
Inspirer et expirer.
Avec un peu de persévérance, cela ne se passait pas si mal. Madennig changea de posture, et cessa de s'appuyer sur le fond de la cabane, pour se caler en tailleur, le dos droit. Elle s'enracinait dans le sol et sa tête soutenait les nuages. Sa respiration était calme et régulière. Elle se sentait de plus en plus légère. Son regard se perdit dans le paysage. Monotone et tapissé de mousse, ... mais elle lui paraissait soudain moins uniforme...

La mousse, elle n'était pas qu'un agrégat vert pâle, mais un monde immense, un univers, un terrain étrange et fascinant, peuplé de formes de vie qui défiaient les limites du langage commun. Il y avait ces êtres qui bougeaient, et puis les lichens, les mousses, et chacun était infiniment différent, vivant, plein d'une vitalité stupéfiante, gorgé d'énergie. Chacun existait pour lui-même, mais ils étaient pourtant aussi tous interdépendants. Ils avaient besoin les uns des autres, et pourtant, sous la façade de paix idyllique, la vie ne cessait de lutter. C'était mouvement si lent pour ses yeux qu'il paraissait ne pas exister, et pourtant, il y avait là une complexité aussi vaste qu'un océan. Cette étrange harmonie n'était pas pacifique. Il y avait là comme un vertige, un paradoxe que l'esprit -- humain ? -- peinait à saisir.
L'esprit se défaisait de ses attaches, il ne sentait presque plus le corps, il s'absorbait.
Il semblait que le corps était assis là, mais que son être réel, léger, si léger, flottait doucement hors de l'abri et posait les pieds sur le sol moussu.