[OdE - Chap. 8-42 ] L'heure du bilan - 2e Oghmios

[Iris]

Blodwen demeura silencieuse, tiquant un peu du milieu de sa tasse.

[Casaïr]

"Je ne pense pas que vous puissiez vous avancer à ce point, rétorqua calmement Rozenn. Si effectivement il s'agissait bien de deux femmes, Madennig n'a pas confirmé leur noms et vous ne savez pas si leur description correspond à celles des femmes que vous soupçonnez. Il y a sans doute de fortes présomptions, mais cela s'arrête là, seule votre osfei peut les reconnaître avec certitude."

Elle ne releva pas la suite de l'échange, se contentant de manger son repas tout en faisant mine de ne pas s'intéresser à la suite. Du reste, concernant Pwyll, elle n'avait pas vraiment son mot à dire, elle restait une étrangère après tout.

[Madennig]

Madennig hocha doucement la tête. Des nouvelles de Pwyll...
Elle baissa les yeux quand Blodwenn s'étonna, et les releva quand Rozenn exprima son avis sur la culpabilité possible des deux femmes nommées par Jazkez.

"Iarnuud m'a dit qu'il n'était plus possible d'enquêter, que... l'auxiliaire... en était la cause."

"Il vaut mieux passer à autre chose, car il n'y aura aucune suite."

"Mais je veux bien des nouvelles de Pwyll, oui, et de Kiddle. Je n'ai pas pu le voir."

[Casaïr]

"Concernant Pwyll, je laisserai l'osfer vous en parler mais je peux vous rassurer pour Kiddle qui est en bonne santé, répondit Rozenn. Il se remet d'une blessure plutôt grave suite à l'attaque d'un feond qui a cherché à lui arracher le bras. La blessure est plutôt impressionnante, mais elle avait déjà été bien soigné avant que je ne prenne le relais. Il gardera le bras en écharpe encore quelques temps et il est fort probable qu'il garde des cicatrices d'une telle rencontre, mais il ne devrait souffrir d'aucune séquelle."

[Caeso Senjak Khan]

Jazkez glissa un regard vers Rozenn.

-Oui enfin c'est pas comme si y'avait beaucoup de trafic maritime à 3h du matin au fin fond de la foret engloutie, hein, on est pas à Osta-Baille. Je m'avance peut être un peu mais ça tombe bien parce que j'y étais dans ce foutu marécage, en pleine nuit, à courir après mon Osfei. Et à part ces deux gueuses qui ont directement filé en pleine obscurité chez Gulguen, on a pas croisé grand monde. Y'a pas beaucoup de raison qui vous poussent à prendre votre barque dans le noir pendant quatre heures en plein marais, sauf à vouloir vous faire bouffer par un féond. Vous n'avez qu'à demander au gamin ce qu'il a pensé de sa ballade.

Il leva la tête et laissa échapper un long soupir avant de reporter son attention sur Mad.

-Puisqu'on parle de ballade.

Jazkez saisit la cruche et estima que son gobelet nécessitait d’être remplit.

-Pwyll ne reviendra pas. Quand nous avons constaté ta disparition nous avons immédiatement organisé une battue pour te retrouver en espérant avoir une chance de rattraper tes ravisseurs. Avec plusieurs embarcations et hommes de Tairdelbach nous avons progressé dans la nuit jusqu'à une petite bourgade. J'ai estimé qu'il était opportun de s'y arrêter pour éventuellement recueillir quelques informations sur le passage de tes ravisseurs. C'est là que nous avons trouvé les traces de lutte près de la cabane de Deughi, un vieux pécheur, le père de Mades. Pwyll, qui je crois me rappeler est censé assurer ma protection, a apparemment pensé que ce marais n'était pas un endroit suffisamment dangereux pour rester à mes cotés et a décidé de continuer les recherches, seul, en emmenant Kiddle. Nous sommes ensuite rentré chez Tairdelbach, les chances de te retrouver en pleine nuit s’amenuisant, avec l'idée de repartir tôt le lendemain dès le jour levé.

Il s'interrompit un moment pour boire une gorgée.

-La suite malheureusement ne s'est pas passée comme prévue ou plutôt si, elle s'est passée comme attendue. Pwyll et Kiddle, isolés, se sont fait attaquer par un féond. Il a réussit ensuite à rejoindre Losgadh ou j'ai pu finalement récupérer Kiddle. Quand à Pwyll, il semble avoir perdu l'esprit. Il s'est introduit dans la forteresse du seigneur pensant qu'il était responsable de ton enlèvement. Il a blessé plusieurs personnes dont un nobliaux local et le chef de la garde. Il a réussi tout de même à s’échapper, traqué comme une bête enragé par la moitié de la ville. Le lendemain il est réapparu chez Tairdelbach ou il s'est constitué prisonnier, son coup de folie semblant s'être estompé. Je le ramenais à Déarg via Terfynysel lorsqu'il a de nouveau perdu la raison et a plongé de la barque dans le marais.

Jazkez saisit son assiette et la repoussa sur le coté.

[Casaïr]

Rozenn ne releva pas les nouvelles informations que Jazkez leur donnait, mais son regard en disait long : "Si vous en savez davantage, exprimez-le". Elle n'en fit pas davantage concernant Pwyll, se contentant de darder sur Madennig un regard émeraude et songeur. Elle se sentait bien incapable d'imaginer ce qu'elle ressentait après de tels événements, tout comme elle ignorait s'il fallait changer de discussion ou laisser le temps à l'hilderine de digérer ces informations. Néanmoins, leur petite délégation avait une mission et il fallait avancer. Bientôt, les Mac Herneg apprendrait pour leur présence et se demanderaient pourquoi ils n'étaient toujours pas venus les saluer.

"Ser Jazkez, avez-vous appris quelque chose concernant les Mac Herneg lors de votre... investigation de la veille ?"

Rozenn dut faire un effort pour museler son imagination sur les activités nocturnes du chevalier et ne pas rosir.

[Madennig]

Mad avait eu un regard reconnaissant quand Rozenn la rassura au sujet de l'état de Kiddle. Mais la suite des explications de l'osfer confirma les tristes révélations que Pwyll lui avait faites lors de leur rencontre. Il sera difficile de le revoir...
Son estomac se noua jusqu'à sa gorge et des larmes mouillèrent ses yeux. Elle détourna le regard et écrasa rapidement sa tristesse d'un revers de manche.
Heureusement la jeune femme auprès de Blodwenn changea de sujet.

Comme les autres, elle se mit à attendre les révélations de Jazkez. Sauf qu'elle ne le quitterait plus du regard à partir de maintenant. Elle n'avait pas encore pu tout dire, et il devait le comprendre.

[Caeso Senjak Khan]

Le chevalier hilderin soutint un moment le regard de son Osfei et fit un petite moue en soupirant devant les faits énoncés avant de se redresser à l'évocation de sa nuit passée et répondre à Rozenn.

-Le seigneur semble de la vieille école. Un gout pour les femmes, pas seulement son épouse. Les filles de la bonne compagnie fréquentent aussi le château. Il dirige son domaine avec poigne, aime la chasse a cour... Il mène ses hommes à la dure mais semble assez loyal envers ceux qui le respectent. Sa femme est décédée l'hiver dernier d'une pneumonie mais le sujet de l'épouse semblait rester un sujet sensible. Je n'ai pas réussi à savoir quoi que ce soit en rapport avec les inquiétudes de Hafnir.

Jazkez s'adressa un peu plus à Blodwen.

-Je pense que notre seigneur a une vision limitée de la place de la femme dans la société dominante. Épouse et concubine d'accord, pour le reste... Je vous conseillerais de rester ouverte à la possibilité que le seigneur Mac Herneg ne nous reçoivent ni avec galanterie ni avec les honneurs dû à votre rang. Je pense que nous devrions nous en tenir pour cette visite à ce pourquoi nous sommes venus. Lui présenter nos condoléances pour son épouse, lui assurer le soutien du duché de Terfynysel comme au temps de feu votre père... Une petite remarque sur sa réputation de grand chasseur ou sur l'autorité inné qu'il inspire et qui se ressent dans la bonne tenue de son domaine devrait permettre de l'amadouer s'il se montrait trop insolent. Pour conforter votre autorité il faudrait mieux que vous soyez la seule à vous exprimer et que nous restions en retrait. Il tiquera probablement sur la présence d'un hilderin à vos cotés et pourrait vous interpeller sur le sujet de la soumission des duchés au pouvoir royal. Vous pourriez tout à fait lui répondre que garder un hilderin près de votre personne vous permet justement de mieux les contrôler et surveiller que l'ordre ne sorte pas des prérogatives que les duchés comme les vôtres leur accordent, je n'y verrai nulle offense.

Il se retourna vers Madennig et avisa son assiette.

-Tu finis pas ton oeuf ?

Visiblement, le chevalier hilderin avait encore faim.

[Casaïr]

Rozenn assimilait le rapport de Jazkez à mesure qu'il énonçait les faits. Si elle ne dit rien, elle acquiesçait cependant à ses conseils. De fait, Rozenn n'avait guère l'intention de parler sans y être invitée -- et il semblait qu'elle n'en aurait probablement pas l'occasion. Ayant constaté l'émoi de Madennig, la magientiste préféra reporter son attention sur Blodwen tout en terminant son petit-déjeuner. Il serait bientôt temps de partir, mieux valait laisser le mot de la fin à la seigneuresse.

[Iris]

Blodwen soupira et commenta : "D'après Oanell le problème de ces seigneurs misogynes réside dans la fondation de Tri-Kazel. Les trois frères étaient des hommes, et il existe depuis l'époque des gens pour dire que le seul moyen de transmettre la tradition des fondateurs consiste à les imiter le plus étroitement possible, et donc de laisser le trône aux hommes. Le fait que cette tradition a été largement respectée pour les rois de Taol-Kaer semble nourrir une forme de misogynie aberrante chez certains."

" Faisons comme vous dites, ce n'est pas une mauvaise approche."

" J'ai toutefois des questions : comment envisagez-vous de faire la lumière sur les soupçons de Hafnir ? Par ailleurs, même si votre osfei est lavée... il faudrait peut-être prendre le temps de la rendre présentable."

Se tournant vers Rozenn : "Ce léger contre-temps nous donnera une raison d'arriver à l'heure qui nous convient chez le seigneur."