain avec", railla Bryn qui démarrait l'escalade à son tour.

Petit à petit, les concurrents s'élançaient à l'assaut de la falaise, Aedan bon dernier. Cependant il ne manquait pas de ressources et dépassa rapidement Cerdan qui s'était emmêlé avec sa corde. Il rattrapait Madenig et Bryn, actuellement à mi-parcours. L'ascension devenait difficile car bien que les prises soient nombreuses, le vent marin détrempait tout et rendait la roche glissante. Ils devaient ainsi prendre plus de temps pour accrocher les pitons tout en évitant d'en faire tomber par inadvertance. Madenig pouvait être fier de son petit ami, elle voyait à ses traits que, tout comme elle, il donnait des signes de fatigue mais qu'il ne lâchait rien.

"Vous gagnerez pas cette fois !" cria rageusement Aedan juste en dessous, à moins d'un mètre sur leur gauche.

C'est là que la jeune fille le vit prendre appui pour faire un petit bond. Il visait la botte de Bryn et réussit à s'y accrocher !

[Madennig]

Jusqu'à maintenant, tout était plutôt calme. Physiquement éprouvant, mais calme. Elle suivait de près l'élu de son cœur, c'était bien plus romantique qu'un dîner aux chandelles pour elle. Madenig n'était pas très douée pour parler de toutes façons, et les dîners l'ennuyaient profondément. Elle ne restait jamais plus de dix minutes à table, et encore, c'était rare et par politesse obligée. Là, elle avait l'impression que cette ascension leur permettait d'être vraiment ensemble, comme lorsqu'ils se ... Elle tenta de penser à autre chose.

Du coup, elle ne s'attendait pas au geste de Aedan, bien qu'au fond, elle pouvait le comprendre...

"Lâche-le." ordonna-t-elle soudain.

S'attendant à ce qu'il refuse d'obtempérer, elle commença à se déplacer latéralement vers lui, avec la ferme intention de le cogner. Bryn pouvait encore agir, si il le voulait.