Fortuna Imperatrix Mundi

Après bien des discussions et des hésitations, et des raisons de rester quelques minutes de plus, Ethel et Kiddle et Tulochogorm quittaient à pied le château du duc de Llewellen. Ils traversèrent les deux cours, passèrent à côté des écuries, franchirent les portes.

Le temps était brumeux, mais assez clair pour marcher sans risque sérieux -- sauf à aller au bord de la falaise. La route allait vers l'est, jusqu'à un carrefour d'où l'on pouvait opter pour le nord -- route qui menait vers le domaine des Mac Kell --, le sud -- un chemin descendant vers Llewellen , et l'est, vers le hameau précédemment traversé.

A présent qu'ils étaient là, les vagabonds n'avaient plus personne pour suivre leurs mouvements, les juger ou leur ordonner quoi que ce soit.

Le maître change encore de tanière. L'autre deux-pattes, une femelle aux poils de tête collés, marche avec le maître. Le maître est le plus malin, ô oui ! Le plus malin. Il porte la nourriture nouvelle, celle qui pue bon. Oui. Autour de son bras. Dans un objet des deux-pattes.

Souvent de la nourriture dans les objets des deux pattes. Parfois il faut gratter, parfois ronger. C'est fatigant. Cette fois, le maître lui donnera la nourriture qui pue bon, hein, maître ?

Tullochgorm est venu se jucher sur l'épaule de Kiddle, il regarde le panier d'osier se balancer au bout du looooong bras. Des odeurs en sortent. Ça pue bon, le poisson. Il fourre son museau contre l'oreille du maître pour lui dire : "mangeeeer !!!" Cette fois, il comprendra, c'est sûr.

La brume n'allait pas tarder à se lever et l'herbe sous leurs pieds était encore humide de la rosée du matin. En passant devant les deux cours d'eau il retourna la tête plusieurs fois car il cherchait des yeux la jolie blanchisseuse mais il ne la vit pas, un peu déçu il faisait une triste mine. Il fit une pause à la croisée des chemins pour attendre Ethel, il voyageait d'un pas alerte, n'ayant qu'un panier d'osier à transporter son carquois dans le dos contenait toute sa fortune, c'est-à-dire 18 flèches, un briquet, un morceau de charbon de bois, 15 daols de braise plus 1, celui que lui avait donné Dred, ainsi que la feuille de papier parchemin enroulée.

La jeune sorcière aux yeux vairons le vit embrasser son rat.

Tut tut tut, t'auras rien du tout et t'sais très bien pourquoi.

A Ethel :

Il a assez mangé d'biscuits c'te nuit, moi j'mange pas d'graines c'est Tullochgorm qui les mange d'habitude. T'sais Ethel pour dresser un rat, faut d'abord qu'il comprenne que si il obéit bien il aura une récompense, bah mais là il a trop bouffé, va falloir que j'reprenne le dressage à zéro...

Bah, sinon...et toi comment ça va ? Pas trop déçue d'quitter l'château ?

https://www.youtube.com/watch?v=EI8RQw5u9EA

Finalement le départ s'était fait presque comme elle l’espérait... Une vision de bonheur, un au revoir joyeux... un joli souvenir à emporter comme un bagage pour une destination incertaine.
Kiddle était visiblement contant de sortir de ce château. Il portait nouvelle tenu, qu'Ethel n'avait jamais vue, ou juste pris la peine de noter. Avant ce point de non retour, il faut dire qu'elle n'avait pas vraiment laisser sa chance au jeune garçon. Il avait un surcot, une chemise et une cordelette qui retenait le tout, ainsi qu'un long couteau et une fronde.

Ethel, elle, n'avait absolument rien changé à ses habitudes de voyage. Elle ne portait aucune arme visible... Elle avait enfilé une robe qu'aucun aurait trouvé par forcement très adaptée au voyage...
Un peu trop grande pour elle, faite d'une solide toile, elle présentait deux avantages à son gout. Elle était assez chaude pour ce frais matin, et, ne la mettait pas forcement en valeur.
Elle avait essayé de discipliner sa crinière avec un long foulard, avec l'espoir d'atténué un peu l'effet sorcière échappée de quelques tempêtes argewisiennes.
https://www.pinterest.fr/pin/564216659562995106/

https://www.youtube.com/watch?v=OJ79fFbcp_s
Tranquille et placide comme à son habitude, Kiddle eut tôt fait de la distancer, mais elle ne fit aucun effort pour le rattraper ou accélérer le rythme. Seule, elle laissa son esprit vagabonder librement, pour la première fois depuis longtemps.
Ce fut un agréable moment jusqu'à ce que la croisée des chemins ne la rattrape.

https://www.youtube.com/watch?v=Yomygjyq1tc
Comment on était arrivé à un bordel pareil. Elle n'était plus très sure de la voie qu'elle devait prendre. Ni de la voie qu'elle avait suivit. La précarité de sa situation finissait par obscurcir l'horizon.

Oh, elle ne doutais pas du choix qu'elle devait faire maintenant. C'était évident. Terminer ce qui avait été commencé, même si on ne lui avait pas demandé son avis...
C'est au retour qu'elle se demandait bien quel chemin elle poursuivrait. Elle finissait par accepter que le chemin de Lerwick ne donne rien. Finalement, elle n'avait rien résolu. Et visiblement oublier n'est pas pardonner... Et il était clair que de toute façon rien ne l'attendait là-bas.
La route du château non plus ne lui semblait pas forcement être plus accueillante... Une fois cette affaire tirée au clair, ne ferait-elle pas plus de mal à son entourage en y retournant plutôt qu'en disparaissant dans la forêt comme elle l'avait toujours fait une fois que les problématiques étaient résolue...
Restait celle de Llewellen, mais llewell ou ailleurs c'était la même chose... Alors autant prendre la route qui l’appellerai...

Elle finit par balayer ses interrogations en se rassurant. Elle prendrait la route d'elle devrait prendre le moment venu. Elle ramena son attention sur Kiddle qui semblait l'attendre en discutant avec son rat. Tul semblait gourmande comme bestiole...

"Non, pas vraiment, distraite comme je suis, je n'ai jamais songé à prendre un compagnon de route vivant... J'aurais eu trop peur de l'égarer dans quelques voyages oniriques... Puis j'ai souvent eu du mal à subvenir à mes propres besoins... Je crois que cela m'aurait peiné si mon animal de compagnie devrait connaitre la fin..."

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Elle fut un peu touché par la sollicitude du jeune homme. C'était la première fois qu'il semblait s'inquiéter des autres.
Elle était triste s'était évident... Mais c'était aussi sa nature profonde. Une sorte d'économie d’énergie.
Ne voulant pas s'épancher de trop, elle décida fidèle à son habitude de ne pas répondre à la question

"Je crois que ce que l'on cherche à faire vaux le coup de ces jours de séparation. Le reste... Et puis ca va faire du bien d'oublier ce protocole, non?

Il opina de la tête, il chassait vite ses déceptions, et le protocole il n'avait pas encore bien cerné le problème, et puis il n'était pas du genre à s'inventer des regrets mais plutôt du style à s'inventer un passé et tout un tas d'histoire en fonction de ce qui l'arrangeait. Quant à la blanchisseuse, elle l'avait un peu tourmenté dans son rêve, mais il ne savait plus pourquoi…
Il reposa Tullochgorm par terre et tapota le bras d'Ethel, il lui montrait les champs à l'est et au-delà la forêt des soupirs, il se mit en devoir de la rassurer. Hélas Ethel allait vite comprendre pourquoi Pwyll avait mentionné l'égoïsme de Kiddle et aussi pourquoi Aeldred n'en pouvait plus et pourquoi Blodwenn ne voulait plus le voir.

Duchesse, derrière ces prairies de hum hum, de graines, que nous allons dépasser à la vitesse d'un cheval à pied, t'sais quoi y a des enfants, des paysans et des bûcherons, qui meurent les pauvres, et nous on peut rien faire, c'est moche la vie mais c'est comme ça, hein pas vrai Tul ?
Ouarf non, j'déconne, on a une mission très importante, des gens souffrent et ça c'est pas bien.
https://www.youtube.com/watch?v=vabnZ9-ex7o

Chuis pas un héros Ethel...mais, on va dire que…
https://www.youtube.com/watch?v=iv8GW1GaoIc

Chuis l'roi des fourmis et toi t'es la duchesse du pays des merveilles ?
https://www.youtube.com/watch?v=jBuwC4VJi50

Il rigolait et saisit un bâton qu'il pointa vers l'est.
Tu vois not' royaume ? bah ouais il est en danger…

Mais son visage se fit beaucoup plus sérieux. L'endroit était infesté de feondas, des gens vivaient là et ils avaient besoin d'aide, voilà ce qu'il aurait du dire à Ethel, au lieu de ça il avait débité ses conneries. Il regrettait ses paroles mais c'était plus fort que lui. Ils devraient rentrer chez les gens, poser des questions, et on allait peut-être les chasser, ou non, rien n'était certain. Il tourna la tête vers elle, et ses pensées le préoccupaient, qu'allaient-ils découvrir au hameau ? Mais ils ne seraient pas plus avancés s'ils restaient ici.
Il se remit en route et accorda son pas à celui d'Ethel, tandis que tout autour d'eux le brouillard se dissipait dans ce monde où ils étaient jetés, le printemps colorait encore les champs de verts. Ce qui se passait sous le sol ou derrière les portes restait un mystère...

Assez insensible à la notion de regret, inconsciente de celle des excuses, il était évident que qu'Ethel n'avait rien remarqué de négatif dans la réponse du garçon.

Elle même marchait déjà à côté de ses pompes, et ses pensées étaient trop tourmentées pour voir entre les lignes.

Elle nota juste sa phrase "Je en suis pas un héros", ce qui sous entendait qu'il y avait une certaine forme d'admiration et peut être de regret vis à vis de lui même.
Dans les deux cas, il faisait fausse route.

En admettant qu'elle réponde à tous les autres critères, et elle ne rentrerait pas dans ce débat, pour être un héros, il fallait être volontaire, il fallait qu'il y ait un choix de faire ou de ne pas faire...
Et ce n'était pas son cas... Pas de choix... Juste faire ce qu'elle devait faire. ni plus ni moins.

"Il n'est pas d'héro sans auditoire, comme on vis seul, il n'y a pas de héros ici"


Si notre royaume est en danger, alors il faut le défendre?

Pour elle qui refusait tous combat, l'ironie de la situation lui apparaissait clairement

et tout aussi ironique mais amical,

Comment ca se fait que tu sois roi et moi que duchesse? Racontes moi l'histoire de ce fabuleux royaume et de son souverain si particulier?


Elle n’oubliait pas son objectif, principal, essayer de montrer une voie plus saine à Kiddle... Il lui fallait une base de travail.
Ils se remirent en route et elle nota qu'il l'attendait

Il savait que le hameau n'était qu'à quelques battements d'ailes d'oiseau. Duchesse prenait son temps et elle voulait savoir pourquoi elle était la duchesse d'un fabuleux royaume alors que lui en était le roi.

Bah, chais pas...j'crois que c'est parce que... j'ai rêvé du château, y avait des fourmis…bah c'est bizarre, tu veux que j'te raconte...? ouais tu marches pas vite donc j'peux tout te raconter.

Il débuta le récit de son rêve dans un monde merveilleux qui n'avait ni queue ni tête. Ethel allait en entendre quelques bribes, à elle de comprendre et de s'accrocher, mais il n'était pas du tout certain qu'elle veuille connaître la suite car ça commençait mal.

J'étais pas un papillon, j'étais le roi des fourmis...

Enfin bref, Dred, Pwyll, Mad et toi vous avez rapetissés, en plus vous avez tous foutus les pieds dans un bol de soupe à la graine, p*** de graines !

Le monde entier était contre moi ! Un lapin avait bouffé Mad, mon ventre : mangeeeeer ! J'te jure un féond à côté c'est du gâteau !

Il s'emportait. Il crut voir à ce moment là, dans un buisson qui se trouvait sur le bord du chemin une petite forme suspecte d'antennes bouger... Il s'élança et frappa, et frappa ! Il semblait qu'il avait quelque chose à évacuer.

Ethel, de nature peu expensive, et habituée par déformation professionnelle, écoutait avec attention le récit du jeune homme.
Elle ne cherchait pas de suite une cohérence dans le discours surtout qu'elle était coutumière des déformations oniques.

Elle cherchait juste la manière de raisonner du jeune homme et peu être aussi, a écouter une agréable histoire.

Elle avait besoin de comprendre ce besoin si particulier d'exorciser par la violence...

Ou elle gardait le silence ou elle s'était éloignée, mais lui il ne pouvait pas la regarder. Même Tullochgorm avait fuit.

... vraiment seul oh je suis un salaud, je voudrais être...putain j'aurais aimé être...mais quest-ce que je fous là ? Tu es tellement spéciale, je suis un mec bizarre...

Il avait failli décapiter ce pauvre buisson, il jeta son bâton, il retira son haut de vêtement, il s'essuya la nuque avec puis il ramassa panier arc et carquois. Les rayons de soleil dessinaient aux creux de son ventre des ombres saillantes, des petites tablettes de chocolats ?

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Ethel marchait devant. Ethel flottait dans sa robe. Son foulard était retombé dévoilant ses cheveux si particuliers qu'on aurait dit un casque contre les courants d'air. Les yeux plongés dans les mouvements de sa robe, dans les plis et les replis de la toile il retrouva la trame de son rêve si particulier.
Cette fois c'était certain rien n'allait lui échapper...