[OdE Chap.7-23] A la lueur des lanternes

[Iris]

Le groupe était arrivé à Snaimhantus, un hameau des abords de la Forêt des soupirs, édifié près de la rivière Glanaihbne. Depuis ce point, il n'y avait plus qu'un antique chemin qui allait vers Llewellen, mais tout indiquait qu'il n'était plus utilisé depuis des années ; et un sentier qui s'enfonçait dans la Forêt des Soupirs, vers le cinthareïd des sources de la Glainaibhne.

Il n'y avait pas le choix de l'hôtellerie : tout le monde dormirait à l'auberge de la source. Ce n'était pas encore la haute saison des pèlerinages, mais il y avait déjà un peu de monde. Cet établissement était le plus élevé du village et accueillait tous les pèlerins qui venaient au village. La salle commune était aménagée assez strictement, avec une grande banquette en U qui faisait presque tout le tour de la pièce. De longues tables sur tréteaux étaient disposées en face, et bordées de bancs. L’espace pouvait accueillir un grand nombre de personnes. Les pèlerins désargentés pouvaient dîner chichement pour 1 daol de braise par repas, et dormir gratuitement dans les combles ; pour ceux plus aisés, les repas étaient selon les jours à 2 ou 3 daol de braise, et les chambres à 3 daols de braise, indépendamment du nombre de personnes qui dormaient dedans. Il n’y avait pas vraiment de lit, seulement de grands placards avec des matelas de laine ou de paille qui pouvaient être sortis, rangés, déplacés d’une pièce à l’autre au gré des besoin. Même chose avec les draps en chanvre et les épaisses couvertures de laine.

Il n'y avait qu'une seule rue digne de ce nom, le reste pouvait tout au plus être qualifié de venelle. L'allée allait de la porte de Seileaghalla jusqu'au sanctuaire tout au fond. Les porches des maisons donnaient sur cette allée. Les voyageurs découvrirent qu'il était d'usage ici, le soir que les habitants allumassent une lanterne suspendue à leur porche, de sorte que les étrangers de passage pouvaient aller jusqu’au jardin du sanctuaire et prier, ou simplement déambuler avant d’aller se coucher.

La lumière déclinaient et certains des voyageurs se retrouvèrent après le repas pour discuter en attendant d'aller se coucher.

[Pwyll]

Reposant enfin ses pieds après une nouvelle journée de marche, assis sur la banquette en U de l'auberge, les jambes, longues et épaisses, étendues face à lui, dans une certaine nonchalance, Pwyll remarqua :

"Au final, quand on voyage à pieds, le soir, on se repose en s'asseyant. Vous aut' qui voyagez à cheval, vos fesses et vos reins continuent à se faire ratatiner, même une fois que la halte est arrivée."

Il ajouta plus bas, vers Madenig et Kiddle juste à côté "Puis y a l'odeur de canasson en plus !"

Reprenant plus fort :

"T'as un avis toi Kiddle sur les esprits de la nature. On pourra approcher d'un endroit particulier, aux sources, un lieu où les C'maoghs se manifestent bien plus souvent qu'ailleurs. On t'a déjà parlé de ces choses là ?"

[Caeso Senjak Khan]

Jazkez se cala à son tour dans la banquette. Il est vrai que les trajets à cheval pouvaient faire mal au cul. Mais pour lui qui pratiquait l'équitation depuis plusieurs années, il y a longtemps que son posterieur ne craignait plus ce genre de désagréments. A en voir la tête de certain ce n'était visiblement le cas pour tout le monde.

-Oui tout a fait, Kiki ou qui que tu sois. On es tous suspendu a tes babines pour connaitre ton avis sur les C'maoghs. Sur que tu dois en connaitre un rayon.

Il renversa sa tête en arrière et ferma les yeux, surpris et pas mécontent du charme cossu de leur auberge.

[Kiddle]

Elles sentent pas le canasson... on pourra pas nous accuser de sentir le canasson... Il étudie ses chausses un moment avant de répondre.

Hein ? Les Cémachins ? Les Cimaquoi ? Ah j'sais pas non...

Heu.. la quoi ? Le truc de la nature là ? Non, j'sais pas...

Nan mais, heu...

Ouais...

Il faut croire que le temps n'a aucune influence sur lui car même si les autres sont suspendus à ses babines, il n'ira pas plus vite. Le temps pour l'aubergiste de servir trois fois toute sa clientèle, le temps pour Jazkez de s'endormir pour la nuit, enfin il poursuit :

Le truc de la sorcière, c'était pas mal, ouais. Sauf que ça crée des histoires après. Mais j'dis ça... Non mais j'dis rien. Faut savoir quoi, en fait.
Pourquoi vous me demandez tout ça ? On va où là ? Je croyais qu'on allait à Terfytruc, on n'y va plus ?

[Pwyll]

Finalement, le cas de Kiddle semblait pire que celui d'Aeldred au chat. Ce n'était pas peu dire. A moins que... il n'y avait que deux possibilités, soit le gamin était totalement demeuré, soit il n'avait parlé à personne depuis...

"Mouais, on va rester sur des trucs simples. Alors d'abord, non, pas tout de suite Terfynisel. La Seigneuresse Blodwen a d'abord des affaires à régler à Llewellen, ensuite on retournera à Terfynisel. Sinon, qu'est-ce que t'appelle le truc de la sorcière, tu parles de quoi en disant ça ?"

[Casaïr]

"Au final, quand on voyage à pieds, le soir, on se repose en s'asseyant. Vous aut' qui voyagez à cheval, vos fesses et vos reins continuent à se faire ratatiner, même une fois que la halte est arrivée."
"Je n'ai plus de reins depuis longtemps, rétorqua Aeldred en s'asseyant avec soulagement. Je n'ai jamais été aussi longtemps sur un cheval et ce n'est pas près de s'arrêter on dirait.'

Le jeune homme ne suivit les discussions que d'une oreille distraite, prenant le soin d'enregistrer ce que leur avait dit l'aubergiste. Il nota toutefois qu'il n'y avait pas que l'éducation scolaire qui manquait à Kiddle, mais aussi celle concernant les C'maogh. Où avait-il bien pu vivre pour ignorer tout cela ? Car à moins de vivre dans une grotte, il était difficile d'ignorer ce qu'ils étaient.

Il attendit un instant que le gamin rassemble ses idées pour parler -ce qui lui semblait tout de même étonnamment laborieux, il ne pouvait plus mettre cela sur le seul compte de la peur et de la nuit blanche- avant de lui demander :

"Dis-moi, où as-tu grandi toutes ces années ? Ce que tu ignores, on nous l'apprend quasiment depuis la naissance, ce qui me permet de croire que tu es seul depuis très longtemps. Comment as-tu survécu ?"

[Kiddle]

Il croise les bras la mine renfrognée, l'air du cancre, celui qui est toujours au fond de la classe...
Depuis la naissance ? Ah oui c'est vrai, vous savez tout. Tout c'qu'il faut dire, tout c'qu'il faut faire et quand il faut rire. Quand non, non c'est pas bien, hein ?

On le questionne ? Il dit non avec la tête, mais il dit oui avec le coeur.

Avec Tullochgorm on avait décidé de rien dire, si tu veux on n'a pas fait la même lessive... la sorcière était pas..., pas très bavarde quoi. Je chassais, on vivait dans une forêt loin d'ici, mais elle faisait des trucs... des trucs de heu, de morcail j'crois. Jamais entendu parler mais, ce que tu appelles ton... C'maogh ? Il ressemble à une libellule ?

[Pwyll]

Les yeux de Pwyll se transformèrent en billes luisantes et sa bouche s'assécha. Il tenta d'évaluer discrètement si des gens susceptibles d'entendre les paroles échangées avaient bougé la tête ou se mettaient soudain à tendre l'oreille.

Il approcha sa bouche et son abondante barbe blonde de la tête de Kiddle.

"Alors... ne dis pas des mots comme Morcail à la légère. Ce sont des choses très graves, très mauvaises et punies de mort.

Plus fort :

"Oui si on veut un C'maogh on pourrait dire que ça peut ressembler à une libellule qui serait très lumineuse."

Plus bas :

"On reparlera de ça en privé."

Pwyll reprit ses esprits de brefs instants avant d'ajouter, à voix basse, l'air circonspect.

"Elle avait pas des ours par hasard ta sorcière ?"

[Casaïr]

Pas dans une grotte mais dans une forêt hein ? Voilà qui explique pas mal de choses...

"On sait tout ça parce qu'on a eu la chance de l'apprendre, rectifia Aeldred sans s'attarder sur les propos de Kiddle. Je vais me répéter mais tu peux toi aussi apprendre tout ça, cependant avant tout tu dois surtout apprendre à te tenir en société ; parler à tort et à travers peut avoir de lourdes conséquences. Sur toi et sur ton entourage."

Comme parler de morcail à table dans une auberge. Pwyll ayant déjà aborder le sujet, le clerc estima qu'il était inutile de revenir dessus, ce qui l'arrangeait : il n'aimait pas du tout avoir le rôle du méchant alors qu'il voulait simplement aider l'orphelin à l'âge indéterminé. Ça ne lui ressemblait pas et il ne se considérait pas assez "vieux" pour tenir ce genre de propos moralisateur. Il soupira visiblement tout en se demandant si Kiddle parviendrait à s'adapter à la vie en communauté.

"Pour ce qui est des C'maogh, la visite du cinthareid devrait répondre à tes questions. Pwyll sera bien plus à même de t'aider à ce sujet, je ne suis pas très à l'aise dans ce domaine. Et il y aura bien sûr le demorthèn."

[Iris]

Un adolescent vint s'enquérir des commandes et des chambres.

Blodwen s'offrait le luxe, à 3 daols de braise, de dormir seule, et laissait les autres choisir le type de confort de leur choix : sous-pente en dortoir ; chambre commune à 3 daols de braise pour nombre indéterminé de dormeurs.

Concernant les repas, le garçon précisa : "Soupe à 1 daol de braise ou pour 3 daols de braise, gratin de songe des marais, œufs et herbes, accompagné d'une purée de carottes aux graines de fenouil. "