Fortuna Imperatrix Mundi

Une fois arrivé au château, Oanell souffla. Elle était ravie d'être débarrassée de sa mission morbide. Voyant l'humeur de ses camarades, elle tentant -une dernière fois de les motiver- en leur proposant d'aller boire un verre ensemble ou même d'aller se poser un peu à faire de la musique et souffler de cette ballade intense.

- Je ne me sens pas d'humeur à être seule pour tout vous avouer me feriez-vous l'honneur d'un verre ou d'une balade après que nous nous soyons lavés et changés ? Je range même mon instrument si vous voulez ! dit-elle en tirant la langue, lui donnant de nouveau un air de gamine.

En attendant la réponse des deux autres, elle s'étira puis enleva ces lunettes afin de les nettoyer.

Aeldred hésita un instant à la demande d'Oanell, mais son attitude tellement à l'opposé de la sienne lui devenait plaisante au fil du temps. Malgré tout, le fait d'aller à l'auberge ne parvenait pas à le décider. Il finit par opiner de la tête.

"Pourquoi pas, cela serait peut être un moyen de se dérider, dit-il d'un ton badin. Je te laisse décider de ce que tu préfères. Nous pouvons nous donner rendez-vous dans une heure au puits, si cela convient à tout le monde."

Il savait qu'il tendait un peu le bâton pour se faire battre en donnant ce lieu comme point de retrouvailles, mais il était peut-être temps pour lui aussi de se confronter aux regards insistants et scrutateurs des autres villageois, et de voir comment lui le vivrait. Et puis, de toutes les manières, il ne voyait pas comment il pourrait plus souffrir de leur présence que ce qu'il subissait déjà.

A cette idée Elwigg ressenti comme de la joie. Il faisait des efforts pour se réintégrer et on l'y aidait, il ne fallait pas rater une telle occasion.

"Je serai ravi de partager vôtre compagnie pour une balade en forêt. Je pense que nous avons tous quelque chose à apprendre des autres et que passer du temps ensemble nous fera le plus grand bien."

"Je vous avouerai que je ne suis pas très enjoué à l'idée d'aller à l'auberge, mais je ne voudrais en aucun cas vous imposer quoi que ce soit, c'est pourquoi je vous laisserai choisir nôtre destination."

Sur ces mots il sourit et attendit qu'on propose une heure pour le rendez-vous de ce soir.

Ravit Oanell fit un immense sourire et proposa :

- dans une heure au puits me semble parfait ! Dans ce cas à tout à l'heure !

Elle se retourna et partit directement à ses appartements. Heureuse. Enfin, elle se liait avec quelqu'un, peut-être un jour seraient-ils... amis?
Se débarbouillant assez vite, elle enfila la première tenue de son armoire, une robe bleue assez simple mais plutôt jolie. Elle décida de changer de coiffure pour l'occasion et pris un peu de temps pour faire une tresse un peu soignée. Une fois satisfaite, elle se prépara à descendre aux cuisines afin de récupérer quelques bouteilles, ses yeux se posèrent sur sa lyre, se sentant mieux quand elle l'avait avec elle, elle l’attrapa au vol.

Même si elle avait senti le changement dans l'attitude d'Aeldred, elle ne voulait pas tenter le diable et leur assurer une bonne soirée. Ainsi, sauf contre-indications de leur part, elle proposera une petite ballade et quelques verres au clair de lune.

En arrivant devant le puits, elle se rendit compte qu'elle était encore un peu en avance, profitant de ces instants pour jouer un air de sa propre composition. Elle se rappelait les quelques fois où son mentor l'écouté jouer, elle avait aimé ces moments simples et profita de cet instant de répit pour -en quelques sortes- lui rendre hommage.

Sa nouvelle vie commençait, pas comme elle l'avait imaginer, beaucoup plus ... intéressante que prévue. Elle continua à jouer se laissant emporter en attendant Elwigg et Aeldred.

Une fois chez lui, Aeldred commença par une toilette complète avant de regarder le reflet de son visage dans sa petite bassine avant de grimacer. A quand remontait la dernière fois qu'il avait pris un peu soin de lui ? Mal rasé, pas coiffé, bref, un sauvage pour quiconque. Il finit par se laver de pied en cap puis de se raser de frais avant de rougir tout seul. Comment Oanell allait-elle interpréter son geste ? Il avait l'art de donner de fausses impressions aux gens, surtout dans les eaux où d'ordinaire il ne naviguait guère. Les amis par exemple. Il pouvait compter sur les doigts d'une seule main ceux qui l'avaient accepté ici, et aucun d'eux ne l'aurait imaginé s'apprêter de la sorte. Il grimaça encore, les voyant déjà pouffer devant sa tête, et ils n'auraient pas tord.

Finalement, le comique de la situation le fit éclater de rire avant de s'arrêter net. A quand remontaient les derniers rires que cette maison avait connu ? Bah ! Au pire, je pourrai toujours dire que ressembler à un sanglier est au moins aussi peu valorisant que d'en avoir l'odeur ! se dit-il, finissant ce qu'il avait commencé.

Passant des vêtements propres et récupérant sa maigre bourse, il se prépara à sortir avant d'avoir une prémonition malsaine. Alors, à tout hasard, il passa une dague dans sa botte, plus pour se rassurer qu'autre chose. Finalement il sortit et se dirigea vers le puits, ignorant superbement tous les regards qui pouvaient le suivre.

***

Arrivé sur place, Aeldred fut surpris, non pas de voir Oanell déjà présente, qui plus est en train de jouer, mais de la voir autrement qu'en tenue de voyage. Il s'arrêta quelques instants, saisi par l'instant avant de revenir à la réalité. Il fallait vraiment qu'il travaille sur ses interactions avec la gente féminine !

Hélant gaiement la jeune femme, il s'approcha rapidement en s'excusant presque :

"J'espère que je ne t'ai... pas fait attendre. Tu... Tu es..."

Rougissant comme une pivoine il ne put finir sa phrase et éluda en se tournant en tout sens, toussant pour s'éclaircir la gorge : "Elwigg n'est pas encore là ?"

Elwigg rentra à la rosace et rejoignit sa cellule. Il fit un brin de toilette et noua ses cheveux en une grande natte pour les garder bien attachés et ainsi dégager un peu son visage déja bien dissimulé derrière sa barbe. Il remit ses seuls habits en se disant qu'il était grand temps d'en changer et donc d'en confectionner de nouveaux mais l'hiver étant proche il ne pourrait pas tanner et traiter des peaux cette année, il devrait donc se procurer du cuir prêt à être travaillé et de la laine pour l'hiver.

Revenant à ses esprits il se décidat à partir pour le puits.

Une fois proche du lieu de rendez-vous, il apperçut Oanell et Aeldred. Ce qu'il remaquat en premier était la jolie robe bleue de la musicienne, mais ce qui retint son attention une seconde était le teint couleur coquelicot d'Aeldred. Elwigg s'arrêtat net et ne sut pas s'il devait les interrompres ou non dans un moment pareil. Il se décidat à les rejoindre mais discrètement et sans se presser, afin de leur permettre de profiter pleinement de leur conversation préliminaire.

Hélant gaiement la jeune femme, il s'approcha rapidement en s'excusant presque :
"J'espère que je ne t'ai... pas fait attendre. Tu... Tu es..."
Rougissant comme une pivoine il ne put finir sa phrase et éluda en se tournant en tout sens, toussant pour s'éclaircir la gorge : "Elwigg n'est pas encore là ?"

- Non, il n'est pas encore arrivé. En se retournant pour voir son interlocuteur, elle pu noter les changements physique du jeune homme. Tu es particulièrement élégant ce soir, ça te va très bien. Pour ce soir, je me suis permise d'amener à boire, nous pourrions aller balader un peu ? Bien sur, aller à l'auberge me va tout autant mais je sais que ... tout le monde n'est pas très ... 'fin une promenade peu être agréable !

Elle lui proposa de s’asseoir sur le bord du puis à côté d'elle plutôt que de rester debout en attendant Elwigg.

Aeldred accepta l'invitation d'Oanell, même s'il ne savait pas du tout comment agir ensuite. Avant Oanell, ses seules connaissances féminines étaient sa demi-sœur Rhea et Blodwen. Bizarrement, il lui semblait maintenant plus facile de leur parler à elles qu'à la jeune barde à ses côtés. Il ne put s'empêcher de dévisager la jeune femme, cherchant un moyen de comprendre, lui qui n'avait jamais été très doué pour lire dans le cœur des gens. Finalement il se racla la gorge à nouveau, espérant que cela lui donnerait la force de s'exprimer correctement.

"Je... Merci pour l'attention, dit-il maladroitement. C'est vrai que l'auberge n'est peut-être pas forcément... Mais c'est peut-être aussi bien, il y a des endroits très beaux où nous pourrons nous installer tranquillement. J'en connais quelques uns où l'on ne croise rien de plus dangereux que des écureuils et des lapins et où il y a peu de chances de croiser des gens d'ici. Avec un peu de chance, cela pourrait même t'inspirer une ballade, dit-il en riant de bon cœur. D'ailleurs si tu cherches quelque endroit spécifique ici, je peux toujours t'aider à... Enfin, je peux t'aider..."

Parler de ce qu'il aimait le plus l'avait libérer, mais maintenant, il avait peur de passer pour un bavard incapable de s'arrêter. Se grattant la tête avec un rire un peu gêné, il s'arrêta un peu maladroitement.

"Tu sais, reprit-il plus sérieusement, j'avoue que je ne savais pas quoi penser de toi au début, car même si tu as vécu tes premières années ici, je n'en garde que très peu de souvenirs. Alors, quand tu es revenue, malgré le fait que je ne veuille pas ressembler aux gens d'ici, j'ai fini par agir exactement comme eux envers toi, et je voulais m'en excuser. Je ne sais pas si cela te rassurera, mais j'ai agi pareillement avec Blodwen, continua-t-il, penaud. Alors, je ne dirais pas que maintenant je te comprends mieux qu'avant, mais j'apprends. Je... Je fais des efforts pour ça, même si ça ne marche pas toujours comme je le voudrai. Sache malgré tout que c'est à moi que j'en veux le plus dans ces moments là, certainement pas à toi alors que tu cherches à me sortir de ma morosité. Merci beaucoup", termina-t-il en posant sa main sur celle d'Oanell sans même y réfléchir.

Main qu'il retira en rougissant quand il réalisa son geste.

"Ex-ex-ex-excuse-moi, j-j-j-j-je ne voulais pas..."

"Bonsoir!"

Elwigg les avait rejoins pendant qu'ils étaient absorbés par leur conversation et son intervention sonnait comme le fracas d'une avalanche dans le silence d'une nuit d'hiver.

"Je vous dérange peut être, voulez vous que je retourne patienter dans ma cellule le temps que vous finissiez?"

Bien contant de sa boutade, Elwigg arborait un immense sourire joignant ses deux oreilles et fendant son épaisse barbe... Puis il se mit à rire à gorge déployée. [le rire de Jean Reno dans Porco Rosso de Miyazaki pour vous donner une idée]

Elwigg n'étai pas méchant. Il riait de bon coeur et ne se moquait de personne. Il retrouvait peu à peu sa personnalité d'il y a dix ans: Chaleureux, disponible et boute entrain.
Voir ses deux compères dans une telle situation lui rappelait que tous les hommes n'étaient pas perdus, et que l'amour et la joie avaient encore de beaux jours devant eux.

"Ex-ex-ex-excuse-moi, j-j-j-j-je ne voulais pas..."

le jeune homme donna l'air de se transformer en pivoine.


Réfléchissant à sa phrase précédente, Oanell ne comprit pas son geste et ne réagit pas dessuite. Elle regarda Aeldred, cherchant le pourquoi de son rouge aux joues. Perplexe, au point qu'elle sursauta quand Elwigg s'invitât dans la conversation (tout en se moquant de la scène qui qui se déroulait à l'instant devant ses yeux).

Ce n'est qu'alors qu'elle prit la mesure du geste d'Aeldred. Flûte ! Ses années d'apprentissages de l'art de la diplomatie et des relations ne l'avaient pas préparée à ce genre de problématiques ! Aussi décida-t-elle d'éviter de gâcher la soirée en mettant tout le monde mal à l'aise.

- Hmm... Nous discutions de la suite de la soirée. Au final, aucune décision n'a encore était prise. Je me suis permis, de mon côté, d'amener quelques bouteilles dans l'expectative d'une ballade tardive. Cependant, si vous préférez l'auberge cela me convient tout autant. Aeldred connaît assez bien les lieux cependant pour nous permettre de visiter de jolie endroit sûr. Un avis ?

Elle fit un sourire avenant à Aeldred, laissant entendre que la conversation finirait une fois prochaine. Puis attendit l'avis d'Elwigg pour la suite de cette soirée inattendue tout en redescendant du puits sur lequel elle s'était perchée.