[Focus] Occulte (Aeldred)

[Pwyll]

Quelle terrible erreur que d'avoir mis le pied dans ces ronces...

Les épines, d'abord douloureuses, s'étaient faites cruelles, crochetées, avides, sanguinolentes ! Le corps d'Aeldred n'était plus qu'une plaie ouverte, son sang tiède coulait de son front, de ses joues, de sa bouche, de ses mains, de...

NON.

Puisant dans la douce lueur une détermination inattendue chez un aussi jeune homme, Aeldred se redressa pour avancer coûte que coûte et, à chaque pas, sa peau changeait. Elle prit d'abord une teinte brun-vert, puis rapidement, la solidité de l'écorce.

Cela n’effraya pas le garçon, tout sembler couler de source et, à mesure qu'il fendait l'impossible buisson épineux, le sol, au contact de ses pieds, nus maintenant, se couvrait d'une végétation nouvelle, douce et printanière qui repoussait le mur d'épines hostiles.

Cette impression intense et enivrante se déploya sur un instant infini, puis Aeldred se retrouva su le chemin, suivant toujours la lueur bienveillante portant la voix aimée. Il avait retrouvé son apparence normale et, d'ailleurs, ne se souvenait que très vaguement de l'épreuve qu'il venait de traverser.

Un peu perdu, le garçon se retourna, mais nulle trace d'épineux derrière lui. Peu importait.

Aeldred reporta son regard vers l'avant, juste à temps pour prendre conscience d'une crevasse béante qui venait de scinder le chemin et s'élargissait à vue d’œil, l'éloignant inexorablement de la voix.

[Casaïr]

Le sol venait de s'ouvrir devant lui. C'était impossible et pourtant, ses yeux ne le trompait pas. Aeldred n'était pas du genre à avoir le vertige, et était même du genre casse-cou ("téméraire", disaient les dàmàthairs), mais là, c'était clairement de la folie.

Il ne comprenait plus rien à cette forêt. Un moment il traverse des ronces, et quelques clignements d'yeux plus tard, celles-ci disparaissent corps et bien pour le laisser devant... ça...

Je... je peux pas traverser, songea-t-il, totalement impuissant. C'est pas possible...

Il recula, totalement terrorisé par ce qui se passait. Si le gouffre s'ouvrait d'avantage, il finirait par tomber dedans qu'il le veuille ou non. Je peux pas... Il recula encore, cherchant derrière lui un abri sûr, incapable d'aller plus loin.

"Désolé maman, chuchota-t-il, mais ça c'est pas possible... Je..."

Il commença à se recroqueviller dans un coin, incapable de bouger.

[NailsEater]

La voix s'éloignait mais résonnait toujours à l'oreille d'Aeldred :

- Fais moi confiance, tout ira bien. Tu n'es pas seul, je suis là.

Pendant un instant, Aeldred eut l'impression qu'on le serrait. Des bras invisibles vinrent lui donner ce léger sentiment de protection et d'affection, puis là voix repris :

Tu n'as rien à craindre, viens.

[Casaïr]

Timidement, Aeldred se rapprocha de la crevasse, la voix rassurante de sa mère en tête et...

Nonononononoon !! C'est pas possible de sauter ! C'est beaucoup trop loin !

Le simple fait de ne pas voir le fond le paralysait littéralement de peur. Il préféra trouver un moyen de contourner ce truc, ça devait bien avoir un bout, non !

[Pwyll]

Prostrée au bord du gouffre, les mains enfoncées dans une terre meuble et riche, prête à s'effriter sous son poids, la forme d'Aeldred était prise de frémissements.

Terreur primale du vide, intérieur comme extérieur, colère contre lui-même et le monde, tristesse et sanglots...

Sur les deux parois de la crevasse, il regardait sans les comprendre les formes des racines qui surgissaient comme autant de vers des tréfonds de la terre. L'odeur d'humus le prenait à la gorge tant elle était forte.

La lueur semblait perdue pour de bon et l'obscurité envahissait aussi sûrement la forêt, devenue suffocante, que les pensées ressassées par le garçon.

Des entrailles de la terre jusqu'à la lumière voilée et blafarde des étoiles, le monde entier semblait lui adresser un muet reproche. Il avait baissé les bras. Il avait abandonné. Il était trop attaché à sa peine, intime, égoïste, mais aussi familière et rassurante. Trop attaché pour laisser ce leste derrière lui et prendre son envol.

Pourtant, la lueur, elle, n'en avait pas fini avec lui. Elle ne l'avait pas abandonné. La présence rebroussa chemin et s'arrêta de l'autre côté du trou béant. Le halo qu'elle propageait atteignait presque le rebord où se tenait Aeldred. Presque.

[NailsEater]

- Je veillerai toujours sur toi ! Un jour, tu arriveras à franchir ce gouffre. Tu es fort Aeldred, Oublie ces cauchemars, ils sont derrière toi, maintenant, tout ira bien ...

La voix toujours aussi douce semblait plus ferme qu'avant, ses paroles avaient quelque chose d’inéluctable, de vrai et d'apaisant.

[Casaïr]

La voix de sa mère semblait vraiment sûre d'elle, ce qui aida Aeldred à se relever. Il se déplaça de façon à être face à la lumière flottante, comme s'il cherchait à estimer la distance qui les séparait.

"Si je me blesse, ce sera ta faute !" lança-t-il d'un ton bravache.

Ignorant l'air accusateur des arbres, il prit un maximum d'élan, respira un bon coup avant de s'élancer en trombe vers la crevasse avant de sauter tout en criant le plus fort possible pour se donner du courage.

[Iris]

Aeldred sauta, un peu sale gosse. Il s'élançait par bravade et assez peu par réelle confiance en soi.

"Ta faute." "Ce sera ta faute". "Pas la mienne".

Le parfum de fleurs séchées, brûlées, quelque chose de subtil. Comme les fumigations rituelles qui appelaient les bons esprits et chassaient les mauvais.


Tout autour de lui se fondit et modifia, et il émergea dans un berceau doucement balancé par sa mère Enora penchée sur lui qui chantait en souriant.

Les yeux embué de sommeil, il ne voyait pas bien ce qu'il y avait autour de lui. Le cœur serré, il lui semblait avoir cru la perdre et la retrouver à présent. Cette chaleur qui succédait à la froide terreur d'un choc terrible, mais il ne se rappelait plus lequel. Le métal était glacé, mais il ne savait plus de quoi il s'agissait. Autour de lui les draps étaient agréablement tièdes et moelleux. Tout était bien, c'était un instant de béatitude pure, une émotion sans trace de conscience critique, rationnelle ou distanciée. Une douceur et un amour qui l'enveloppaient.

Il avait cru la perdre... il ne savait plus pourquoi... mais elle était là, elle était toujours là...

Et la berceuse le caressait, le sommeil cherchait à s'emparer de lui, il glissait et fondait délicieusement.

[Casaïr]

Cette voix, c’était celle qu’il avait toujours entendu, celle qui avait toujours su le rassurer quand il était triste ou qu’il avait peur.

S’il avait pu parler à ce moment-là, il aurait dit tout l’amour qu’il avait pour elle, même si maintenant un regard, un sourire suffisait certainement à le lui démontrer.

Aeldred aurait voulu entendre la chanson jusqu’au bout, ça lui rappelait ces oiseaux qu’elle lui montrait souvent et qu’il voyait voler ici ou là.

Il finit par s’endormir, pleinement rassuré, car elle était là maintenant, et serait là à son réveil.

Cette voix, c’était maman.