[OdE - Chap. 12.6] Ambition [FOCUS]

[Iris]

C'était une belle journée et la jeune Oanell gambadait dans les près couverts de fleurs en cette fin de printemps. Le ciel était d'un bleu intense, traversé de seulement quelques nuages cotonneux d'un blanc lumineux. Encore quelques jours de grand beau temps sec et l'on faucherait ici pour la première fois de l'année afin de préparer les réserves de foin pour l'hiver. En attendant le spectacle était enchanteur, même en y voyant mal, car l'adolescente était affligée d'une mauvaise vue qui lui compliquait bien la vie et faisait croire à tout le monde qu'elle était maladroite ou distraite alors qu'elle n'avait parfois simplement pas bien vu ce qui était là.

Il y avait un invité au château, un barde, comme Maelor, le conseiller du seigneur Mac Terfynisel. Cet étranger portait des lunettes, des verres tenus par un assemblage de métal et il regardait au travers. Personne à Terfynisel ni à Swelbecky n'avait des "lunettes". On disait que c'était pour lire, pour déchiffrer les signes bizarres dont les livres étaient emplis. La dàmàthair disait que c'était pour mieux voir.

La curiosité poussait Oanell à aller vers l'inconnu dont elle avait entendu le nom. Il paraissait gentil et ces "lunettes" étaient vraiment étranges.


L'homme avait pris de quoi faire un pique-nique et un instrument de musique, il était allongé sur une couverture, à regarder le ciel, se faisant un peu d'ombre avec sa main tandis que des nuées de papillons de toutes les couleurs voletaient tout autour.

[NailsEater]

L’adolescente se rapprocha de l’étranger. Elle n’avait pas vraiment peur et voulait paraitre bien. Aussi, elle avança, l’air digne (un peu exagéré) et fit attention où elle marchait pour éviter une énième chute.

- Euh … Bonjour ! Je … je me demandais comment je peux faire pour ... pour avoir des … lunettes ? Comme vous.

Oups, beaucoup trop direct ! La patience ne faisait pas partie des qualités de la jeune fille. Déconfite, elle essaya de se rattraper:

- Hmm … j'ai oublié de me présenter. Je m'appelle Oanell ! Ce que je voulais dire, c'est que je ne vois pas très bien et la dàmàthair m’a dit qu’on voit mieux avec. Alors peut être que si je m’en fabrique …

Elle s’arrêta au milieu de sa phrase, remarquant l’instrument de musique posé à côté de l’homme.

- Oh ! Vous pouvez me montrer ? Elle se mit à trépigner, ses yeux fixant intensément le musicien. Elle aimait la musique, plus particulièrement les chansons. Elle apprenait assez vite la plupart des chants et des histoires que présenté la dàmàthair et se faisait une joie de les reprendre à tue tête à longueur de journée, au grand dam de ses parents.

[Casaïr]

Briaval regarda un instant la jeune fille, un rien étonné. Un sourire fleurit rapidement sur son visage en voyant sa gêne puis son expression quand elle vit son instrument.

"Mon luth ? Je peux bien te le montrer, mais attention ! Il m'a été confié par une vieille tarish qui disait que seuls les gens avec un certain talent pouvaient s'en servir, la prévint-il avant de poursuivre sur ton de la confidence : Elle avait ajouté que ceux qui n'étaient pas dignes de l'instrument subissaient un mauvais sort..."

Devant la tête de l'adolescente, il parti dans un grand rire.

"Mais non ! c'est une blague ! la rassura-t-il d'un clin d’œil. Enfin, pas pour toute l'histoire... La vérité c'est que je tiens beaucoup à cet instrument, mais si tu me promets d'y faire très attention, je veux bien te le prêter."

Faisant signe à Oanell de s'installer à ses côtés, il lui donna délicatement l'instrument comme s'il c'était agi d'un petit enfant endormi. Il se rendit rapidement compte de la mauvaise vue de la jeune fille et se rappela ce qu'elle lui avait dit au sujet des lunettes.

"Ce sont des objets peu courants et qui demandent une certaine précision pour bien les ajuster à la vue de la personne. Je ne sais pas si les miennes t'iraient mais il ne coûte rien d'essayer."

Il s'accroupit face à elle et posa doucement ses lunettes sur le nez d'Oanell.

"Alors, comment est la vue, maintenant ?"

[NailsEater]

Elle prit précieusement l’instrument dans ses mains. Elle avait l’impression qu’il venait parfaitement se caler dans ses menottes. Quand l’étranger lui posa les lunettes sur le nez, elle eut tout d’abord du mal à gérer leur poids sur son nez. Une fois habituée, elle se rendit compte qu’elle n’avait jamais aussi bien vu. Bien sûr, il restait des zones de flou mais les couleurs lui semblaient si vives, nouvelles. Elle observa l’homme assis à côté d’elle et sourit comme elle n’avait jamais souri.

- Je … Merci, je … vois les couleurs ! C’est … magique !

Elle continua à observer les moindres détails autour d’elle, la clairrière elle-même, les fleurs, les brins d’herbes à côté d’elle puis l’instrument qu’elle tenait toujours en main. Ses yeux se firent malicieux quand elle lanca :

- Je me suis présentée mais je ne sais toujours pas qui vous êtes !

Elle reprit un ton et un visage sérieux, mais ne put cacher l’envie qui la rongée.

- Apprenez moi le … luth ? S’il vous plait …

[Casaïr]

Le comportement de l'adolescente était raffraichissant pour quelqu'un comme le barde, cela le changeait un peu de certaines gens qu'il avait pu croisé sur la route ou en ville. Quand elle lui demanda qui il était, il se leva avec emphase pour proclamer :

"Diantre, mais qui suis-je pour ne point donner mon nom à une damoiselle si polie ! je suis Briaval de Merieren, et barde de son état. Je connais bien Maelor, actuellement au service de Breth Mac Terfynisel. Nous avons étudié ensemble il y a bien longtemps puis nos routes se séparèrent. Aujourd'hui, je fais profiter de mes modestes talents aussi bien nobles que manants, régalant leurs oreilles de douces musiques et de chansons. J'ai voyagé de Tulg Naomh jusqu'à Osta-Baille, et ait eu maintes occasions de me faire des amis -et quelques ennemis aussi."

Voyant son intérêt pour l'instrument, il jaugea rapidement la jeune fille d'un air entendu avant de reprendre :

"Ma foi, ce n'est pas impossible, je peux te donner quelques leçons le temps que je resterai ici. Et si tu aimes chanter, je peux te l'enseigner aussi, afin de contrôler ta voix pour qu'elle porte plus loin tout en captivant ton auditoire. J'ai un peu de temps libre, est-ce que cela te tente d'essayer maintenant ?"

[NailsEater]

Oanell écouta le barde, captivée par ses propos. Elle s’imaginait déjà, entourée d’un public en extase, tandis qu’elle chantait, un luth à la main. Parcourant des paysages nouveaux, des villes surtout. Dans son imaginaire, les habitants portaient tous des lunettes et semblaient heureux d’avoir de la musique.

Combien de temps restez-vous ? Je veux tout apprendre : à chanter, à jouer et même à m’occuper et réparer mon instrument !

"J'ai un peu de temps libre, est-ce que cela te tente d'essayer maintenant ?"

Oui ! Est-ce que je saurais faire de la musique rapidement ? Si vous partez et que je ne sais pas jouer, cela ne servira pas à grand-chose, ajoute-t-elle l’air penaud. Vous pourrez me raconter la ville aussi ?

[Casaïr]

Briaval éclata de rire devant l'empressement de la jeune fille.

"Hola, doucement ! Procédons dans l'ordre, si tu le veux bien !"

Il commença par lui parler de Merieren, la ville où il était né, une véritable plaque tournante du commerce située juste à l'entrée du duché de Tuaille et permettant de rejoindre aussi bien Osta-Baille que Tuaille ou Ostreach.

"Merieren est incontournable pour qui veux faire des affaires dans le duché de Tuaille, et l'on peut venir la visiter aussi bien par la route que par la voie des eaux. L'endroit te plairait assurément, les maisons à colombages -il fit un croquis grossier dans la terre pour illustrer son propos- donnent un style particulier à la ville, et le tout est magnifiquement coloré. Ajoute à cela des ponts un peu partout pour enjamber les nombreux bras d'eau et tu obtiens la ville parfaite pour les amours romantiques."

Il fit une pause afin de laisser le temps à Oanell de s'imaginer la ville avant de reprendre le fil décousu de ses questions.

"Pour le moment, je n'ai pas encore décidé de la durée de mon séjour, mais je dirai une bonne semaine au minimum, peut-être deux si j'y trouve un intérêt. Pendant ce laps de temps, je veux bien vérifier tes talents naturels. Avec des leçons rapprochées, tu devrais apprendre rapidement quelques airs faciles à jouer et tu pourras te familiariser avec l'instrument. Je t'apprendrai également à l'entretenir et à changer les cordes, ainsi que quelques trucs pour ne pas te faire berner par des vendeurs à la petite semaine. Si d'aventure tu t'aventures trop loin dans la musique, cela deviendra comme une drogue, et il te faudra des armes pour éviter les arnaques courantes dont on peut être la cible quand on ne s'y connait pas assez et..."

Il s'interrompit en voyant arriver un jeune garçon dans le dos de la jeune fille, portant un genre de pot...

[Casaïr]

Aeldred était plutôt content de sa journée. Après avoir chipé l'un des pots en grès de sa mère, il s'en était allé près de la rivière pour tenter de capturer des grenouilles. Il avait déjà réussi à en attraper, mais il ne les gardait jamais bien longtemps : soit elles finissaient par s'échapper, soit il les utilisait comme complices involontaires de ses blagues. Il n'avais pas précisément de cibles bien définies dans ces moments là, mais les cris de terreur des filles le faisait bien rire, lui et ses amis.

Cela lui avait valu un bon paquet de punitions de la part de son père -et même de maman !-, mais cela lui passait rapidement au dessus de la tête. Pour l'heure, sifflotant maladroitement un air sans queue ni tête, il s'en retournait au village avec sa prise du jour : un bon paquet de têtards bien dodus prisonniers du pot qu'il tenait serré contre sa poitrine. C'est alors qu'il vit l'homme avec ses bidules sur le nez qui lui donnait un air de hibou et... Oanell ! Il aimait bien l'embêter mais elle lui avait valu récemment le plus gros sermon de sa courte vie de la part de son père, ce qu'il avait trouvé vaguement injuste.

"Si tu veux un jour qu'une fille t'aime bien, tu ne dois pas lui faire de mal ! Les méchants garçons ne méritent pas que les filles les aiment."

Aeldred n'avait pas vraiment bien compris ce que son père avait voulut dire par là, d'autant que pour le garçonnet, la seule chose que semblait aimer les filles, c'était rire bêtement entre elles en regardant les grands qui passaient. Et celles de son âge n'aimaient jamais les jeux qu'il proposait, alors il s'était fait une bonne idée de la chose : les filles, c'est nul ! D'ailleurs, l'attitude de l'adolescente face à Monsieur Hibou (comme l'avait déjà rebaptisé le garçonnet) ressemblait beaucoup à ce que faisaient les autres au village.

Malgré tout, c'est la curiosité qui le fit se diriger vers eux. Ca et l'envie de voir d'un peu plus près ces drôles de trucs que portaient le barde, ainsi que son drôle d'instrument. Il s'élança donc en trottinant dans leur direction et les héla d'une voix forte.

"Hého ! Qu'est-ce vous faites là, M'sieur Hibou ? Vous prenez l'air ? Parait qu'au château y a des odeurs bizarres, rapport au fait que les pierres sont vieilles et tout ! C'est pour ça qu'vous préférez être ici ?"

Faisant semblant de ne voir la jeune fille que maintenant, il lui lança effrontément :

"Salut Oanell, j't'avais pas vu ! Tu veux voir mes têtards ? J'en ai plein ! J'vais demander à papa si on peut pas creuser une mare pour que je les élève ! Ce serait chouette, hein ?"

[NailsEater]

Tandis que Briaval parlait, Oanell se forçait à mémoriser chacune des villes qu'il nommait et chacune des informations qui retenait son attention. Elle se voyait déjà traverser des ponts magnifique et vivre dans une de ces fameuses maisons à colombages. Le barde avait réveillé la curiosité de l'adolescente en même temps que son désir de partir de Terfynisel.

"Pour le moment, je n'ai pas encore décidé de la durée de mon séjour, mais je dirai une bonne semaine au minimum, peut-être deux si j'y trouve un intérêt."

L'espace d'un instant, la jeune fille s'imagina qu'elle pourrait être l’intérêt en question, espérant pouvoir faire preuves de ces soit disant talents naturels. De toute manière, peu importe de quoi il était question, elle l'avait forcément ! Elle en était la de ses réflexions quand Briaval s'interrompit, fixant quelque chose derrière elle.

Quand elle se retourna, elle se retrouva face à Aeldred, un des petits de Terfynisel, qui venait vers eux. Mais qu'est ce qu'il fait la celui là. Instinctivement, elle porta sa main à sa natte, la faisant passer du côté le plus éloigné du gamin.

"Hého ! Qu'est-ce vous faites là, M'sieur Hibou ? Vous prenez l'air ? Parait qu'au château y a des odeurs bizarres, rapport au fait que les pierres sont vieilles et tout ! C'est pour ça qu'vous préférez être ici ?"

M'sieur Hibou ? Tss ... Ce vaurien n'a décidément aucune manière. En plus d'embêter les filles !

"Salut Oanell, j't'avais pas vu ! Tu veux voir mes têtards ? J'en ai plein ! J'vais demander à papa si on peut pas creuser une mare pour que je les élève ! Ce serait chouette, hein ?"

Elle repris le même air digne qu'un peu plus tôt et répondit d'une voix sèche:

- Je n'ai plus l'âge de jouer avec des têtards, mais si tu veux te faire une marre commence donc par allez chez toi pour creuser. Et je te conseil de creuser profond.

[Casaïr]

Aeldred fit claquer sa langue sur son palais dans un clac ! sonore avant de gonfler ses joues.

"Bon, tant pis ! De toutes façons, j'te vois pas creuser."

Il avisa la natte que la jeune fille avait fait glisser sur l'épaule opposée, et vit qu'elle portait les trucs en métal de l'adulte. Se retenant de rire, il ajusta sa prise sur son pot avant de repartir aussi vite qu'il était arrivé.

"D'toutes façons, je te vois pas creuser dans le sol ! lui cria-t-il en tirant la langue. Au r'voir !"

Il s'enfuit en riant, rentrant dare-dare chez lui, sans plus se retourner.

.....

Briaval n'avait pas eu le temps de comprendre la scène surréaliste qui venait de se dérouler sous ses yeux en moins de cinq minutes. Monsieur Hibou ? En y réfléchissant, pour les gens qui ne savaient pas ce qu'il portait sur son nez, il devait sans doute ressembler un peu à ça.

"... Bien, je pense que nous pourrons travailler aussi là-dessus, et apprendre à passer outre les moqueries et les regards désobligeants que tu pourrais t'attirer... Sacré numéro ce gosse, un ami à toi ?"

Il enregistra la réponse de la jeune fille, se promettant d'avoir une discussion avec ce garçon plus tard, histoire de lui faire comprendre que son comportement finirait par lui attirer de sérieux ennuis.

"Bien, je vais déjà te montrer comment pincer les cordes pour commencer, sans faire d'accord ou autres fioritures, d'accord ?"