[OdE Chap 8-06] Une nouvelle arrivante

[Casaïr]

C'était sans doute trop, bien trop pour Rozenn qui se mit à balbutier en se relevant péniblement, le cœur battant à tout rompre au point qu'il menaçait de sortir de sa poitrine.

"M...m-m-m-m-m..."

C'était peine perdu, hormis des sons désarticulés, elle n'arrivait plus à parler. Des larmes de terreur pure coulaient sur ses joues. Un dernier sursaut de lucidité la poussa à fuir à toutes jambes, son nébulaire à bout de bras pour voir les obstacles devant elle. Elle devait fuir ce lieu !

[Iris]

Flanquée de sa jument et de sa carriole, filant sans la pluie, la jeune femme courut autant qu'elle put.

Il y avait devant elle sur la gauche un grand bâtiment en chantier, et un peu plus loin à un carrefour, une auberge. Tout était éteint, mais vu l'heure tardive, rien d'étonnant.

[Casaïr]

Bon sang, pourquoi n'avait-elle pas trouvé cette auberge avant ?! Elle s'élança jusqu'à la porte, dérapa sur le sol glissant et tambourina à la porte de ses deux poings.

"Ouvrez-moi vite ! Je vous en supplie !"

Elle soufflait comme une forge, totalement hors d'haleine et jetait des coups d'œil frénétiques derrière elle, de peur d'avoir été suivi. Elle poussa la luminosité du nébulaire à son maximum afin de voir le plus loin possible malgré la pluie et l'obscurité.

[Iris]

Avec le tambourinement de la jeune femme à la porte, toute l'auberge se réveilla, chambre après chambre et les lumières s'allumaient.

Bientôt, la porte finit par s'ouvrir avec pour l'accueillir plusieurs personnes en chemises de nuit ou ayant à la hâte enfilé un pantalons.

[Casaïr]

"Vite ! Il y a... il y a... ! J'ai vu des gens, près du pont ! Ils ne devraient pas pouvoir bouger dans leur état et pourtant, ils marchent ! Il y a un homme au... Ho bon sang de bon sang ! Et cette femme ! Elle avait un couteau dans la poitrine ! Et pourtant elle marchait !"

Consciente que dans son état elle manquerait de crédibilité, elle insista, à la limite de l'hystérie :

"Je suis médecin ! Et je peux vous assurer que normalement quand on est dans cet état on ne devrait même pas être en vie !"

Le moindre bruit faisait sursauter Rozenn qui tendait alors sa lampe devant elle, protection dérisoire contre les ténèbres qui rôdaient dehors.

[Iris]

Un homme dans la cinquantaine, avec une jambe de bois, s'avança vers la nouvelle venue, la considéra de haut en bas, puis sortit sur le perron en bois, abrité de l'entrée de l'auberge.

Les autres personnes présentes se tournaient vers lui comme s'il détenait une autorité.

" Primela, va nous chercher l'osfer Jazkez et préviens les Ronces."

" Joavan, sers quelque chose de chaud à cette femme. Vous autre, récupérez ses bagages et amenez son cheval à l'écurie. Je monterai la garde."

[Casaïr]

Rozenn, toute tremblante, se laissa docilement conduire à l'intérieur, murmurant un "merci" à l'adresse de l'homme qui l'avait accueilli. Elle ne put s'empêcher de regarder l'unijambiste, se demandant d'un coup s'il était bien naturel de croiser autant de gens blessés et pourtant bien vivants. Elle accepta ce que lui servit Joavan, parvenant même à ne presque pas en renverser. Ses cheveux blonds étaient plaqués contre sa figure à cause de la pluie, elle les chassa d'un revers de main en s'efforçant de ne plus penser à ce qu'elle avait vu. Ce qui, bien entendu, était peine perdue car elle revoyait l'homme se lever, les viscères à l'air libre, dès qu'elle fermait les yeux.

[Iris]

Des gens arrivaient vers l'auberge désormais allumée. Parmi eux figuraient l'osfer Jazkez, les Ronces Roparz et Cendres, ainsi que les gardes qui étaient chargés de l'entrée au château, ainsi que Primela, auxiliaire au service de Iarnuud. L'osfer à la jambe de bois alla leur parler sur le perron.

Puis un des combattants fraîchement arrivé, désigné comme l'osfer Jazkez approcha -- Rozenn avait peut-être entendu que l'homme à la jambe de bois était l'osfer Iarnuud.

[Caeso Senjak Khan]

Lorsqu'il avait été tiré de son lit au milieu de la nuit sur les ordres de Iornnud, Jazkez s'était un instant demandé si ce n'était pas là une brimade portant la marque de Briaga. Il s'équipa de façon reglementaire en maugréant quelque peu, ceignit son épée et se mit en route en direction de l'auberge de Joavan. Quand il aperçut Roparz et Cendres il se sentit rassuré. Non pas que leur présence soit particulièrement rassurante ou lui épargne ce qu'il aurait à faire, mais c'était le signe en tout cas qu'il se passait réellement quelque chose d'inhabituel. Iarnnud l'attendait sur le perron et l'informa de la situation. Il salua d'un signe de tête, pénétra dans la salle et se dirigea vers cette jeune femme qu'il ne connaissait pas et dont Iarnnud venait de lui raconter l'histoire. Son air apeuré était palpable mais n'enlevait rien à ses traits plutôt agréables.

-Osfer Jazkez. Bienvenue a Terfynysel.

Il força un petit sourire puis reprit.

-On m'a dit que vous aviez été attaqué par des brigands un peu plus loin en arrivant à l'auberge. Pouvez me me raconter ce qu'il s'est passé ?

[Casaïr]

Rozenn respirait à nouveau calmement lorsque Jazkez entra dans l'auberge. Elle détailla les soldats et si elle était surprise de voir se côtoyer d'aussi près Ronces et hilderins, c'était finalement bien moins bizarre que ce qu'elle venait de croiser. Elle s'était vaguement recoiffée, ce qui, dans sa situation, signifiait qu'elle avait repoussé grossièrement les mèches blondes collées par la pluie. Ses pantalons, ses bottes de boyages, en fait tous ses vêtements étaient tâchés de boue. Elle n'avait pas vérifié s'il y avait du sang sur ses manches. C'était cependant bien loin de ses craintes actuelles, alors quelle clignait des paupières, incrédule, à la question du hilderin.

"Des bandits ? cilla-t-elle. Je n'ai pas une grande expérience des bandits de grands chemins, mais je sais que ceux que j'ai vu ne répondaient pas du tout à ces critères, le premier d'entre eux étant d'être vivant."

Elle avala une rasade de la tisane qu'on lui avait servi avant de commencer son explication.

"Je suis arrivée par la route menant au pont et la maison en ruine, raconta-t-elle avec un léger accent chantant. J'ai vu un mouvement alors j'ai pris mon nébulaire -c'est une lampe, se sentit-elle obligée d'expliquer- et je me suis approchée. J'ai entendu un cri bizarre, quelqu'un semblait en souffrance et j'ai pensé que quelqu'un avait besoin d'aide. Étant médecin je me suis dirigée dans la direction des râles et..."

Rozenn verdit très nettement. Elle regarda son bol et le posa doucement, soudainement dégoûtée.

"L'homme avait les intestins à l'air et le ventre éclaté, comme s'il avait été écrasé par un arbre ou quelque chose d'approchant, mais il semblait vivant. C'est là que la femme est arrivée. Elle avait un poignard plantée en plein cœur et alors que je m'alarmais de telles blessures, l'homme s'est relevé. Personne n'aurait pu se lever dans un état pareil, c'est tout bonnement impossible. C'est... scientifiquement impossible."

Elle soupira. Bienvenue à Terfynisel ? Tu parles !