[OdE Chap.7-32] Une soirée à température ambiante

[Madennig]

La première journée à Snaimhantus ne pouvait se terminer ainsi pour Kiddle, Madenig et Aeldred.
Du moins, Madenig se sentait assez d'énergie pour faire en sorte de déglacer l'ambiance. Elle avait vécu un voyage si merveilleux au sein de la vie moussue du cinthareïd, que rien ne pouvait entamer son profond sentiment de bien-être, en cette fin d'après-midi. Donc, toujours en suivant le môme et son rat, elle se mit à sourire. Aeldred, derrière elle, devait sûrement faire une tête de dix pieds de long, lui aussi. Ce qui la fit sourire davantage.

Au final, leurs bruits de pas s'accordaient entre eux, et si elle se concentrait bien, elle pouvait presque y entendre une sorte de chant.

Il n'y avait que Kiddle pour mettre fin à ce concert improvisé, et elle n'était pas si pressée qu'il le fasse.

[Kiddle]

Mais Kiddle est trop bouleversé pour s'apercevoir qu'il est suivi. Il a envie d'être seul ce soir, alors ses pas le dirigent vers la rivière qu'ils ont traversée avec Aeldred un peu plus tôt dans l'après-midi. Au lieu de prendre la rue principale, il tourne à gauche vers les rondins de bois et traverse les roseaux. Il ne marche pas il titube, et sa trajectoire est assez difficile à suivre. Au bout d'un moment il finit par s'asseoir au bord de l'eau.

[Casaïr]

L'ambiance était bizarre, entre Kiddle qui semblait perdu après s'être fait admonesté de la sorte et Aeldred qui se sentait responsable de la situation. Il suivait Madenig, elle-même juste derrière le garçon, le tout dans un silence pesant. Ils n'avaient pas fait vingt mètres cependant que l'adolescent changea de trajectoire pour se rendre au bord de la rivière. Cela se comprenait, il avait besoin de respirer, de se calmer, de comprendre ce qui venait de se passer et l'écoulement de l'eau pouvait sûrement l'aider à y penser calmement. Il se rapprocha alors de Madenig, lui posa une main sur l'épaule.

"Laissons-le un moment. Il a besoin de faire le point. Nous pourrons toujours revenir le chercher un peu plus tard, qu'en penses-tu ?"

Il regardait l'osfei, hésitant, les mots de la jeune femme résonnant dans sa tête. Peut-être que lui aussi devait faire le point avec elle.

[Madennig]

Madenig continua de suivre le jeune Kiddle avec qui elle n'avait toujours pas pu faire connaissance. Son sourire s'estompa un peu alors qu'il s'asseyait au bord de l'eau. Le rythme de leurs pas s'était éteint pour mieux entendre l'eau chantante du cours d'eau.
Quand Aeldred se plaça à coté d'elle, Madenig avait un sourire bienveillant pour le triste garçon. Elle écouta la requête mais ne bougea pas.
A la place, elle répondit tout bas, sans quitter des yeux la rivière.

"Je ne pense pas... Nous sommes bien ici, tous les tr.. quatre, ensemble. Et nous n'avons pas l'air de le gêner."

Elle offrit un regard rassurant au clerc et s'assit dans l'herbe, derrière Kiddle et son rat. D'un geste rapide de la main, elle encouragea Aeldred à faire de même.

"Je ne crois pas que la solitude soit un bon remède pour ceux qui ont besoin d'affection..." ajouta-t-elle doucement. "Kiddle... On m'a dit que tu savais tirer à l'arc. Tu as appris ça tout seul ?"

[Casaïr]

Aeldred aurait bien répliqué mais il n'avait pour exemple que le sien propre et il n'était pas certain que Madenig apprécie alors il préféra se taire. Elle s'installait dans l'herbe et l'invita mais il refusa la proposition et préféra rester debout : il n'était pas vraiment certain que Kiddle veuille de sa présence à lui, après tout il faisait partie de ceux qui l'avaient rabroué et le garçon semblait avoir un gros problème avec l'autorité d'où qu'elle vienne. Cela lui avait fait mal de s'emporter contre lui mais c'était ça ou laisser la situation s'envenimer davantage.

Ce qui peut toujours arriver, songea-t-il dans un soupir.

Madenig était cependant têtue et ne semblait pas vouloir lâcher l'affaire, encore plus aujourd'hui. Son expérience au cinthareid lui avait visiblement appris quelque chose au vu du sourire qu'elle affichait, un sourire bien plus serein qu'aucun de ceux qu'il avait pu lui-même sentir passer sur son propre visage. Cependant il savait bien que la sérénité n'existait pas, ni ici parmi les vivants ni là-bas parmi les morts. C'était aussi l'une des raisons qui l'avait empêché de les accompagner, il se refusait à être de nouveau assailli par les ombres qu'il avait vu. Par moment il lui semblait même les voir du coin de l'œil mais elles disparaissaient sitôt qu'il les cherchait activement. Plus il s'éloignait de Terfynisel, plus un étrange sentiment l'envahissait. Il perdait du temps, voilà ce qui le gênait et jamais la paix du cinthareid n'aurait pu l'atteindre.

Il soupira de nouveau et s'assit à contrecœur, posant devant lui l'arc et le carquois de Kiddle puis s'allongea sur le dos pour observer le ciel, les mains croisées derrière la tête en guise d'oreiller.

[Kiddle]

Complètement groggy il ne sait pas comment il est arrivé là.
Que s'est-il passé, la voix de Tullochgorm ne parle plus dans sa tête ? A la place le vide s'est installé. Un vide infini qui aspire le présent, et qui fait surgir les fantômes du passé. Quelque chose de sombre est en train de l'envahir, quelque chose qui s'invite sans qu'on lui demande, une voix bien connue : « bonsoir je suis pulsions, dégoût et haine. » Kiddle ne s'est pas retourné, mais... c'est étrange il sent une présence calme et bienveillante dans son dos, et elle vient de se trahir...

"Kiddle... On m'a dit que tu savais tirer à l'arc. Tu as appris ça tout seul ?"

Ploc ! Fait un caillou dans l'eau. Ploc ploc ploc ploc ploc…

Ricochet… Ouais c'est pas Aeldred qui t'as dit ça. Bah, non hein ? Lui, il pense que j'sais pas tirer.

Toujours assis, il marque une pause pour prendre un petit galet, il ne s'est encore pas retourné.

Mais pourquoi t'es pas 'vec les autres, tu m'as suivi pour savoir ça ?

[Madennig]

Elle eut une expression admirative en voyant le ricochet initié par Kiddle. Elle laissa Aeldred se cacher dans les herbes et lorsque Kiddle répondit, elle n'hésita pas très longtemps avant de s'exprimer à nouveau avec calme.

"Oui. Pour savoir ça, et plein d'autres choses ! En plus... Pendant que l'autre partie du groupe est au sauna, nous n'avons pas faire trop attention à nos manières."

Elle en profita pour continuer cet interrogatoire minimaliste.

"Est-ce que tu sais te débrouiller avec une épée ?"

A ces mots, elle se leva, dévoilant la présence de Aeldred. Et elle se mit à chercher dans les herbes hautes, des bâtons assez solides...

[Kiddle]

Il observe Madenig du coin de l'oeil, et cette fois il aperçoit Aeldred allongé tranquillement dans l'herbe. Le ton est sarcastique...

Tsss…
Et où j'aurais appris à me battre à l'épée ? Dans l'cul d'une forêt ?

Il se détourne et donne de l'amplitude à son bras, pour envoyer le galet qu'il tient à la main le plus loin possible toucher la rive de l'autre côté. Manifestement Kiddle a repris du poil de la bête.

[Madennig]

"Je sais pas.. Je ne connais rien de toi, à part que tu te fais appeler Kiddle... Et... Je ne connais pas trop les forêts et ce qu'on y fait... C'est plutôt Dred le spécialiste des forêts."

Madenig avait enfin trouvé un bâton, long d'environ 70 cm, d'un diamètre de 5. Elle le fit tournoyer un instant, pour l'entendre fendre l'air.
La méditation lui avait aussi redonné beaucoup d'énergie, qu'elle était prête à dépenser pour secouer ses deux compagnons.

"Hein, Dred ? Je crois que Kiddle t'a vu, tu sais, pas la peine de te cacher... "

Après un rire bref, elle prit appui sur ses deux jambes, légèrement pliées, auprès d'un noisetier en pleine poussée de sève.

"Allez, levez-vous et venez prendre un bâton chacun, on fera comme si c'était une épée !... Je vous prends tous les deux contre moi. C'est le moment ou jamais de ridiculiser une faible femme, messieurs..."

[Casaïr]

"Je ne me cachais pas..."

Aeldred se redressa en s'étirant et en prenant la température de l'échange entre Madenig et Kiddle. Le garçon lui en voulait, c'était assez net et il ne semblait pas prêt à reconnaitre ses torts. Le clerc avait beau réfléchir, il ne voyait pas comment l'amadouer. Même lorsqu'il aidait Rhea à la maison des dàmàthairs, il ne s'était occupé que de jeunes enfants, pas d'énergumènes aussi sauvages que celui qui venait de les rejoindre. Madenig tendit bientôt une branche presque droite avec laquelle elle fouettait l'air, contente de sa trouvaille et avant que le clerc ne se demande où elle voulait en venir, elle se mit en garde, une mèche de cheveux lui barrant soudainement le visage.

"Allez, levez-vous et venez prendre un bâton chacun, on fera comme si c'était une épée !... Je vous prends tous les deux contre moi. C'est le moment ou jamais de ridiculiser une faible femme, messieurs..."

Le défi cloua le bec d'Aeldred qui la regardait, les yeux écarquillés, se demandant s'il avait bien entendu ce qu'elle venait de dire. Et d'un coup, un chapelet d'images se fraya un chemin dans son esprit et ces souvenirs lui rappelèrent... Il éclata soudain de rire, toujours assis et se tenant les côtes. Lorsqu'il se calma, il se leva pour de bon et s'essuya les yeux.

"Tu es vraiment incroyable", dit-il d'un ton affectueux avant de se reprendre sans trop balbutier : "Je ne suis pas sûr que ce soit très juste, après tout mes compétences d'épéiste n'ont pas vraiment progressé depuis notre service d'Ost, je devrais dire qu'elles ont même régressé. Tout ce qu'on gagnera à t'affronter, ce sont des bleus en pagaille. Et on ne peut pas te défier au tir ou au lancer car là c'est toi qui serais désavantagée."

Sans vraiment s'en rendre compte il rentrait dans le jeu de Madenig mais, s'il était disposé à la défier, il préférait le faire sur un domaine où chacun des trois aurait sa chance. Il réalisa cependant rapidement qu'il serait probablement désavantagé sur pratiquement toutes les épreuves qu'il pouvait s'imaginer hormis un arc à la main. Ne trouvant pas de solution satisfaisante, il croisa les bras en toisant gentiment Madenig, soupira exagérément.

"D'accord, puisque tu y tiens mais puisque tu nous défies, il faut un enjeu ! Qu'est-ce qu'on gagnerait à te battre ?"

Maintenant il souriait largement.