Fortuna Imperatrix Mundi

Les piétons arrivaient à Terfynisel après être passé devant le chantiers débutant près de l'auberge. On coupait les arbres pour dégager le terrain et préparer les fondations.

Bientôt ils furent accueillit par Blodwen, Oanell et des habitants du village venus par curiosité. La seigneuresse les salua cordialement, s'assurant qu'ils avaient fait bon voyage et se déclarant heureuse que leur trajet se soit bien déroulé et les invitant à ne pas tarder à rentrer chez eux pour se reposer enfin.

Madennig n'avait pas d'endroit déterminé où dormir : elle n'était plus auxiliaire, elle n'avait pas de chambre au château.

Pwyll pour sa part avait de nouveaux colocataires à guider vers sa ferme où logeait Aeldred au chat.


Il y avait une poignée d'heures de jours encore et donc le temps pour s'installer, découvrir les lieux, préparer le repas du soir.

Pris entre des sentiments bien différents, Pwyll préféra ne pas s'attarder sur son état intérieur et passer au concret. La fin du chemin du retour marquait le fin de la facilité pour Mad et lui et sans doute le début de toute une série de nouvelles emmerdes avec la cohabitation qui s'annonçait. Puis il faudrait faire face à l'état du chiot et de la maison depuis son départ...

Il pointa un doigt, même ses doigts étaient costauds, vers la modeste bâtisse et le terrain alentours.

"En route, mauvaise troupe ! On est presque arrivé. On fera au mieux pour ce soir et dès demain on réfléchira à comment améliorer tout ça pour que chacun ait un peu un petit bout de chez lui. Puis bon, c'est plus ou moins temporaire, j'ai bien compris, Ethel et Kiddle. Mad... tu me tiens au courant dès que c'est défini pour toi ?"

Après avoir pris congé du sympathique comité d'accueil, il se dirigea d'un pas décidé vers sa ferme.

Pour arriver à la ferme de Pwyll, on prenait le chemin menant aux tumulus, une petite pente assez raide, en sous-bois. Au bout d'assez peu de temps, on bifurquait à droite, en continuant à descendre dans un vallon d'une petite cinquantaine de mètre de large pour sa partie basse et traversé par un cours d'eau silencieux qui glissait en s'étalant entre les plantes d'une végétation de zone humide. Pour faciliter le passage, on avait disposé des rondins assez larges pour qu'un charriot passe. Ensuite il fallait remonter la colline suivante, en longeant la pente. On passait en vue une autre ferme exposée assez prospère et active au sud, entourées de haies vives abritant quantité d'oiseaux et d'insectes. Les butineurs de toutes sortes bruissaient de toutes parts. La ferme de Pwyll était l'avant-dernière sur le versant de cette colline.

Kiddle affichait un visage aimable et détendu malgré ses récentes blessures, il rendit les sourires poliment devant les villageois venus les accueillir et écouta sagement le discours de Blodwen. Il fit en sorte que son rat ne soit pas visible afin de ne pas effrayer les habitants de Terfynisel. Après un "au revoir" pour Madennig, "allons-y on te suis", fit-il surveillant qu' Ethel ne se fasse pas distancer par un Pwyll qui ouvrait la marche d'un pas d'habitué. Ils traversèrent rapidement un sous bois pentu, un petit ruisseau, gravirent une colline, redescendirent sur l'autre versant, jusqu'à atteindre l'avant dernière maisonnée. Devant celle-ci, il siffla d'admiration.

Bah, dis on sera bien chez toi Pwyll, la vache c'est pas mal ! Tu loues ou t'es proprio ? Tu nous fais visiter ?

"Ah ah, il t'en faut pas beaucoup Kiddle ! T'es gentil. Je suis propriétaire. C'est une sorte d'héritage. J'suis pas un bon fermier, un bon fermier reste à sa ferme et s'en occupe sans cesse. Regarde celle du voisin comme c'est bien entretenu et florissant ! Enfin, on va faire contre mauvaise fortune bon cœur et arranger au mieux... Vous allez bientôt rencontrer Aeldred au chat, je vous ai déjà parlé de lui, il est spécial, il se comporte comme un chat sauvage, celui qui ne le quitte pas d'une semelle justement. J'espère qu'il n'a pas fait de carnage..."

C'est avec une appréhension certaine que Pwyll fit d'abord le tour du bâtiment et du potager avant de pousser la porte du corps de ferme, là où se trouvait le logement.

Les moutons découvraient l'herbe haute du pré inutilisé de Pwyll. Le colosse et ses compagnons néo-fermiers avaient eu le temps durant le trajet de marcher lentement au rythme des moutons et de se donner du mal pour que le troupeau restât bien groupé. Pour dormir la nuit, les choses avaient été compliquées et avaient souvent nécessité que des membres du groupe dormissent à côté et le matin. Il avait fallu parfois aussi lutter contre des paniques ou des incidents avec des chiens, mais aussi les loups la nuit qui paraissaient trouver les brebis et les agneaux fort appétissants.

A présent, il allait falloir s'assurer que les bêtes n'iraient pas n'importe où et qu'elles avaient un abri pour les intempéries fortes.

Beaucoup de travaux et d'organisation attendaient le petit groupe en quête d'un foyer : gérer les cultures maraîchères, surveiller les moutons, acquérir de nouveaux prés pour agrandir le troupeau (dans la perspective d'un élevage de laine) auquel cas, il faudrait défricher un peu le bois tout près, faucher des foins pour avoir du fourrage en hiver. Il commençait déjà à être temps de cueillir pour stocker afin d'avoir des réserves en hiver.

Tout cela, les nouveaux fermiers pouvaient y songer en arrivant. C'était assurément la plus belle période de l'année : des fleurs partout, de dizaines d'espèces.

C'était un nouveau Monde pour Ethel et elle n'était pas sure que cela lui plaisent vraiment le monde de l'élevage.
Cependant, il était dans sa nature de faire bon coeur contre mauvaise fortune aussi, elle s’intéressa aux troupeaux et à sa vie, tout en essayant de s'intergrer à la communauté.

En revanche, elle fut séduite par le coté bucolique de la ferme.

Pwyll, Kiddle, Ethel et les moutons arrivèrent ainsi à la ferme. Elle était encore debout.

Les trois nouveaux fermiers restèrent ainsi silencieux et immobiles devant l'établissement, entourés de moutons qui commençaient à paître l'herbe à portée sur fond d'insectes butineurs et de chants d'oiseaux.

Aeldred au chat parut avec Roux de l'arrière du bâtiment, du côté des réserves de bois, certainement riches en campagnols et souris. Le garçon demeura immobile à considérer les nouveaux venus, sans exprimer de surprise ni d'émotion particulière.

Pas de trace du chien...

Derrière, le fermier prospère voisin de Pwyll Bezcad le grand -- et avec lequel il avait peu à faire -- arrivait suivi d'une de ses filles de 14 ans. Pwyll savait peu de choses sur eux, mais suffisamment pour s'étonner de l'arrivée.

Il fit signe à Aeldred d'approcher.

"Viens mon garçon, ça fait un moment ! Comment tu vas ? Tout se passe bien ? Où est le chiot, dis-moi ?"

Il n'attendait pas forcément de réponse construite, mais il faisait au mieux pour intégrer le jeune homme à une forme de normalité.

Ce faisant, Pwyll marcha à la rencontre de Bezcad et sa fille, veillant à ce qu'il soit bien entre Aeldred et eux, pour éviter qu'ils craignent la proximité de l'original.

"Salutations Bezcad et à toi jeune fille, on arrive tout juste de Llewellen, des tas de choses sont arrivées ! Voici Ethel et Kiddle. Qu'est-ce qui me vaut le plaisir ?"

Le grand Beczad avait une carrure comparable à celle de Pwyll et la réputation d'être tout à fait capable de faire comprendre à un loup (voire un jeune ours) qui était le plus fort. Il n'exprimait aucune peur, plutôt une corvée :

" Salut. Je vois que tu reviens avec des moutons, c'est bien. Vu la période de l'année, c'était trop tard pour les labours. Donc tu t'orientes vers l'élevage. Ma foi. Et tu as des aides à demeure à la ferme ? C'est bien. Seul on n'arrive à rien. "

Passé les politesses rudes et carrées, il vint au fait :

" Je viens parce que..." Il se tourna vers sa fille qui restait dans son ombre avec un air farouche et un chiot entre les bras :

- Il était presque mort quand je l'ai trouvé ! lança-t-elle avec colère et un regard noir à l'adresse d'Aeldred au chat qui hésitait entre l'ignorer et retrousser le museau pour feuler.
- Laisser un chiot à ce... ce fou d'chat... Bon. Paskell l'a récupéré pour le soigner. Que tu te demandes pas où il est passé. Et sérieusement, tu ferais mieux de le tuer la prochaine fois plutôt que de le laisser crever de faim ici. Se tournant vers sa fille il ajouta : "C'est le sien."
- Non ! Je l'ai pas sauvé pour qu'il se fasse bouffer par le chat !