Fortuna Imperatrix Mundi

Avec ceux qui souhaitaient l'accompagner et notamment Madennig, Pwyll s'était mis en route, à pied, pour rejoindre la ville, avec un petit détour pour voir la mer.

Son intention était de mettre à profit la découverte de cet élément pour y puiser l'inspiration d'une méditation digne d'un ionnthèn...

Ayant revêtu une cape de laine bouillie épaisse, appartenant à Oanell, Madennig suivit Pwyll qui avait sûrement eu plus qu'elle, le loisir de se promener dans les environs. Du moins, le pensait-elle.
Il cherchait du calme et elle n'était pas contre connaitre aussi cet aspect de la vie. La méditation vécue sur le chemin de Llewellen fut sa première expérience et lui avait laissé un bon souvenir.

Ce ne fut qu'une fois qu'il ralentit le pas, annonçant la pause, qu'elle demanda, enfin :

"Tu as vu d'autres choses près du nid ? Des pistes à propos de l'origine des Feondas ? Je me demande si il ne faudrait pas noter quelque part ce que vous avez pu voir et vivre... J'imagine que les Hilderins doivent avoir une sorte de mémoire qui répertorient tous les feondas combattus, leurs formes, leurs stratégies..."

Ils s'étaient dirigés de concert vers les hauteurs venteuses des falaises pour voir, enfin, cette mer qu'ils entendaient et sentaient chaque jour sans jamais encore l'avoir contemplée (du moins pour Pwyll...)

Jusque là, les regards en coin vers l'osfei au tempérament fougueux avaient égaillé le début de promenade pour le gaillard. Face au spectacle des vagues, il se sentit emporté par une main tourbillonnante et se sentait presque déjà planer au dessus des flots.

Il eut l'impression fugace de vaciller et cramponna ses orteils à l'intérieur de ses chaussures.

La question de Madennig le secoua.

"Alors ça ! Premier moment ensemble tranquilles depuis le retour du héros et la guerrière de ses rêves lui parle de feondas et d'indices, alors ça ! Ahahahah !"

Il riait fort et s'appuya même sur sa cuisse.

Le rire de Pwyll fit sourire Madennig. Elle le regarda bien droit dans les yeux, piquée tout de même un peu d'être si vite découverte dans son propre manque de sérieux.

"En fait, je ne voulais pas commencer trop directement avec vous, Garde-Feondas de Terfynisel..."

"J'ai cru que vous désiriez vraiment méditer ! Enfin... Puisque vous semblez plutôt dissipé..."

Elle s'avança d'un pas, plus proche de lui. Elle n'avait pas grandi, et lui était toujours aussi grand. Elle fut obligée de lever les yeux pour continuer à défier du regard, par jeu.

"Je voulais te dire que je n'ai jamais douté une seule seconde de toi, je savais que tu reviendrais... Vivant... Peut être un peu blessé, histoire que je puisse virer les jeunes soigneuses qui s'approcheraient trop près de toi. Et que je te rende la pareille, bien que moins douée, tu aurais pu guider mes mains pour t'offrir du réconfort..."

Il arrêta de rire, évitant de peu de s'étrangler. Une grande bouffée d'air marin l'aida à retrouver contenance. Il avait un sourire discret aux lèvres. Ce rouge aux joues était-il dû uniquement à la fraîcheur des embruns ?

Pwyll s'avança pour venir contre Madennig. Une main délicatement posé sur sa nuque, osant s'aventurer un peu dans sa chevelure, il se baissa pour l'embrasser, si elle le laissait faire !

"Aaaah, t'es pas banale toi, tu sais ? Tu me donnes chaud tout à coup. Mais, euh, tu sais, j'ai pris un mauvais coup juste là !"

Il pointait ses lèvres, qui venaient à peine de quitter celle de la jeune femme.

Et elle le laissa faire. Voilà bien trop d'heures qu'elle attendait ce moment, le désirant depuis son départ, pestant contre le temps qui s'étirait toujours plus au fur et à mesure qu'il s'écoulait. Ce baiser fut bien trop court, elle allait même protester et exprimer toute sa protestation, quand il lui montra un bobo, juste ici, sur sa lèvre...
Elle glissa avec légèreté son index sur son mal, louchant un peu d'envie. Voilà de quoi lui rendre son sourire.

"Attends, ne bouge pas. Je ne suis pas douée, mais..."

Elle embrassa une première fois sa lèvre abîmée.

".. Je suis persévérante.."

Un second baiser magique.

"...Je recommencerai autant de fois..."

Un troisième.

"Que nécessaire..."

Un quatrième, qui happa la lèvre délicatement, avant de la rendre à son propriétaire.

Il laissa l'euphorie de ce moment l'emporter, sentant monter en lui cet élan vital si particulier des premiers émois d'une relation naissante.

Il n'avait pas connu ça depuis... Même pas sûr qu'il l'ait déjà vraiment connu. Il avait failli se marier, mais, voir sa promise partir avec un chevalier de passage le jour même lui avait laissé un goût de cendres. Pwyll n'était pas du genre à ressasser le passé, heureusement.

C'est pourquoi cette brève réminiscence ne dura pas plus d'un battement de cœur, pour vite être balayée par cette bouffée de bonheur, sur cette falaise, ce matin là.

Il rendit encore des baisers à Madennig, puis l'enserra d'un bras pour regarder ensemble la mer. Il se positionna pour couper le vent trop frais pour elle qui commençait à peine à se remettre.

"Tu me rends heureux, Mad, je suis bien, ici, avec toi."

Il laissa le silence soutenir ces quelques mots, pour qu'ils flottent dans l'air marin un peu plus longtemps, avant d'ajouter :

"Dis, tu m'apprendras le maniement de deux armes en même temps ? Je te raconterai tous les détails du combat contre les feondas sur le chemin et je pense que cette technique est la meilleure contre eux, histoire d'avoir deux types d'armes au cas où, tu vois, genre un truc qui tranche, un autre qui écrase."

Il la regardait dans les yeux et y lut indéniablement une lueur espiègle.

"Ouais, je sais que t'aimes ce côté romantique chez moi ! On pourrait commencer par un peu de méditation sur l'oeuvre des Esprits de la Triade, le temps d'arriver bien en vue de la ville, et après on bavarde, ça te va ?"

Madennig eut un soupir comblé, quand elle fut enfin aux prises de ses bras. Elle ferma les yeux. La méditation façon Mad commençait déjà un peu.
Le paysage enchantait même sans le voir. Les vents caressaient sa joue et ses cheveux, le peu qui n'était pas protégé par le colosse. La mer et quelques oiseaux s'unissaient pour d'étranges incantations.
La magie opérait sûrement...

"Euh... Le roman... quoi ?"

Elle sourit gentiment avant de poser sa joue au creux de la main large de Pwyll. Un baiser sur le bout de ses doigts, et elle acquiesça.

"D'accord pour le programme. D'accord aussi pour que tu deviennes mon élève seulement le temps de me surpasser... J'ai besoin de comprendre aussi les savoirs des Demorthèn, ce qu'ils peuvent nous apprendre sur les Feondas, même indirectement. Et si cet art de combat te semble plus appropriée, il y a sûrement des raisons... Il ne faudrait pas négliger tout ce qui pourrait nous aider ! Si je me sens bien, cet après-midi, nous pourrons commencer !"

Un groupe de serviteurs du palais allaient d'un bon pas en direction de criques entre les falaises où ramasser des fruits de mer, des algues et pêcher certains poissons.

Ils passèrent près du couple en ayant seulement un bonjour poli, mais une fois qu'ils furent passés, on devinait que certains commentaient et faisaient des messes basses. Pwyll était célèbre, par contre-coup tout ce qui le concernait était croustillant.