Fortuna Imperatrix Mundi

Oanell avait passé une partir de l'après-midi à essayer de faire comprendre à Aeldred l'association des couleurs et des matières. Visiblement, l'exercice lui plaisait beaucoup et le jeune homme s'était retrouver avec des explications qui dépassaient de loin le seul cadre vestimentaire. Quand la jeune femme l'eut enfin relaché, elle retomba dans un moment de calme, laissant l'adrénaline retomber petit à petit. Elle était assez fière de son oeuvre et avait recommander à Aeldred de prendre soin de ses nouveaux habits qui même s'il était vieux restaient de qualité.

De son côté, elle occupa le reste de l'après-midi à préparer le procès. Gardant en tête le procès à la citadelle, elle fit quelques recherches dans les livres qui se trouvaient sur place et chercha à se préparer au mieux pour gérer son face à face avec Maëlor. Après tout, il y avait des chances que ce soit lui qui représente le cas de Dame Gloada ...

Comment les choses se seraient-elles passé si ça avait été Briaval ? Quel conseil lui donnerait-il dans ses moments ? Serait-il fier de voir où elle se trouvait maintenant ? Alors qu'elle écrivait, une note de nostalgie vint la déconcentrer. Comment s'étaient retrouvé dans cette situation ? Elle repassait en boucle les événements, cherchant des liens entre le début et la fin. Peut-être ne comprendra-t-elle jamais. Elle referma le livre qu'elle feuilleté et décida de changer de stratégie et de chasser ses idées noires en allant discuter un peu avec les gens du château. Après tout, ils avient vécu avec Dame Gloada et Maelor pendant de nombreuses années. Peut-être pourrait-elle obtenir de nouvelles informations de cette façon.

Oanell avait passé un peu de temps à faire le tour des cancans et à méditer sur la situation.

Blodwen supervisa les derniers détails avant le départ. Au logement de Pwyll, le chat Roux malmenait les chiots. Pour ce qui était du voisinage, Aeldred-au-chat se tenait tranquille, en tous cas il faisait ce qu'on lui disait. Son travail dans l'écurie de Terfynisel n'avait rien de glorieux, mais on laissait faire parce que personne n'avait mieux à proposer, et que Blodwen avait demandé à ne pas compliquer les activités sociales de Pwyll qui s'était engagé pour la défense d'un habitant du domaine.

La seigneuresse, sa barde et son clerc avaient chacun un cheval.

La première halte aurait lieu à Louarn. Ce petit village minier, lié aux Ronces et influencé par le tempétueux demorthèn Galenor avait beaucoup gagné à la fin de la bande des Roseaux de fer qui pillaient ces terres. Aujourd'hui le village devenait bourgade bien placée, à un carrefour, et le développement de la voie hilderine qui passerait aussi par là serait certainement une aubaine.

Madenig n'a pas pu véritablement prendre de repos. Il fallait s'occuper à Swelbecky, et éviter de montrer qu'on avait rien à faire au risque de se voir affecter de nouvelles tâches.
Madenig prit donc les devants, en travaillant au rythme qu'elle pouvait, pour ce qu'elle considérait être prioritaire, comme le nettoyage, le rangement, l'inventaire des équipements et sans oublier son entrainement quotidien. Le tout avec entrain et sifflements.

Elle ne rentra à Terfynisel que la veille du départ, afin de partager avec beaucoup de joie ce verre de l'amitié avec ses camarades et l'osfer Jazkez.

Pwyll avait fait de son mieux pour créer un lien entre le petit Aeldred et les chiots tout en tançant vertement les attaques sournoises du matou et en le récompensant lorsque son comportement s'améliorait.

Malgré les attentions et conseils, il était inquiet de ce qu'il trouverai au retour.

Une longue marche à pieds, à cheminer à côté des puissants à cheval. Oanell et Aeldred faisaient partie d'un autre monde, cela ne faisait guère de doute.

Tant que ça leur plaisait, Pwyll n'y trouvait rien à redire. Ce qui lui importait, c'était surtout de voir les gens heureux et de pouvoir continuer à profiter des surprises de la vie, la pluie ou le soleil ruisselant sur son visage, le pied sûr et le cœur vaillant.

Il se demandait s'il aurait l'occasion de croiser Galenor à Louarn, même si le bref temps d'une halte ne suffirait sans doute pas à glaner une once de savoir ancestral.

Pwyll avait emporté tout son attirail habituel avec lui plus de quoi s'habituer à manipuler une arme dans chaque main : une hachette et une dague.

"RAAAAAH !"

Ce cri de consternation au petit matin aurait pu effrayer quiconque l'aurait entendu. En l'occurrence, il dérangea surtout les poules qui s'égaillèrent un peu partout dans leur enclos en caquetant de désapprobation. Le jeune homme s'était couché tard pour nettoyer l'un des ensembles les plus présentables qu'il avait récupéré au château grâce à Oanell et qu'il avait eu le malheur de porter à l'auberge la veille. Sa malchance lui avait joué un nouveau tour et ses habits avaient pris une douche de bière peu à son goût. Il s'était réveillé tôt pour vérifier leur état et, si les vêtements sentaient le propre, ils étaient surtout encore humides.

Il leur avait laissé le plus de temps possible pour sécher, préparant le reste de ses affaires pour ne mettre les habits qu'en dernier et tout au dessus. Il avait décidé de profiter de la moindre halte, même de quelques minutes, pour leur offrir un peu de soleil et les faire sécher. Au pire, il se débrouillerait pour les étendre à la halte du soir. Considérant ce qu'il devait emmener, il se rendit compte que ce serait son premier voyage aussi loin de chez lui. Ce serait aussi le tout premier où il ne serait pas Aeldred le chasseur, mais Aeldred le clerc. Une boule dans la gorge et une brique dans le ventre l'accompagnaient désormais tandis qu'il faisait un dernier topo sur son matériel, notamment les ouvrages, la liasse de feuilles et la mine de charbon qui le suivraient désormais en lieu et place de ses armes. N'ayant toutefois pas l'intention de se sentir sans défense, il prépara son arc et son carquois ainsi que l'épée qu'il prenait toujours soin d'entretenir alors qu'il ne l'avait pratiquement jamais utilisé. Des souvenirs de son sergent instructeur de Louarn lui revenaient en tête à ce sujet, comment s'appelait-il déjà ? Bah, ça lui reviendrait bien s'il le croisait. Ou pas. Il accrocha également sa fibule d'argent sur sa nouvelle cape de voyage, ce qui, de son propre aveu, lui donnait une toute autre allure. Cela ne l'en intimida que davantage, à son grand désarroi.

Ne sachant combien de temps il serait parti, Aeldred avait fait le tour des voisins proches et demandé à l'un d'eux s'il voulait bien nourrir ses poules en son absence, lui permettant d'en prendre les œufs si nécessaire en guise de paiement. Puis il se rendit au château avec une certaine appréhension : sa nomination étant toute récente, il avait encore cette étrange impression de ne pas être tout à fait à sa place et craignait régulièrement qu'on lui interdise d'entrer -même si, jusque là, il n'avait jamais eu le moindre soucis alors qu'il avait presque élu domicile dans la bibliothèque. Quand on lui tendit les rênes d'un cheval, il faillit refuser mais un regard intrigué autant qu'amusé de Blodwen dans sa direction lui cloua la langue au palais.

Même dans une tenue de voyage appropriée à son nouveau rang, Aeldred donnait l'impression d'un petit animal pelucheux pris au piège entre les pattes d'un renard jouant avec lui avant de le gober tout rond. Il ne cessait de se tourner et de se retourner sur la route jusqu'à ce qu'un toussotement discret mais suffisamment éloquent de son amie de seigneuresse le redresse comme un "i" sur son cheval. S'il était maintenant nettement plus calme, l'impression qu'il allait s'évanouir toutes les cinq minutes n'était pas franchement mieux qu'avant. Il tripatouillait tant et plus sa broche au point que l'on pouvait penser qu'il l'userait et la changerait en poussière avant le terme de ce voyage.

Finalement, voir les premières maison de Louarn le rassurèrent un peu ; c'était là encore un terrain familier avant de se lancer dans l'inconnu le lendemain. Il en profiterait pour se reprendre en main et éviter de faire honte à Blodwen.

La délégation de Terfynisel était de petite taille mais de bonne tenue. Aeldred au chat était resté au village, car Blodwen tenait à n'avoir avec elle que des gens présentables pour se rendre devant le duc. Il y avait ainsi Blodwen, Oanell, Aeldred, et les hilderins pour assurer la sécurité : Jazkez, Madennig, Pwyll. Pour simplifier les choses, Pwyll était présenté comme un auxiliaire hilderin. Ce n'était pas faux, et ça ne posait pas de questions.

Les Mac Terfynisel se signalèrent au château, et furent invités à passer la nuit sur place. Un grand repas dans la salle commune serait donné le soir en présence de la dame, du demorthèn Galenor et du commandeur Ronce.

Les Mac Terfynisel découvraient leurs appartements, à savoir quatre chambres comportant chacune des lits assez larges pour trois personnes. Blodwen prenait une chambre pour elle seule et laissait les autres se partager l'espace. La décoration était sobre et de bonne qualité. Un grand lit avec d'épais baldaquin, deux grands coffres semblables à des bancs, une fenêtre munies de cousièges.

La soirée s'annonçait courtoise et tranquille, de quoi se reposer avant la seconde partie du voyage.

Le groupe de Terfynisel se dirigea progressivement vers la salle commune où brûlait un bon feu dans la cheminée. Une silhouette maigre et féminine se tenait devant. Il s'agissait d'une voyageuse.

Ethel errait d'un domaine à l'autre. Dans le duché de Salann Tir, ses dons d'eisdeach lui valaient un accueil facile. C'était le cas ici, et elle avait gagné un lit dans le château de Louarn. Au fil des mois, elle avait parfois été payée en vêtements et elle s'était résolue à ne plus avoir l'air d'une mendiante. Elle tolérait des vêtements simples de qualité qui lui permettait de supporter le climat rigoureux de la Péninsule.

Aeldred et Oanell, et peut-être Pwyll, pouvaient reconnaître la voyageuse. Ils savaient qu'elle errait au gré des besoins et... sans doute de l'appel de ses dons.

Aeldred avait su recouvrer ses moyens en entrant dans la ville de Louarn et sut tenir son nouveau rang en pénétrant dans le château à la suite de Blodwen. Lorsque la répartition des chambres se fit, il profita du répit jusqu'au dîner pour poser ses affaires et en sortir sa tunique encore un peu humide de la veille. Heureusement, il ne faudrait plus très longtemps pour qu'elle soit complètement sèche et c'est rassuré qu'il se dirigea vers la salle commune où ils étaient tous attendus.

Avançant dans la grande salle, il vit une femme se réchauffant à la cheminée. À cette distance, et ne la voyant que de dos, il ne la reconnut pas de prime abord même si quelque chose le titillait, comme un je ne sais quoi de familier. Quand elle se tourna légèrement, il se rappela.

"Ethel ? dit-il, sincèrement étonné. Je ne m'attendais pas à te voir ici. C'est moi, Aeldred, tu te rappelles ? On s'était rencontré à Swelbecky."

... "Aeldred,"... Aeldred... Oui c'est bon... Une expérience de rêve partagé qui avait bien fini.

"- Oui bien sûr... je me souviens... J'ai rarement été aussi bien accueilli dans une expérience tel que celle que nous avons vécu... EN général, les gens sont un peu plus méfiant lorsque je m'invite dans leur rêves sans les prévenir !! Evidemment que je me souviens!!

Comment va-tu? "

Je me souvenais bien d'Aeldred, malgré ma méfiance instinctive auprès de ceux qui cherche les ténèbres, il avait su me convaincre de lui abandonné mon manuel de la lune noire... pour qu'il aide lui aussi à sa façon les gens à trouver la lumière...
Et des gens comme lui, j'en avais pas croisé des tas...

Ethel avait changé dans le sens où elle avait troqué ses hayons, pour des vêtements plus conventionnel. Elle portait une longue jupe volante de couleur terne. mais pour le reste Ethel restait Ethel, ses yeux vairons, l'un vert-bleu, l'autre jaune étaient toujours aussi atypiques, sa coiffure toujours aussi rares. Elle avait cependant troqué ses bijoux de brick et broque pour des bracelets et des colliers plus traditionnels. Ils devaient toujours être sans trop de valeur, visiblement le fruits du travail de différents artisans... seul restait du temps où il s'était connu une boucle d'oreille en coquillage...

j'avais instinctivement compris qu'il y avais eu du changement dans Aeldred... mais pour l'instant je ne savais pas encore l'interprété... positif négatif...