Cinquième enfant d'une famille en comptant six, Jazkez Mac Rhidian avait longtemps eu une vie insouciante, à la fois protégée, confortable, et dépourvue de responsabilités présente comme à venir -- mais aussi de perspective d'héritage. Sa majorité était désormais atteinte et à seize ans il était impossible d'échapper plus longtemps au choix. Était-ce vraiment un choix ?
... Vivre en parasite -- on dit conseiller -- auprès du seigneur Mac Rhidian ? Sa sœur aînée Mevena Mac Rhidian, déjà mariée et mère de deux enfants, était appelée à succéder à leur mère, la seigneuresse Wenefreda Mac Rhidian. C'était exclu. Adhamh le mari de Mevena ne l'accepterait jamais.
... Devenir chevalier auprès d'un chevalier,... Après le mariage précipité de Kester, il était difficile de "vendre" Jazkez dans les environs où tout le monde connaissait l'histoire de ce mariage précipité suite à une grossesse et des amourettes adolescentes qui avaient pris les parents de court.
... Se marier à une héritière... mais il faut soit être chanceux soit bien placé dans l'ordre successoral... Et la chance après le coup de Kester, c'était mort.
... Devenir demorthèn, pour la gloire des esprits... Non, Jazkez n'était définitivement pas crédible dans ce rôle.
... Devenir barde ou un autre lettré à la cour ducale... La famille avait déjà un barde en formation, et... non...
... Entrer dans l'ordre hilderin... L'ordre...
Sa mère et sa sœur aînée -- sûrement son beau-frère aussi -- ne lui avaient pas exactement laissé le choix. Après une énième frasque ou peut-être la pique de trop envers Adhamh l'époux de sa soeur Mevena, il avait été décidé qu'il fallait agir. L'ordre hilderin était la solution idéale : du prestige, une formation à la capitale -- loin de Kel Loar ! Et puis ça lui ferait les pieds !
La cour portait des vêtements de fête pour ce départ, c'était quelque chose d'important, un temps fort digne de fiançailles. Sa soeur Mevena Mac Rhidian tenait déjà son rôle avec dignité et assurance. Elle avait toujours su quel était son rôle et sa place dans la société. Elle était vouée à régner, elle avait été formée pour cela, elle s'intégrait harmonieusement et aisément dans ce monde.
Chacun se fendait de quelques mots encourageant pour cet enfant terrible qui partait pour Osta-Baille, la capitale.
Sa mère avait toujours une lueur amusée dans le regard. Avec un petit sourire, elle lui glissa : "Je suis curieuse de voir comment tu t'en sortiras. Quel dommage que je ne puisse pas voir ce qui se passera. Tâche d'être raisonnable de temps à autre."