Fortuna Imperatrix Mundi

Jazkez avait quitté Madennig somnolente et était un peu resté dans ses appartements. Dans le même temps, Blodwen et Oanell revinrent de leurs discussions avec le duc et ses clercs, tandis qu'Aeldred et Pwyll arrivaient de l'abbaye.

Tout ce monde se retrouva dans le salon des appartements Terfynisel, arrivant pratiquement en même temps. Madennig sortit de sa somnolence et reprit conscience en comprenant qu'il y avait du monde à côté.

Blodwen était concentrée, et relativement préoccupée, énergique aussi. Une fois qu'elle eût constaté la présence de chacun, elle profita de la réunion hasardeuse pour s'adresser à tous -- n'ayant guère de scrupules à tirer Madennig du lit pour la convoquer dans le petit salon.

" En préambule, à l'avenir, prévenez-moi avant de disparaître. Cela vaut pour chacun de vous. Quand je suis sortie de ma chambre, même Madennig était partie je-ne-sais-où. Vous êtes les gens de ma délégation : je dois savoir où vous êtes. Je suis conciliante, j'accepte que vous ayez des choses à faire, des projets, mais vous êtes au service des intérêts de Terfynisel que j'incarne. Si je ne sais pas comment vous joindre, c'est la même chose que si j'étais venue seule à Llewellen."

" Maintenant, je suis disposée à voir ça comme un faux départ. La journée d'hier était longue et difficile. Reprenons d'un bon pied."

" Le barde Maelor au service de Gloada Mac Elowan est venu nous trouver pour demander si nous voulions un procès rapidement ou si nous préférions faire les choses lentement. Il y a aussi le choix entre une procédure écrite ou orale. J'opte pour une procédure orale, donc se tenant en une seule session. Concernant le moment de la lancer, la question centrale est : avons-nous intérêt à attendre ? Ce ne sera le cas que si vos actions peuvent, d'une manière ou d'une autre, améliorer notre réputation et notre aura auprès du duc."

" A propos du duc, il m'a fait l'honneur de me recevoir en privée, seule à seul, pour discuter. Il m'a fait l'impression de quelqu'un très attaché à régner justement. Il s'est montré compréhensif quant à mon intention de ne pas faire de mariage de convenance, voire ne pas me marier. Je... j'ai l'impression d'avoir compris quelque chose..." Blodwen parut songeuse, avec l'expression de quelqu'un qui dénoue les fils d'une énigme, mais préféra ne pas s'étendre à ce propos. " Oanell sera désignée officiellement comme mon héritière, sauf à ce que je désigne une autre personne ultérieurement, en particulier s'il advenait que j'avais des enfants. Son statut sécurise notre maison un peu plus, mais pas totalement, car elle est elle-même non-mariée et sans enfant. Si nous disparaissions toutes les deux, le domaines reviendrait soit à Gloada, soit au duc, soit à un régent hilderin, soit à mes cousin Mac Lormel que je n'ai jamais rencontrés. "

Blodwen fit une pause pour laisser à toute le monde le temps de bien comprendre.

" Bien, il reste à faire le tour de ce que vous avez eu le loisir de faire ce matin, et les nouvelles éventuelles que vous auriez ; ainsi que vous décrire la soirée d'hier pour que vous soyez informés de qui est qui, et les attitudes..."

" Avant ça, des questions ?"

Pwyll regardait ses pieds, confus d'avoir suivi Aeldred sans penser à informer Blodwen.

Il rassembla son courage pour la regarder en parlant.

"Mes excuses pour ce départ, Blodwen. Avec Aeldred on a visité l'abbaye, il en parlera mieux que moi, mais il est bien vu là-bas. Sinon, je sais bien que je devrais savoir ça, mais, le Duc il a des enfants, lui ?"

"Il n'en a pas, répondit Aeldred à son ami avant de s'excuser auprès de Blodwen : "Je suis désolé pour l'embarras qu'on t'a causé, ça ne se reproduira pas. Quand Maelor t'a donné le choix de la procédure, est-ce que l'une d'elles semblait avoir sa préférence ? On ne sait pas s'ils ne vont pas essayer de tirer leur épingle du jeu suivant ce que l'on décide : en finir rapidement est tentant mais on risque aussi de se précipiter."

Mais si on traîne trop, ça peut aussi tourner à notre désavantage, songea-t-il.

"Lui as-tu déjà fais part de ta décision ?"

Madennig restait debout dans un coin du petit salon, les yeux encore légèrement gonflés par le sommeil. Cette promenade l'avait bien fatiguée. Elle tentait de se remémorer tout ce qui s'était passé, alors que Blodwen prit la parole. Elle l'écouta bien sûr, prenant bonne note des consignes.

"Je vous, demande, pardon aussi Blodwen, je n'ai pas, résisté à l'envie de, me promener sur, les remparts... Pour, ma part, vu mon état, je ne sais, pas bien, encore, comment, me rendre utile pour, élargir l'aura de la, délégation, auprès du Duc. Mais je, suivrais à la, lettre, les consignes de l'Osfer, Jazkez."

Blodwen écouta les excuses avec un certain détachement. Elle était plus préoccupée par le fait qu'à l'avenir les choses s'amélioreraient.

" Aeldred, non, je n'ai pas répondu. Oanell a temporisé. Il semblait alors plus pertinent de voir avec vous s'il y avait des aspects à prendre en compte. "

" Pas d'autres questions ? Donc je vous invite à faire le point chacun sur ce que vous avez de neuf de votre côté -- s'il y a effectivement du neuf."

Aeldred, fit le tour des personnes réunies d'un regard. S'il avait bien du neuf, elle ne concernait que lui et son avenir proche. Qui plus est, la présence -bien que silencieuse- de Jazkez ne l'encourageait pas à parler. Les autres avaient peut-être des choses à raconter cela dit, alors il resta attentif.

Personne ne semblait pressé de prendre la parole.

Blodwen attendait avec perplexité.

" Y'a-t-il un problème que j'ignore ?"

Voyant que personne ne prenait la parole, Oanell se lança avec les fait dont elle avait conscience.

Pour faire simple, si nous décidons de lancer le procès au plus vite, nous aurons moins de marge de manoeuvre pour connaitre nos adversaires et alliés potentiels. Au contrainre, si nous prenons notre temps, nous pourrons batir des alliances avec les membres de la cours afin d'avoir des soutiens dans cette affaire. La grande question pour nous est de savoir si vous pensez pouvoir faire des actions individuellement qui rendrait service à la Seigneuresse Blodwen.

Nous parlions de la chasse au féond il y a peu ou même de visiter un peu les lieu, l'abbaye par exemple. Est ce que tout cela vous semble pertinent ? D'un autre côté, si vous sentez des tensions pour uen quelconques raison avec qu'elle d'ici, il faut nous en faire part a commencer par ce que vous avez fait ce matin.

Jazkez ?

Elle se décida à désigner un volontaire, pour éviter de retomber dans le silence et les regards d'élèves proches d'être interrogés.

Jazkez cligna des yeux à l'évocation subite de son nom, semblant sortir d'une torpeur plutôt méditative.

-Hmm Oui ! Tout a fait d'accord avec tout le monde ! Ceci dit par rapport à ta question... ta question ? Ah oui, est ce qu'on y va ou est ce qu'on y va pas et est ce qu'on y va maintenant ou dans deux ans.

Il se caressa le menton avec un air préoccupé.

-Et bien... et bien et bien, tout d'abord sachez que apparemment, comme je le disais plutôt, il n'y a que nous que la situation préoccupe. Nos supérieurs, seigneurs et militaires se contre fichent de qui a couché avec qui, et de qui est le bâtard de qui. Ce qui les intéresse c'est la stabilité du secteur. Moins il y a d'histoires, moins il y a de querelles et mieux c'est. Du coup je pense que nous ne devrions pas nous éterniser et tergiverser pendant des semaines en ayant l'air de manigancer ou renforcer nos arguments. Nous devrions jouer la carte du seigneur responsable et confiant, solide.

Le chevalier hilderin posa sa main sur sa poitrine.

-Je suis Blodwen.

Il balaya l'air de sa main devant lui.

-JE suis légitime. JE pense que ce procès est une perte de temps mais JE suis prête à entendre la requête de Dame Gloada. JE suis prête à céder à Dame Gloada un territoire au nord de la foret engloutie, proche du domaine de sa famille, comme dédommagement et reconnaissance en mémoire de ce que son défunt mari, mon père, a accompli pour Terfynisel, elle même n'ayant pas conçu grand chose, ni de ses mains, ni en son sein. Charge à elle de l'assainir et de l'entretenir. JE suis d'avis que l'on en termine là et que l'on parle de l'avenir et non plus du passé. Beaucoup de travail nous attends, la route hilderine, les roseaux de fer, patati et patata...

Jazkez questionna la petite assemblée du regard.

-Si j'étais Blodwen je m'attendrais aussi à une remarque sur ma descendance et mon aversion connue à toute union matrimoniale. A ce moment là, solide sur ses appuis ! Très chère Gloada, JE suis profondément navré que les C'Maoghs et l'Unique ait décidé que vous n'auriez pas d’héritiers et JE comprends votre jalousie à mon égard. Plutôt que d'y voir une malédiction voyez y un signe du destin. Le fait que JE porte encore le deuil de mon père ne signifie pas que JE ne prendrai pas bientôt époux, et JE donnerai à Terfynysel tous les beaux petits enfants dont ce grand domaine a besoin.

Il croisa les bras et se radossa contre le mur.

-Notez l'importance du mot "bientôt" qui saura contenter tout le monde en même temps. Fin de l'histoire et on rentre à la maison.

Blodwen regarda le spectacle de la tirade de Jazkez avec une expression mi-figue mi-raisin.

" Intéressante perspective. Toutefois pour la proposition de donner des terres au nord de notre domaine pour qu'elles jouxtent le domaine Elowan, c'est une mauvaise idée. Nos meilleures terres sont précisément celles là. Notre domaine commence juste au nord de la vieille route du sel -- qui nous appartient. En donnant un tronçon nord des terres Terfynisel, nous renonçons à la seule voie de communication actuellement praticable."

" Dans l'ancien temps, du côté de la ravine et du pont, il y avait une angarde et un poste de péage, mais il a été abandonné, je ne sais pas trop pourquoi. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, avec les patrouilles hilderines et les travaux d'infrastructure, la voie hilderine passant par Dèas attire plus de marchands, et peu de gens passent à côté de Terfynisel. Renoncer à ces portions de terre nous ensevelira pour de bon dans les marais... Et je n'ai pas envie de payer des taxe à Gloada à chaque fois que je sors de chez moi."

" L'idée n'est pas mauvaise, mais je ne vois pas bien comment faire pour que les inconvénients ne l'emportent pas sur les avantages."