Fortuna Imperatrix Mundi

Rozenn, Jazkez et Uilleam étaient ensemble, au pied d'un château sombre, solide, haut, bien construit. Il était doté d'une minuscule cour intérieure à partir de laquelle on montait sur le grand escalier vers le petit hall et de là vers les escaliers et couloirs.

A cette heure, le dîner serait servi prochainement.

Jazkez se retourna vers Rozenn.

-Allons y au culot car j'ai peur qu'après le diner l'accès à la fille Mac Herneg soit plus compliqué. Pendant que nous nous installons demande à un garde qu'il te conduise à la chambre de Veilana. Tu trouveras une excuse je te fais confiance. Il y a suffisamment de raisons valables pour qu'un médecin puisse examiner cette pauvre fille pour s'assurer qu'elle va bien après tout ce qu'elle a subi.

Rozenn penchait la tête, en plein dilemme.

"Je pense que son état cache autre chose de plus profond. Ses blessures étaient déjà anciennes et localisées sur ses bras et son dos. On ne sait depuis quand elle avait disparu, mais je me demande si en réalité elle n'a pas cherché à fuir le château. D'ailleurs, quand on y pense, personne n'attendait son retour, pas même son père."

"Uilleam a raison, aller voir cette jeune femme sans l'autorisation de son père nous attirera plus d'ennuis qu'autre chose, et nous cherchons avant tout à améliorer les relations de Terfynisel avec ses voisins. Nous allons devoir marcher sur des œufs dans cette affaire."

Jazkez eut un haussement de sourcil lorsque Uilléam lui expliqua que son idée était mauvaise et un second lorsque Rozenn le conforta dans ce sens. Il les observa un moment tous les deux en silence puis leur dit.

-Jusqu’à preuve du contraire je pense être mieux placé que quiconque ici pour déterminer ce qui est à même d'améliorer les relations avec Terfynysel ou non. Face à ce genre d'individu misogyne qu'est Hinguer Mac Herneg la docilité peut rapidement être perçue comme de la faiblesse. Je vous laisse vous installer, on se rejoint au diner. Si quelqu'un me cherche, dites que je suis partie à l'écurie.

Il laissa là ses deux compagnons et se dirigea vers un des gardes de la cour.

Jazkez laissa là Uilleam et Rozenn qui pouvaient à leur gré découvrir leurs chambres respectives et se reposer, ou s'installer dans l'une d'elle pour discuter un peu.

Quelques minutes plus tôt...

Uilleam regarda Jazkez repartir vers les écuries.

Ah, ne vous inquiétez pas Dame Rozenn, toutes ses idées ne sont pas si mauvaises. Tenez, si vous obtenez de rester un jour de plus ici, je me ferais l'honneur de vous escorter à la cueillette des plantes sauvages, sourit-il. Vous me donnerez des nouvelles récentes de Terfynisel. J'ai crû comprendre que Dame Blodwen avait repris la direction du domaine, le vieux Breith lui aurait cédé l'héritage ?

Le départ culotté de Jazkez laissa Rozenn sans voix, mais elle se promit de lui rappeler que, quelle que soit sa position, une mauvaise idée restait une mauvaise idée. Et voir Uilleam le défendre ne fit qu'accroître sa mauvaise humeur.

"Il a décrit lui-même le seigneur comme misogyne tout en occultant le fait qu'il n'appréciait pas davantage qu'on fouine dans ses affaires, et le fait que ser Jazkez veuille que je risque l'incident diplomatique sans aucune autre précaution me laisse entendre que lui non plus ne se soucie guère des femmes. Mais il ne perd rien pour attendre, je lui exprimerai le fond de ma pensée plus tard. Un mufle reste un mufle, qu'il soit noble ou hilderin. Dire que je commençais à l'apprécier, il sait comment s'y prendre pour s'attirer l'antipathie des gens..."

La magientiste tapait du pied, visiblement mécontente. Elle ne décolérait qu'à peine à l'arrivée du garde, mais se fendit malgré tout du salut le plus agréable qu'elle était en mesure de fournir. Elle souffla lentement pour retrouver son calme sans sourire pour autant.

"Je ne suis pas à Terfynisel depuis très longtemps, je ne serai donc pas votre meilleure source d'information, soupira la jeune femme. Je sais juste qu'elle a effectivement hérité du domaine bien qu'étant la fille illégitime du précédent seigneur et que cela a entrainé quelques tensions avec la femme de celui-ci et qui pensait obtenir la gérance. Pour les détails, il vaudrait mieux voir avec Dame Blodwen elle-même ou son entourage, tel que son clerc Aeldred ou sa barde, Oanell."

L'hilderin resta perplexe un long moment lorsque la magientiste mentionna le prénom du clerc, puis il se ressaisit.

Au sujet de Jazkez, je ne peux pas vous donner tort, il a malheureusement fait preuve de muflerie. Je pense malgré tout qu'il croit sincèrement que vous pouvez obtenir tout ce que vous voulez car vous êtes belle et intelligente. En réalité, le chef est souvent quelqu'un de seul. Et vous êtes infiniment précieuse à ses yeux. Il faut l'aider à s'améliorer, ce qui n'implique pas de l'aimer. Finalement, Rozenn, vous savez que vous avez raison, vous êtes libre de lui dire oui ou non, mais n'en souffrez pas.

Uilleam fit un signe de tête à Rozenn : le garde patientait...