[OdE Chap 8-13]16e ceitean / 5 juin - Rozen au château 12h50

[Iris]

Un homme de haute stature, certainement Bezcad le grand, se leva et réagit le premier : " Et si tu commençais par te présenter ? "

Une femme enceinte, la quarantaine, certainement maîtresse des lieux au vu de sa position à table et des égards dont elle était entourée, avec un garçon de trois ans dans les jupons allait parler, mais prise de vitesse se tut pour le moment, se contentant d'un sourire poli, glissant à Paskel : "Relance de l'eau pour une tisane."

[Casaïr]

"Bien entendu, répondit la magientiste sans faiblir avec une légère révérence, je m'appelle Rozenn Perreg, je suis arrivée hier soir après un long voyage depuis Osta-Baille avec l'intention de m'installer à Terfynisel."

Elle laissa le temps à Bezcad le temps d'assimiler la nouvelle avant de reprendre :

"J'ai pour but premier de faire des recherches sur les plantes locales afin de découvrir de nouveaux remèdes, cependant je suis obligée de vivre sur mes propres deniers, je suis donc à la recherche d'un partenariat : Oanell m'a dit que, si le tissage pouvait se faire ici, ce n'était pas le cas de la teinture qui se fait chez les Mac Elowan. Que diriez-vous si, au lieu de perdre du temps -et donc de l'argent-, nous parvenions à installer un atelier de teinture dans le village... ?"

[Iris]

Bezcad échangea un regard silencieux avec son épouse qui lui fit signe que tout allait bien, de sorte qu'il engagea ses ouvriers à le suivre pour repartir au travail. La femme embrassa son plus jeune et dit à ses garçons : "Il est temps de retourner chez la dàmàthair. Soyez sages." Charge au plus grand des deux d'accompagner le benjamin. Au final, il ne resta plus que Rosenn, Paskell et un chiot.

La fermière répondit à l'étrangère une fois que la tisane fut servie :

" La laine vierge destinée à la vente en ville est bien vendu sur les terres Mac Elowan, en revanche, nous teignons ce que nous gardons pour nous. Les citadins n'aiment pas porter juste du jaune, du brun ou du vert tendre. Les cultivateurs qui travaillent là-bas -- chez les Mac Elowan s'entend -- avec les teinturiers, cultivent de la garance et de la guède. Obtenir des bleus profonds comme tu en portes nécessite des mordants et des techniques plus élaborées. Cependant, si tu veux installer un atelier de teinture ici, si c'est avec les plantes des champs Mac Elowan, ça ne sera pas très rentable je pense -- je les vois mal casser les prix pour nuire à leurs propres teinturiers. Si c'est pour cultiver ici, cela ne pourra pas se faire avant le printemps prochain pour la guède et il faudra savoir où, à qui vendre. "

" Je n'ai jamais eu à me préoccuper de ces problèmes, mais j'ai bien vu que certains au village se demandaient comment vendre directement à la ville -- Louarn, Ostreach ou Tilliarch, peu importe. Sans un partenaire sur place, c'est très compliqué, et nouer des relations n'est pas facile non plus."

Spoiler () :

En Tri-Kazel, les couleurs sont typiquement : jaune gwilmith (cueillie au printemps), rouge garance, bleu de guède.
Il y a aussi le noir "mouton noir" et le brun "brou de noix" .
Des produits chimiques servent à des stades divers pour avoir des couleurs plus vives et qui ne pâlissent pas au soleil.
La chimie permet aussi d'obtenir des couleurs variées directement (gloire à la toute puissance de la chimie).

Dans le topic marais, il est question d'un rouge éclatant dont l'existence est assez anormale et qui serait pour le coup une ressource de luxe, mais à Terfynisel, ce savoir-faire ne semble pas connu.

[Casaïr]

Rozenn accepta volontiers une tasse de tisane tout en écoutant la fermière qui lui faisait face et, si elle ignorait encore à quel point Terfynisel était isolée, cette petite discussion avec son homophone ne lui laissait plus de doute. Toutefois, la magientiste ne comptait pas s'en laisser compter.

"Un an ? Cela laisse amplement le temps de se préparer correctement, dit-elle joyeusement. quant à un partenaire..."

La jeune femme réfléchissait, les yeux vers le ciel.

"Je peux toujours envoyer un courrier à mon père, à Osta-Baille. Lui-même ne travaille pas dans ce domaine, il est bijoutier, mais j'imagine qu'il a dans son carnet d'adresses une ou deux personnes qui pourraient nous aider. Quant à l'atelier, il me faut encore m'installer proprement -après tout, cela ne fait même pas un jour que je suis là-, cependant et à moins que je ne me trompe, j'ai l'impression que cela ne vous intéresse pas vraiment. Pourtant, ne plus avoir dépendre des autres et de leurs tarifs devrait être un moteur suffisant pour tenter quelque chose, non ?"

[Iris]

" Tout le monde se tutoie ici, sauf les nobles et les hilderins je crois..."

Elle fit une pause, eut un sourire pour sa fille qui avait des yeux ronds en écoutant la mention d'Osta-Baille, et reprit :

" Je te l'ai dit : je ne perds pas d'argent, je teins moi-même ce dont j'ai besoin. "

" Ce que tu propose, c'est d'installer un atelier ici, chercher des contacts et leur vendre. Pour les gens d'ici, qu'est-ce que ça change ? "

Il manquait au domaine de Terfynisel des investissements pour bâtir une manufacture dans laquelle préparer les fils en vue de la teinture avant de teindre (la teinture se fait sur fil ou sur drap tissé). Il était logiquement possible d'acheter du fil prêt dans les différentes fermes car elles le travaillaient en partie pour leur usage personnel, mais pas dans ces quantités. Seulement dans ce cas, il fallait travailler, non avec un partenaire, mais des dizaines de fermiers, leur acheter leur petite production à chacun, la rassembler, puis la teindre, ensuite assurer le transport et la vente. Pour que les fermiers vendent à Rozenn, il fallait qu'elle propose un prix égal ou supérieur à celui des Mac Elowan. Si elle voulait changer les cultures et inciter à la guède, la garance, le lin ou autre, de manière habituelle et régulière, pour occuper sa manufacture, il fallait certainement payer un peu plus cher et faire des avances pour investissements chez ceux qui accepteraient de travailler à ce projet. Outre cela, il fallait du personnel. Enfin, il fallait des contacts. A la vitesse à la laquelle les courriers circulent en Tri-Kazel, il faudrait un certain temps avant que sa missive n'arrive à son père, puis que la réponse arrive. Il n'était même pas certains que son père eût des contacts utiles à Louarn, Tilliarch ou Ostreach. Même s'il en avait, cela ne dispenserait pas Rozenn d'aller sur place voir les gens et les convaincre de travailler avec elle.

En buvant sa tisane, Rozenn voyait devant elle une quantité de péripéties et d'efforts qui devaient constituer seulement un revenu complémentaire, donc ne pas empiéter sur son véritable emploi, à savoir la recherche de son remède. Il fallait donc en toute logique un entrepreneur motivé, quelqu'un qui aurait la fougue de faire toutes les démarches : parler aux fermiers, voyager, travailler chaque jour à la manufacture, et elle-même n'être que l'experte qui ferait des tests de dosages de matière première et de composantes pour obtenir des bains de teinture efficace dont le procédé pourrait ensuite être appliqué à plus grande échelle.

Spoiler () :

Résumé

• Inciter les gens à produire de la laine en fil ou draps
• Inciter les gens à consacrer un champ à une teinture plutôt qu'à une culture vivrière
• Bâtir une manufacture (cuves, local de séchage, macération, etc.)
• Avoir des ouvriers
• Avoir des gens qui transporteront la marchandise en ville
• Entretenir les contacts en ville

[Casaïr]

Rozenn buvait sa tisane, quelque peu déçu du manque d'entrain de celle qui devait sans doute être la personne la plus prospère de la région. Bien sûr qu'elle savait que ce ne serait pas simple, elle se rappelait bien assez du radotage de son père expliquant ses débuts difficiles à Osta-Baille avant de se faire un nom et de déménager à plusieurs reprises pour un atelier et une boutique toujours plus grands. Blablabla... Si même elle n'est pas motivée, il n'y a aucune chance que je puisse convaincre d'autres personnes.

"Bien, je suis navrée de vous... t'avoir fait perdre du temps, mais j'ai été ravie de faire ta connaissance. Je garde malgré tout l'idée de l'atelier dans ma tête, il m'en faut un de toutes façons pour mon propre usage. Si jamais à l'avenir tu avais besoin de mes services, tu pourras me trouver chez Aeldred qui a la bonté de me louer une chambre. On ne le dirait pas mais j'ai une tête bien remplie, ajouta-t-elle avec un léger rire, il y a donc peut-être une chance que je puisse te rendre service à l'avenir."

Elle se tourna également vers l'adolescente.

"Si tu souhaites un jour que je te parle d'Osta-Baille, tu es également la bienvenue."

Elle déposa sa tasse en se levant pour saluer amicalement Rosenn avant de prendre la route du château.

[Iris]

Rozenn prit ainsi congé d'un accueil poli, mais qui ne répondait pas à ses attentes. Ce n'était pas ce genre de personnes dont elle avait besoin. Elle reprit le chemin entre les prés, puis descendit dans les bois, et à nouveau confrontée au large ruisseau, elle dut faire attention pour ne pas se mouiller ni salir sa belle robe bleue.

... bleue...

Personne au village ne portait normalement de bleu, et pour cause, la guède n'était pas facile à travailler. Il fallait de l'ammoniaque pour la préparer, laquelle ammoniaque était obtenue en récupérant des litres et des litres d'urines. Ensuite il y avait plusieurs bains avec des mordants. Le bleu magnifique et éclatant qu'elle portait n'était possible qu'au prix de tous ces efforts -- souvent par ailleurs polluants. En ville il y avait fréquemment des disputes qui pouvaient en venir aux mains entre les teinturiers, les cordonniers et les bouchers -- rapport à l'abattage et aux déchets en résultant --

Rozenn à l'éclatante robe bleue remonta le chemin vers Terfynisel. Que la pente était raide !

[Casaïr]

Rozenn était repartie d'un bon train en soulevant les jupons de sa robe pour éviter de trop la salir, cependant elle commençait à accuser la fatigue, elle qui finalement était plutôt casanière avant de faire ce si long voyage. Hors d'haleine, elle dût faire une pause et se rendre à l'évidence qu'elle devait se ménager si elle ne voulait pas tomber dans les pommes. Mais il lui était difficile de se retenir, il y avait tant à faire ! Et ce soir, elle devait convaincre Aeldred de lui trouver une place pour installer son matériel de chimie, le mettre en place, peut-être aller vérifier d'elle-même cette fameuse tour en ruine sur un îlot, discuter architecture avec Blodwen...

Pliée en deux, une main sur la poitrine, elle reprenait son souffle. Elle se redressa une fois calmée, épongea son front d'un revers de main, respira à plein poumons l'air environnant. Il sentait définitivement différemment de celui d'Osta-Baille, où la concentration humaine changeait les perceptions, d'autant que l'atelier de son père n'était pas vraiment proche d'un parc. J'aurais peut-être dû lui demander s'il aurait été intéressé pour faire du commerce ici, songea-t-elle avant de secouer la tête : la route était bien trop longue, sans doute dangereuse et ce n'était clairement pas ici qu'il pourrait vendre ses bijoux. Chez les Mac Elowan peut-être, encore qu'elle ne pouvait que supposer leur richesse, mais s'ils avaient une manufacture de teinture, ils avaient forcément des daols à dépenser. Elle décida, pour se donner au moins bonne conscience, d'envoyer un courrier à son père lui demandant son avis sur la question. Il n'était pas impossible que, d'ici là, elle ait elle-même la réponse à sa question, mais au moins aurait-elle l'avis du commerçant qu'était Quenan Perreg.

Reposée autant que possible, la jeune femme repartit d'un bon pas en direction du château, des livres l'attendaient et elle n'avait pas l'attention de les faire attendre d'avantage.

[Iris]

Rozenn traversa à nouveau la distance désormais familière qui la conduisait au château. Elle passa devant la forge et un bâtiment en bois qui ressemblait à une caserne. A nouveau, elle était face à la mer d'arbres de la Forêt engloutie, un sentier sinueux et raide descendant vers ses berges ; à gauche l'entrée du château ; de l'autre côté de la place, la maison des dàmàthairs.

Un homme -- serviteur ? -- et une femme garde discutaient. La voyant arriver, ils lancèrent : "La barde Oanell n'est pas encore revenue de sa promenade."

[Casaïr]

"Ho."

Rozenn avait haussé les sourcils de surprise, se demandant soudain combien de temps avait duré son escapade jusqu'à la ferme de son homophone. Avait-elle été si rapide ? À moins que ce ne soit Oanell qui préférât prendre son temps.

"J'ai eu le temps de parler à Ne... Oanell tout à l'heure, à l'auberge. Elle m'a dit que son prédécesseur, Maelor, avait laissé des ouvrages dans lesquels il aurait consigné ce qu'il sait de Terfynisel et de ses environs. Dans le but d'en apprendre autant que possible afin de me rendre utile au mieux, je lui ai demandé s'il me serait possible de les compulser et elle m'a répondu par l'affirmative. Vous serait-il possible de me guider jusqu'à la bibliothèque ?