[OdE - Chap.2.5] Soirée dans le bois [15 Damhar]

[Kalessin]

L'expression faciale d'Elwigg en disait long sur son état d'esprit.

Le visage tiré vers le bas, les yeux grands ouverts, bras ballants, figé sur place...

Il regardât les deux jeunes s'éloigner, toujours sans produire le moindre son, puis il rentrât à la rosace en marchant à faible allure, comme pensif.

[NailsEater]

"Tu aimes le comique de répétition on dirait, pourtant il me semblait que les bardes préféraient renouveler leurs tours, afin de toujours surprendre leur entourage."

- Disons qu’avec toi le comique de répétition marche très bien ! Plaisanta-t-elle tout en marchant.

Aeldred s’arrêta fixant le château. Ne comprenant pas son attitude elle eut peur de l’avoir vexé l’espace d’un instant. Mais il expliqua la raison de son trouble à la jeune femme assez rapidement.

- Pour être tout à fait honnête, je n’y avais pas vraiment réfléchit. Si tu préfères, peut être pourrions-nous juste continuer à marcher un peu ? Je ne suis pas pressée de rentrer pour être honnête. Cette clairière était magnifique. J’ai peur que les murs du château me semblent extrêmement mornes après cette soirée.

Sans attendre sa réponse elle bifurqua, marchant au hasard dans les rues, sans vraiment prendre garde aux regards des passants.

[Casaïr]

Aeldred dut presque courir pour rattraper la barde qui, décidément, le menait par le bout du nez. Il faudrait peut-être que je fasse attention... Mais à peine avait-il songé à cela qu'un seul regard d'Oanell faisait fondre ses réticences comme neige au soleil. Toutefois, il ne pouvait ignorer le regard des gens autour qui semblait le transpercer. Il se demanda comment faisait Oanell pour ne pas les remarquer. Nerveux, il caressa la fibule cherchant un peu de réconfort à son contact.

Comme ils marchaient dans le village, il vit sa maison approcher et son cœur manqua de s'arrêter rien qu'à cette évocation. Au point où j'en suis, de toutes façons, ça ne peut pas être pire...

"S...Si tu veux, on peut faire un détour par chez moi, nous ne sommes plus très loin. En fait, c'était la maison de mes parents, ajouta-t-il rapidement, mais personne n'en voulait, alors quand j'ai pu vivre par mes propres moyens, je l'ai reprise et retapée comme j'ai pu au fil du temps, tout seul. Du coup c'est assez grand pour quelqu'un qui vit... seul..."

Est... est-ce que je viens bien de l'inviter chez moi ?? Il n'en revenait pas lui-même et risqua un œil en direction de la jeune femme, dans l'attente de sa décision.

[NailsEater]

- Si tu préfères ! J’aime bien balader mais c’est vrai qu’on a pas mal marché aujourd’hui. Et je suis curieuse de voir ta maison ! Tu l’as refaite tout seul ? interrogea la jeune femme visiblement impressionnée. Puis, réagissant à l’une des phrases du jeune homme : Où est ce que tu habitais avant ça ? Avec Rhéa ? Vous devez être proches ! affirma-t-elle.

Elle avait ralenti, de façon à le laisser passer devant, ne sachant pas de quelle maison il était question. Tout en avançant, elle se questionnait sur les gouts du chasseur. Elle ne savait après tout pas grand-chose sur lui. Peut-être pourrait-elle en apprendre plus lors de cette soirée en tête à tête. Tout en réfléchissant, elle écoutait ce qu’il lui répondait.

[Casaïr]

"Rhea est la seule personne qui ait accepté de s'occuper de moi à la mort de mes parents, expliqua Aeldred simplement. Je n'avais que treize ans mais pour la plupart des habitants, j'étais plus une sorte de monstre qu'un enfant. Ultana a eu beau faire ce qu'elle a pu, cela n'a eu aucun effet. C'est alors que la plus jeune des dàmàthairs du village s'est indignée de leur comportement à tous et a revendiqué le droit de devenir ma tutrice. En fait, je la considère comme ma sœur, mais comme il n'y a pas de lien de sang, je dis que c'est ma demi-sœur. En y repensant, elle est un peu comme toi, forte et aimante, mais surtout insensible aux regards des autres. Sans elle, je ne serai probablement plus ici depuis longtemps. Mais j'ai grandi seul, j'ai perdu tous mes amis, leurs parents leur interdisant de me fréquenter..."

Il sécha ses larmes de détresse avant de tenter de se recomposer un visage plus joyeux.

"J'espère que tu seras indulgente pour la maison ! Mon père, avant de... enfin il voulait que je prenne sa succession, il était charpentier et adorait son travail, le contact avec le bois surtout..." Il se mordit la lèvre, retenant ses larmes à grand peine.

Finalement, il ouvrit la porte d'une maison qui fut certainement très belle autrefois, mais qui portait les stigmates du temps passé. On pouvait voir, ça et là des réparations de fortune, quelque peu disgracieuses mais solides. L'intérieur était grand et bien entretenu mais avait connu aussi des réparations successives, surtout au niveau du plafond. Une grande table, certainement en frêne, trônait fièrement au centre de la pièce, encadrée de deux bancs faisant la largeur de la table et indiquant qu'à une époque, on aimait recevoir du monde. Collée au mur du fond, une cheminée servant également à faire cuire la nourriture, si l'on en jugeait par l'installation de broches et les pots de fonte pour les soupes et autre ragoûts tout à côté. Deux portes côté ouest donnaient sur les chambres dont celle d'Aeldred restée porte ouverte. La maison n'était pas décorée, c'était un lieu qui indiquait qu'on y dormait, soit, mais qu'on y vivait pas réellement. Un lieu de passage en somme. Entre les portes des chambres, un râtelier ou reposaient actuellement l'épée et l'arc du chasseur, ainsi qu'un carquois rempli.

"Bienvenue chez moi. C'est... enfin ça n'a rien de comparable à la clairière mais... c'est ici que je vis."

[NailsEater]

Elle l’écouta raconter son enfance. Désolée de l’avoir emmené sur un sujet si sensible, elle était néanmoins heureuse qu’il lui en ait parler, sans accès de colère. Pendant qu’il parlait, elle lui pris naturellement la main, marchant à ses côtés.

"Bienvenue chez moi. C'est... enfin ça n'a rien de comparable à la clairière mais... c'est ici que je vis."

Quand elle entra dans la maisonnette, elle fut frappée par son absence de vie. La sobreté du décor et la conversation qui précédait sa vue laissèrent Oanell sans voix. Elle avança dans la pièce, laissant Aeldred s’installer. Elle nota les chambres et l’arc, la cuisine. Elle se sentait étrange, dans cette maison si ... familiale ? Dans laquelle le jeune homme vivait seul. Elle essaya de se rappeler de lui quand ils étaient enfants mais ne restait que quelques bribes de souvenirs. A cet instant, elle voulait l'aider. Lui permettre d'aller mieux, d'aller de l'avant. Elle sortit les premiers mots qui lui traversèrent l'esprit.

- Je … hmm… je pense que quelques fleurs ne seraient pas de trop pour mettre un peu de couleur. Après ce n’est qu’une supposition mais … fin … tu aimes bien ça … les fleurs, non ?

Mais qu'est ce que je raconte moi ! Non mais franchement. Propose lui aussi de tout redécoré tant que tu y est. Tss

Elle ne savait pas vraiment comment réagir face au sentiment qui ressortaient à la fois de la maison et du jeune homme. Elle était bien avec ce jeune homme et pourtant, elle n'arrivait pas à réellement le comprendre, l'approcher. Son enfance, sa vie jusqu'ici, c'est quelque chose de la jeune femme n'avait jamais vécue. Elle ne pouvais pas concevoir, la sollitude et la détresse que l'on ressent à la place d'un enfant rejeté et abandonné.

J'aimerai qu'il soit heureux. J'aimerai l'aider à être bien.

- Merci de m’accueillir chez toi. Elle reprit un ton moins solennel et son habituel sourire. Tu amènes souvent tes conquêtes ici après le coup de la clairière ? Tout ceci me semble bien rodé ! Je m’en veux de m’être laissé avoir si facilement, je mettrais ça sur le compte de ton expérience de chasseur. Elle soupira, l'air vaincue.

[Casaïr]

La remarque d'Oanell réussit à faire rire le chasseur.

"En effet, dit-il, la voix tremblante. Et ensuite, je leur sors le couplet sur l'enfance malheureuse qui fut la mienne ! Mais le plus souvent, elles demandent un mouchoir pour pleurer dedans avant de s'enfuir..."

Il s'essuya les yeux d'un revers de manche avant de s'asseoir à la table. Semblant réfléchir, il finit par dire "c'est surtout maman qui aimait les fleurs. Elle n'avait pas réellement de préférence mais aimait beaucoup les rouges. Aussi, quand je sortais me promener, j'essayais toujours de lui en rapporter. Elle me manque atrocement..."

Il respirait difficilement mais essayait malgré tout de continuer à parler.

"Je... Est-ce que je suis..."

Tremblant de tous ses membres et incapable de parler plus longtemps, il s'avoua vaincu et pleura pour de bon.

[NailsEater]

Instinctivement, Oanell le prit dans ses bras, laissant le jeune homme pleurer de tout son saoul. Il n'y a rien à dire dans ces cas là. Une simple présence remplacé des milliers de mots.

Elle chantonna doucement la chanson qu'Aeldred avait reconnu quelques jours plus tôt. Son chant relever presque d'un murmure.

Elle se demanda s'il avait déjà règlement parlé de son ressenti avec quelqu'un durant ses années d enfance. La jeune barde ne comprenait pas la méchanceté des habitants de Terfynisel. Il n'était qu'un enfant à l époque. Décidément, toute cette histoire la dépassée.

[Casaïr]

La chaleur des bras d'Oanell combinée à la chanson calmèrent rapidement Aeldred. Il finit par s'écarter doucement, presque à regret, séchant ses larmes lentement. Il recula d'avantage avant de se lever, lui demandant de ne pas bouger. Il se rendit jusqu'à une belle vasque de porcelaine blanche difficile à remarquer car dissimulée par un petit rideau. Il se nettoya la figure, s'ébroua sous le froid de l'eau puis se sécha. Il revint s'asseoir auprès de la jeune femme et eut un sourire un peu pâle mais qui avait le mérite d'être présent.

"...Et en général, quand j'en ai fini avec mon histoire, les filles se sentent obligées de me réconforter, si tu vois ce que je veux dire..." dit-il en tirant la langue à demi.

Puis, sans prévenir, il éclata de rire, un véritable fou-rire comme il n'en avait plus connu depuis bien longtemps. Essuyant une larme (de rire cette fois) et se tenant les côtes, il regarda à nouveau Oanell dans les yeux. Il attendit que son rire passe avant de continuer à parler.

"Enfin, c'est ce que j'aimerai croire mais nous savons toi comme moi que personne n'est dupe." Un clin d’œil puis il reprit comme s'il n'avait jamais vraiment terminé ce qu'il disait avant de sombrer : "Malgré tout ça, j'ai de très bons souvenirs dans cette maison, notamment un : une nuit, j'avais dix ans je crois, un orage violent s'est abattu sur le village et alors que je dormais, je fus réveillé par maman qui criait : en fait, le vent avait été si fort qu'il avait arraché un arbre à côté de la maison et que ses branches avaient crevé le toit. Papa et maman se sont retrouvés, trempés, à dormir avec moi. Et il s'est avéré que le cri perçant que j'avais entendu était en fait celui de papa. Maman n'a pas arrêté de le taquiner de toute la semaine, tant et si bien qu'à la fin, il a pris ses outils et tellement renforcé le toit de ce côté-ci de la maison qu'un rocher ne pourrait pas le traverser. Enfin, c'est ce qu'il disait toujours, mais quand j'ai récupéré la maison, j'ai eu la surprise de trouver leur chambre presque intacte."

Puis semblant prendre conscience de quelque chose, Aeldred prit un air profondément étonné, regardant Oanell comme si c'était la première fois. Il se rapprocha d'elle sur le banc et posa sa main sur celle de la jeune femme qui hantait ses pensées.

"Q...Quand je suis dans cet état, je ne connais que deux moyens de passer de l'obscurité à la lumière : Rhea et mon Refuge. Ne pouvant déranger ma sœur n'importe quand, il m'arrive régulièrement de me rendre à la clairière, même au beau milieu de la nuit. Mais ici, dans cette maison, c'est l'obscurité qui règne... régnait. Jusqu'à aujourd'hui... Je ne sais pas comment tu fais, mais tu portes une chandelle qui éclaire ma nuit, et je t'en remercie du fond du cœur."

Dans un geste tendre, il s'avança et embrassa sur la joue la jeune femme, rougissant de son audace avant de reculer.

Il attendit un instant, le temps de voir si un malaise s'installait avant de se lever. "As-tu faim ? Je peux nous trouver quelque chose, si tu veux."

[NailsEater]

L’anecdote d’Aeldred arracha à Oanell un sourire mi-figue mi-raisin. Une fois de plus, il lui faisait confiance, lui racontant des bribes de son passé. Elle allait dire quelque chose quand il la regarda avec un air étrange, se rapprocha d’elle et lui prit la main.
Mais que fait-il ? Je ne suis pas sûre que…

"Q...Quand je suis dans cet état, je ne connais que deux moyens de passer de l'obscurité à la lumière : Rhea et mon Refuge. Ne pouvant déranger ma sœur n'importe quand, il m'arrive régulièrement de me rendre à la clairière, même au beau milieu de la nuit. Mais ici, dans cette maison, c'est l'obscurité qui règne... régnait. Jusqu'à aujourd'hui... Je ne sais pas comment tu fais, mais tu portes une chandelle qui éclaire ma nuit, et je t'en remercie du fond du cœur."

Il se rapprocha de la jeune femme et déposa un baiser sur sa joue. Le pouls de la jeune femme accéléra, encore cette tendresse.

"As-tu faim ? Je peux nous trouver quelque chose, si tu veux."

- Avec plaisir, dit-elle simplement.

L’attitude d’Aeldred l’avait une fois de plus prise de court. Comment faisait-il pour la perturber à ce point. Il y avait un quelque chose de naïf et de pur dans les gestes et les mots d’Aeldred.

Je devrai avoir honte d’agir comme ça avec lui. Il doit se faire des idées alors que je voulais simplement… simplement … simplement quoi ? Elle l’observait cherchant de quoi les nourrir puis se mettant à la cuisine. Depuis quand je m’inquiète autant des pensées de quelqu’un moi. Elle soupira.
Aeldred possédait un, je ne sais quoi qui l’intriguait, sa façon d’agir avec elle. Inhabituée des gestes affectueux, les démonstrations d’Aeldred remettaient en cause toutes ces anciennes relations. À la fois inquiète pour le jeune homme et intéressée par ses considérations, elle ne savait ce que faire.

- Que nous prépares-tu donc ? Je te préviens, je serai exigeante ! annonca-t-elle.