Fortuna Imperatrix Mundi

Le château en ruine était de belle facture et avait nécessité autrefois des artisans remarquables. Il comptait encore des tours, des escaliers, d'anciennes salles au plafond en arches, comme la cuisine qui servait de logis à Madennig (et sans doute à Uilleam aussi parce que les lits ne sont pas présents en profusion).

Il y avait plusieurs grands arbres, un petit verger, un potager et une chaumière à côté, bâtie manifestement par la muette.

Le milieu de l'île était légèrement plus élevé que les rives, mais il n'y avait pas de colline. Pour voir loin, il y avait le choix entre grimper aux arbres ou à la vieille tour.

Quant aux rivages, ils étaient généreusement bordés de roseaux masquant grandement la visibilité.

Uilleam avait retrouvé sa bonne forme physique depuis quelque temps, sans doute pour s'occuper l'esprit avait-il repris les entraînements. Aussi, il opta pour grimper à la vieille tour.

Uilleam s'attaquait à la vieille tour, son lierre...

Madennig était assise en bas et il faudrait un peu de temps avant que l'intrépide chevalier n'arrive en haut (ou ne tombe ?).

Alors que Uilleam entreprenait de rejoindre les hauteurs, Madennig claudiqua difficilement jusqu'à un rebord en ruine afin de s'y asseoir. L'endroit était magnifique, et aux yeux émerveillés de Madennig, il ne comportait aucun défaut, ou presque. C'était très calme. Sauf que dans son état, elle devrait plutôt s'en réjouir. Elle eut des pensées moroses, tournées vers Pwyll. Il lui manquait. Maintenant que le ciel pouvait la voir, les remords faisaient leur entrée. Elle se demanda alors ce qu'il pourrait bien faire à sa place.
Puis elle se souvint que le lieu était protégé, il recelait peut être quelques c'maogh bienveillants ? En méditant, elle ressentirait alors un peu de cette puissance qui sait comment repousser les feondas ? C'était possible. De toutes façons, il ne lui était pas possible de grimper comme son nouvel Osfer par intérim.

Elle chercha un recoin, plus moussu, plus riche de flore et de vies minuscules. Elle s'y allongea sur le dos, doucement, et referma les yeux pour mieux ressentir le souffle uni de la nature

Le lierre masquait une construction très ancienne et en déchaussait les pierres. L'intérieur était effondré. L'ascension de la vieille angarde, que ce soit de l'extérieur ou de l'intérieur, s'avérait beaucoup plus dangereuse que ce qu'il s'était imaginé au départ. Il ne prit pas le risque, finalement. Il en fit simplement le tour. Uilleam la contempla respectueusement, longuement.

Cette vieille dame lui inspira un profond sentiment de mélancolie et de solitude. Depuis qu'elle avait été désertée, elle surveillait toute seule la forêt. Pourquoi, pour qui ? Il n'y avait plus personne…

Au bout d'un moment il s'en détourna et alla rejoindre Madennig.

Elle entendit Uilleam approcher, refusant de se briser le cou pour obtenir une vue d'ensemble de la situation. Elle ne bougea pas. Seule sa main se tendit doucement vers lui, pour l'inviter à s'allonger avec elle dans le lit protecteur de cette nature sauvage et pourtant exempte de feond.

La mousse était moelleuse mais humide et les vêtements prêtés à la jeune femme ne tardèrent pas à s'imprégner de fraîcheur.

L'air du marais était plein d'insectes qui était eux-mêmes chassés le jour par quantité de libellules et d'oiseaux. A la lumière des rayons du soleil de ces derniers jours de printemps, il faisait agréablement chaud. En cette saison, la végétation était foisonnante. L'île paraissait être un jardin.

Uilleam venait de laisser de côté la tour pour se rapprocher de la rescapée. Comme Elle, elle avait une chevelure rousse. Elle s'était allongée dans le tapis de verdure, avec une langueur qui lui rappelait les songes lascifs qui l'avaient tant attaché à sa belle dame sans merci. Elle tendait la main, elle l'appelait à venir à ses côtés, venir contre elle. L'émotion le gagnait tout comme des sensations demeurées loin de lui durant ses semaines hivernales d'expiation. Cette jeune femme qu'il avait portée à plusieurs reprise, il était devenu familier de son parfum, de la vie qu'elle dégageait. Elle était allongée, comme endormie dans une quiétude fragile et désirable pour celui qui avait traversé tant de tourments, érodant son âme jusqu'à douter de tout. Elle s'abandonnait en confiance à lui, elle s'offrait dans toute sa vulnérabilité.

Le chevalier déchu était allongé, il voyait sa sauveuse respirer doucement tandis que le chant continu des oiseaux, les bourdonnements et coassements lointains l'enveloppaient.

L'invitation, la même femme, la même couleur de cheveux, le même parfum d'île.

La confusion était si forte. Les souvenirs, comme autant de blessures mal cicatrisées, resurgirent...
Il voulait la suivre, la protéger. Elle avait fait de lui un meurtrier, son chien. Il l'aimait encore, il la désirait, elle revenait le hanter, avec une facilité…

Lâcher prise, s'abandonner...

Je ne vais pas, je ne sais pas...

Il ne termina pas sa phrase, il hésitait et ne prenait toujours pas la main tendue de Madennig...

Madennig ouvrit les yeux, alertée par l'hésitation de Uilleam. Pleine d'entrain, elle l'encouragea.

"Mais si ! Comme tu as dit, l'endroit est protégé. Et si c'est le cas, alors, en méditant, nous devrions ressentir cette euh... Force qui protège la nature ici."

Et pour définitivement le convaincre, elle lui confia sa propre expérience.

"Je l'ai déjà fait, et je me suis sentie comme.. Hmmm difficile à dire, mais c'était sûrement ce qui se passe quand notre corps rejoint la terre. Tu comprends ? Nous ne réussirons pas à chaque fois, mais en attendant.. C'est le meilleur entraînement que je pourrais avoir dans mon état. "