[OdE Chap.7-44] Première chambre sur cour - 19h20

[Pwyll]

Emporté par la succession de morceaux, Pwyll n'avait plus pensé à rien. La musique était si sincère et vive, qu'il se sentait comme une coquille de noix emportée au gré des vents sur... un marais ? Non sur la mer sans doute, même s'il n'avait pas encore bien vu à quoi ça ressemblait vraiment, de près.

"Bravo Ethel ! Bravo !" s"exclama-t-il en joignant le geste à la parole.

Kiddle s'était mis à sautiller et tourbillonner de façon désordonnée et vaguement en rythme. Quand il retrouva un peu ses esprits et son équilibre, Pwyll lui répondit :

"Evidemment que j'y crois, j'ai même vu les racines de Corahn-Rin dans le Cinthareïd. Il nous protège, mais il souffre, il est attaqué. C'est pour ça que ta mission est importante."

Il se rendit compte qu'il était revenu bien trop vite au sujet qui fâche et tenta de revenir au plus trivial :

"Allez, à la soupe ! Touchez pas mes galettes ou j'fais un malheur !"

Il alla remplir un bol généreusement, comme un cuistre... pour finalement l'apporter à Madennig dans le lit en murmurant :

"Tiens, Mad, reprends des forces ma belle acrobate."

[Madennig]

Il était déjà presque 21h, et Madennig hésitait entre un sommeil douloureux ou attendre encore que l'eau chaude arrive pour y infuser des antalgiques. La musique avait le mérite de la tenir éveillée, et la simple vision des visages enjoués autour d'elle l'apaisait.
Quand la soupe arriva, il lui sembla que l'eau manquait.
Elle ne put que remercier Ethel du regard pour son récital, ajoutant une main sur la sienne. Elle manquait de force pour faire mieux.
Pwyll apparut devant ses yeux mi-clos, il s'était fait une voix douce pour la convaincre de manger. Coup de chance pour Pwyll : même si elle n'avait pas faim, elle n'avait pas envie de le contrarier. Pour être aux petits soins ainsi avec elle, il devait vraiment se sentir coupable.

Demain, promis, elle lui parlerait, elle lui dirait que ce n'était pas nécessaire, qu'elle pouvait demander à faire venir un médecin si il avait envie d'aller avec les autres à droite et à gauche. Demain, oui. Mais là... Finalement, ce n'était pas tous les jours qu'un Hilderin se faisait dorloter ainsi. Et... Ce n'était pas Jazkez qui lui apporterait la soupe au lit.

Pour remercier Pwyll, elle posa aussi ses mains sur les siennes, alors qu'il tenait encore le bol. Un instant. Avant de saisir le bol.

Au pire, quelqu'un finirait bien ce qu'elle ne pourrait pas manger.

[Kiddle]

Il avait entendu un jour un paysan dire à propos d'une ménestrelle : "crévindiou elle scie du bois avec son arbalète !", ce qui ne s'appliquait pas à Ethel, Ethel qui s'était excusée de ne pas avoir les talents d'Oanell, mais qui pouvait en dire autant ? elle avait une façon de secouer les cheveux et de taper du pied ébouriffante. Au sixième morceau il s'élança pour une sorte de gigue heureusement personne ne fit de commentaire, après quoi il écouta sagement la fin du récital car s'il est vrai que la musique d'Ethel avait touché son cœur, il ignorait le proverbe : la musique adoucit les mœurs.

Ensuite vint la réponse de Pwyll...
Il était en train de froncer les sourcils et de préparer un véritable questionnaire sur les sujets qui fâchent lorsque le demi-géant décréta qu'il était temps de manger il se rappela qu'il avait très faim. Il se pencha au dessus de la marmite, tiens encore des légumes ils mangent que des légumes et des graines...
J'mange pas d'graines moi marmonna-t-il, il préférait les vers et les sauterelles au miel, les écureuils à la broche, ou mieux les œufs d'esturgeon, mais il avait du mal avec les légumes, il inspecta la galette pour voir si elle ne contenait pas de graines, il fit la grimace et se servit uniquement de seiche, après lui il n'y eut plus de seiche dans la marmite.

Quand il fut bien rassasié, il prit la décision de ne plus parler de la menace feond. Il n'allait pas gâcher la dernière soirée pour une question de mœurs. Il s'allongea sur la dalle, un coussin sous la nuque, il ne se sentait pas si mal.

[Pwyll]

Pwyll avait regardé le manège de Kiddle qui avait pêché la seiche dans la marmite comme s'il était au milieu de son propre étang. Il en avait foutu partout et laissé de morceaux nulle part...

"Kiddle... Vivre avec les autres, c'est aussi penser à eux et pas faire passer son estomac avant tout le reste. T'as rien bouffé presque, empêché les autre de goûter à la seiche, sauf Mad, heureusement et voilà. Pense-y et bouffe une galette si tu veux encore grandir un peu. Les héros font rarement 40 kilos tout mouillés, t'sais."

[Kiddle]

Kiddle se redressa sur ses coudes.

Pwyll, j'ai jamais dit qu'j'étais un héros...
C'est toi et Mad les héros...

Sans y mettre beaucoup de conviction il se leva et débarrassa les bols, devant le bol à moitié vide de Madennig il secoua la tête, tandis que devant le bol aussi propre avant qu'après d'Ethel il s'étonna.

T'as pas fini ta soupe Mad, c'est pas bien...
Ethel t'as rien mangé ?

Il fit une petite pile de bols et de cuillères sur le côté de la cheminée, ensuite il se dirigea vers son carquois pour en sortir une feuille de parchemin. Il avait promis à Ethel de leur confier son idée, mais après la séance musicale il s'était fait la promesse de ne plus mentionner le mot feond de la soirée. Déjà qu'il était un peu limité en vocabulaire, ça n'allait pas être facile d'expliquer son idée. Toutefois il brandit le parchemin dans ses mains et annonça à toute la chambrée, non sans fierté :

Pour conscritruc le problème, v'là la solution !

[Madennig]

Madennig n'avait mangé que quelques cuillerées de sa soupe, mais elle semblait déjà reprendre quelques couleurs. Elle regarda Kiddle débarrasser tout le monde avec un agréable étonnement. Et lorsqu'il parla de héros, elle baissa les yeux ne se sentant pas vraiment sur l'instant à la hauteur de ses paroles.
Elle se redressa en dissimulant la vive douleur qui lui prenait les cotes, pour finalement se mettre debout.

Kiddle avait son plan à exposer et elle ne voulait pas l'interrompre. Elle chercha dans son sac une bourse de toile contenant les herbes analgésiques, et remplit d'eau le bol propre d'Ethel pour le placer dans les braises. La douleur l'empêchait toujours de parler, et en attendant que l'eau se réchauffe, elle s'assit sur un coussiège pour écouter Kiddle.

[Pwyll]

"Demande moi, Mad ! On voit bien que tu grimaces en te baissant. Va falloir que je te pose sur le lit et que je m’assois sur toi, ma parole. Je t'apporte ça quand c'est prêt, installe toi bien."

Pwyll offrit un visage ouvert et attentif à Kiddle, se demandant intérieurement de quel genre de plan improbable son esprit était capable d'accoucher...

[Iris]

Le sol était était un parquet propre et lisse, de bonne facture, qui était déjà ancien et avait sans doute été à de nombreuses reprises huilé et entretenu. Il y avait un tapis près de la cheminée, en lainage épais.

[Madennig]

"Pwyll.. " allait-elle répondre faiblement, mais elle ravala sa phrase pour ne pas couper Kiddle dans son élan.
Elle préféra finalement montrer d'une main la place qui restait sur le coussiège qu'elle occupait pour proposer à Pwyll de s'asseoir auprès d'elle. Il pouvait deviner que sa présence la réchaufferait.

[Pwyll]

Le grand blond se plia volontiers à l'invitation muette. Il s'assit contre Madennig, doucement, et fit en sorte de positionner son bras et son épaule pour en faire un appui le plus confortable possible si l'idée venait à l'osfei de s'y reposer. C'était bête, mais son cœur battait un peu vite.