Fortuna Imperatrix Mundi

Pwyll attendit qu'Ergon Tamir rejoigne son bureau après s'être levée pour faire mander Uilleam pour glisser un regard vers Jazkez. Souhaitait-il qu'ils développent un peu en réponse à la Commandante ou aurait-il un regard ferme du genre "fermons la" ?

Jazkez jeta un coup d’œil à Pwyll l’air interrogateur mais aussi approbateur s’il voulait prendre la parole.

C'est avec une certaine appréhension que Pwyll prit la parole, droit comme un piquet.

"Commandante, je parle sous le contrôle du Chevalier qui me rectifiera si ma caboche de paysan devenu auxiliaire s'enfonce dans une tourbière, mais vous parlez de l'attitude des maison nobles autour de Terfynisel, alors... disons que le problème de voisinage dont je suis coupable provient d'une profonde hostilité d'une maison du sud du marais envers l'Ordre.

L'osfei a été capturée par eux et c'est elle que je cherchais à Losgadh. J'ai ramené aucune preuve, mais je suis convaincu que ça venait de Gulguenn Mac Lormel.

Tout sera mieux expliqué dans le rapport, mais comme vous demandez... à Losgadh, il y avait aussi le fils de la maîtresse de l'échiquier du Duc de Tuaille..." il laissa un non-dit faire son chemin.

"Terfynisel pourrait essayer, avec le soutien de l'ordre, de se rapprocher d'une autre branche de la famille Mac Lormel, on était en visite chez eux justement quand l'enlèvement a eu lieu.

En résumé, entre ça, mes excès de tempérament au château de Losgadh et la menace des centaines de cannibales avec de sombres rituels de Morcails, ça pourrait chauffer de tas de façons différentes là-bas. Si possible, je voudrais rester en activité pour protéger les gens et servir le Chevalier. Je vous présente mes excuses pour être source de problèmes."

Il déglutit, resta droit, le regard fixe, sans dévisager la commandante, évidemment.

Bien qu'un peu étonné de la rapidité avec laquelle on fût venu le chercher, Uilleam n'avait pas oublié qu'Ergon Tamir était une femme d'une efficacité remarquable. Il reconnaissait les lieux, rien n'avait changé depuis la dernière fois -mis à part lui.

Le garde signala leur présence à la porte et attendit l'ordre de faire entrer le détenu. Il se présentera sans forme de salut, ni d'expression particulière, les mains attachées dans le dos. En chevalier déchu et soumis, il ne lui revenait pas de prendre la parole, mais d'attendre qu'on lui fasse un signe.

Alors qu'elle se préparait à recevoir Uilleam de Terkhên, Ergon Tamir écouta le rapport de l'auxiliaire Pwyll, tiquant à la mention du duc de Tuaille. Son expression s'assombrit considérablement, mais elle ne répondit pas.

Après deux ou trois secondes, elle donna l'ordre de faire entrer le prisonnier.

" Uilleam de Terkhên, chargé de manicle à Swelbecky, vous avez disparu à l'automne dernier dans des circonstances troubles. Votre manicle a été retrouvée morte, à l'exception de l'osfer Jazkez Mac Rhidian, grièvement blessé. "

" Je vous écoute."

Ergon Tamir écouta le récit, préoccupée.

" Donc si je vous suis bien, nous avons en premier lieu une maison traîtresse -- les Mac Lormel -- qui complote contre le roi en lien avec le duché de Tuaille."

" Et à côté, des osags dégénérés perdus dans les marais qui mènent des attaques et pratiquent de sombres rituels ? "

" Autre chose ? "

Les Autres, des âmes damnées qui extraient à mains nues le coeur de leurs victimes sacrifiées à leurs dieux…
Commanderesse, je connais leur langue, leurs coutumes, leurs croyances. Ils n'ont aucun défaut en comparaison des félonies de nos maisons nobles qui mènent à la division, à la ruine du royaume, à l'affaiblissement de nos remparts contre ces barbaries extérieures. Je vous alerte sur les dangers à venir, si nous ne réagissons pas.

Je suis prêt à former une petite équipe de missionnaires, composée de volontaires parmi les civils et les soldats, il faudrait un médecin et un prêtre. Ces aventuriers, hommes ou femmes, devront avoir le coeur solide et des nerfs d'acier. Et le sens du sacrifice car, il s'agit d'une guerre sainte. Le vecteur de Terfynisel m'a déjà donné son accord, et s'il ne peut pas se faire remplacer, il enverra un moine de son église pour faire partie de la mission. Cette mission, pionnière en territoire ennemi, bâtira une première base militaire qui servira à la fois d'avant garde pour la surveillance et le renseignement, mais aussi d'hospice, de chambre de décompression, et de ferme pour une petite colonie. Il faudra des semences et des outils. Je vous fournirai la liste…

Ah, un détail, il faudrait que je sois réhabilité. Avec tout mon respect, Commanderesse, un procès ralentirait…

Les yeux de Pwyll s'arrondirent, malgré lui. Ce Uilleam devait être intrépide, inconscient ou avait reçu un coup sur la tête... à moins que la sorcière ne le contrôle encore. Croire qu'on lui confierait un groupe, comme ça, en arrivant comme une fleur pour, au mieux, accepter une punition ? Vouloir même emmener des civils au contact d'un peuple de tueurs qui sacrifient à tours de bras, en espérant quoi, un bon accueil ? Et c'était quoi cette obsession avec l'Unique, une religion bizarre qui venait surtout de Gwidre et que la plupart des habitant de Taol Kaer regardaient de travers ? Le gars prévoyait même de donner une liste de courses à la Commandante comme au marché du coin... Pwyll craignait une réponse pas piquée des hannetons. Il serra les fesses.

Ergon Tamir regardait Uilleam Avec une expression fermée, difficile à déchiffrer.

Le silence se prolongea bien deux à trois secondes.

" Vous délirez. Une guerre sainte ? Rien que ça ?"

Un regard vers l'osfer Jazkez : "Votre osfei a perdu la raison, et ça semble aussi le cas de l'osfer Uilleam. Je me rappelle avoir eu vent de cas de fièvres chimériques à Terfynisel. Avant d'envoyer du monde s'embourber en masse, il faut clarifier ça. Il est hors de question de perdre des contingents entiers qui se mettraient à délirer. Cette histoire de sorcière des marais, je commence à me demander si c'est fiable. "

" On ne peut rien faire sans plus de clarté. Concrètement, je veux savoir quelle est la réalité de la menace osag des marais ; je veux des moyens d'abattre les ennemis du roi -- donc dans cette région les Mac Lormel -- et les remplacer par une autorité qui nous soit utile, soit des féodaux fidèles à l'ordre, soit un officier hilderin administrant les terres ; enfin, je veux des éléments sur les liens avec le duché de Tuaille pour qu'on puisse même un terme à leur action. Définitivement."