Journal d'Aeldred

Campagne des Ombres d'Esteren. MJ Iris
Début : juin 2015
Avatar de l’utilisateur
Casaïr
Vénérable
Messages : 4415
Inscription : 28 avr. 2015, 19:10
Localisation : Arlon, Belgique

Journal d'Aeldred

Message : # 50715Message Casaïr
27 déc. 2015, 19:54

Date : 22 Damhar

Maman,

Cela fait maintenant huit ans que papa et toi êtes partis. Aujourd’hui, j’essaie de faire la paix avec moi-même, mais je sais que je n’y parviendrai qu’une fois que j’aurai été vous demander pardon sur vos tombes. M’excuser auprès de toi, pour n’avoir pas su te protéger des coups de papa, et auprès de papa pour avoir été un mauvais fils, même si je ne sais toujours pas pourquoi il m’en a tant voulu après son accident.

La petite tombe que j’ai faite pour toi au Refuge n’est qu’un simulacre et si je dois te rendre hommage, je dois le faire dans les règles. Mais jusqu’à aujourd’hui, je n’en avais pas le courage. Toutefois, ma vie a connu récemment plus de changements en l’espace de huit jours que durant ces huit dernières années.

Je dois d’abord revenir à ce printemps et à Blodwen, arrivée à Terfynisel quelques mois encore auparavant. Elle est guérisseuse, avait besoin de se réapprovisionner en herbes de toutes sortes et était venue me trouver en conséquence. J’avais accepté malgré quelques réserves et le lendemain, je l’emmenais au Refuge, puisque l’endroit foisonne de plantes en tout genre comme tu le sais. Je ne sais pas trop ce qui m’a pris ce jour-là, peut-être cette ambiance à la clairière qui m’a toujours permis de me sentir plus libre, ou le fait que Blodwen ait été si gentille avec moi, mais j’ai laissé parler mes sentiments pour la première fois depuis bien longtemps. J’ai cru qu’elle me rejetterait, comme la presque totalité du village, mais non. Au contraire, elle m’a accepté tel que je suis, et non tel que les autres voulaient me faire passer : une espèce de monstre responsable de la mort de ses parents. Pour cela, je lui en serai éternellement reconnaissant.

Grâce à Blodwen, je pu me libérer un peu plus. Oh, ça ne facilita pas vraiment mes relations avec les autres habitants de Terfynisel, mais je vivais un peu mieux ma mise à l’écart jusqu’à ce qu’on aille à Swelbecky, il y a moins de quinze jours. J’y ai fait la connaissance de deux personnes avec qui je me suis lié facilement : Elwigg, un bûcheron local, et Oanell. Je ne sais pas si tu as connu Elwigg, mais tu te rappelles forcément de cette gamine que je passais mon temps à embêter. Il y aurait beaucoup à dire sur cette période, des souvenirs remontant à la surface au moment où j’écris ces lignes mais je vais me concentrer sur le temps présent. Tu ne l’aurais pas reconnue je pense : elle porte ces drôles de trucs sur le nez maintenant, des « lunettes ». Cela soulage sa mauvaise vue si j’ai bien compris le fonctionnement.

Bref, elle est devenue barde et est revenue à Terfynisel afin d’y achever sa formation, son mentor étant malheureusement mort. La façon dont elle en parle… Je crois qu’il y a eu quelque chose de très fort entre eux, même si on n’a pas vraiment évoqué le sujet pour le moment. Cela semble être un sujet douloureux pour Oanell. Toujours est-il que j’ai été particulièrement distant avec elle ce jour-là, mais ce n’était pas sa faute : depuis mon arrivée à Swelbecky, je me sentais mal sans pouvoir dire pourquoi. J’ai dû lui faire mauvaise impression cette fois-ci…

La situation entre elle et moi a vraiment changé quelques jours plus tard : après avoir accompagné Ultana jusqu’au château afin qu’elle se rende au chevet du vieux seigneur mourant, Oanell ne voulait pas rester seule et nous avait proposé, à Elwigg et moi, d’aller prendre l’air quelque part. Et c’est ainsi qu’un peu plus tard nous partions au Refuge. C’est également ce jour-là que j’ai commencé à ressentir… quelque chose pour Oanell. Bon, je dois bien avouer qu’elle m’a titillé toute la soirée, mais ce n’était pas désagréable dans le fond. J’avais l’impression d’intéresser quelqu’un d’une façon qui m’était totalement inconnue. Je n’avais juste pas prévu de tomber amoureux d’elle. Par contre, ne compte pas sur moi pour tout te raconter sur cette soirée ! Quand j’étais petit, tu arrivais toujours à me tirer les vers du nez, mais j’ai bien grandi depuis, et je ne me laisserai plus avoir par toutes tes ruses. Sache seulement que ce qu’avait entamé Blodwen s’est poursuivi ce soir-là, et que je ne m’étais jamais senti aussi vivant de toute ma vie.

Hier soir, Le village s’était réuni pour rendre un dernier hommage au vieux seigneur, mort trois jours plus tôt. Lorsqu’il fut finalement inhumé, une nouvelle de taille fut révélée : Blodwen fut reconnue par voie testamentaire comme la fille de Breth Mac Terfynisel et de Nevena la guérisseuse, ainsi que notre nouveau seigneur. J’étais heureux pour elle, mais aussi jaloux : finalement, son père l’avait reconnu sur son lit de mort et l’avait probablement aimé toute sa vie, même s’il ne l’avait certainement vu que lorsque Blodwen venait s’occuper de lui, dans une relation de médecin à patient. Et maintenant, elle pouvait renouer des liens avec sa mère. Quelque chose qui m’est interdit désormais…

C’est aussi hier soir que j’ai cru tout gâcher. Comment ? Tout d’abord, après avoir totalement ignoré les convenances et serré dans mes bras notre nouveau seigneur (pour lui assurer qu’au moins une des personnes venue lui présenter ses hommages était sincère), j’ai déclaré ma flamme à Oanell devant toute l’assistance. En y repensant au calme, je me dis que j’ai dû être traversé par une crise de folie, même si je ne regrette absolument pas mes paroles. J’aurai dû me mettre à la place d’Oanell par contre…

Par la suite, j’ai tout fait de travers : alors qu’elle discutait avec un imb…*rature* chevalier hilderin, je les ai espionné, alors que je n’en avais pas le droit. Aucune des raisons auxquelles j’avais songé ne me semble avoir de sens maintenant, et Oanell a mal pris mon geste -à raison.

Nous nous sommes retrouvés à deux reprises après cela : la première est sans doute la pire car, après qu’elle m'ait fait part de ses griefs, j’ai trouvé le moyen de la faire pleurer. Je n’arrive toujours pas à comprendre à quel moment ça a dérapé. Je m’étais surtout attendu à de la colère, peut-être de la joie en étant optimiste, mais pas à des larmes. Je m’en veux terriblement pour ça, et si Oanell m’en voulait aussi je le comprendrai. C’est ce qui rend incompréhensible ce qui est arrivé à notre troisième rencontre de la soirée : alors que nous attendions Blodwen à la Rosace où elle s’entretenait d’une affaire importante, Oanell, à nouveau elle-même malgré ses yeux rouges, a encore cherché à me faire sortir de ma carapace, en évoquant des souvenirs d’enfance, des amis surtout. Ce fut désagréable pour moi, puisque mes anciens amis se sont tous détournés de moi. Aujourd’hui encore, je ne sais pas du tout ce qu’ils pensent de moi -sans doute du mal, comme les autres. Et évidemment, il a fallu que l’un des rares souvenirs d’enfance qui me revienne fût ce moment où je lui avais tiré sur sa natte. Tu t’en rappelles forcément, non ? Vous aviez passé une bonne heure, papa et toi, à m’expliquer que ce que je faisais était inutile et méchant. D'ailleurs, j’ai bien cru devoir payé mes tords hier soir, et avec les intérêts !

Et finalement, sans prévenir, elle m’a embrassé. Ce que j’ai ressenti à ce moment… Plus rien ne comptait, n’existait à part elle. Je sais que c’est idiot, que c’est bien trop tôt pour envisager quoi que ce soit avec Oanell, d’autant que je ne sais toujours pas ce qu’on est l’un pour l’autre, mais plus le temps passe et plus je l’aime. Je n’imagine pas de vivre sans elle, car alors je perdrai une partie de moi que je croyais disparue à jamais.

Est-ce que c’est mal de penser comme ça ? Suis-je égoïste à ce point pour penser à moi comme ça, sans savoir ce qu'elle ressent ?

Au début, j’ai cru qu’elle n’était qu’une chandelle qui éclairait mes ténèbres si familières, mais elle est bien plus que ça : elle est un soleil qui m’apporte la clarté et la chaleur qui me faisait défaut jusque là. Pour moi qui suis plutôt lunaire, j’imagine qu’il fallait bien ça pour me remettre sur le droit chemin, non ?

Dès que je le pourrai, je viendrai porter cette lettre sur ta tombe. Je sais que selon les principes demorthèn l’âme n’existe pas, mais les unistes y croient, et je préfère leur vision du monde à nos vieilles traditions. Il y a donc une possibilité pour que, où que tu sois, tu puisses lire cette lettre.

Je t'aime, maman.

Aeldred
Il est toujours utile d'affronter un ennemi prêt à mourir pour son pays. Vous avez en définitive, lui comme vous, le même objectif en tête.

- Terry Pratchett, Va-t-en-guerre.

Avatar de l’utilisateur
Casaïr
Vénérable
Messages : 4415
Inscription : 28 avr. 2015, 19:10
Localisation : Arlon, Belgique

Re: [OdE - Chap. 12.7] Journal d'Aeldred

Message : # 56746Message Casaïr
12 déc. 2016, 19:48

Maman,

Cela fait quelques jours que les événements de Swelbecky se sont passés. Te raconterai-je ce que j’ai vu ? Je ne sais pas, tant de choses étranges sont arrivés que je me demande parfois si ce n’était pas juste un rêve. La réalité a frappé malgré tout, en emportant dans la mort Gillean, le fiancé de Rhea. Ce fut… difficile, comme tu peux l’imaginer. J’ai essayé tant bien que mal de la consoler, mais je ne suis pas sûr que cela ait porté ses fruits.

Maintenant que je peux me poser enfin, je dois te parler du bracelet. Je l’ai retrouvé sous votre lit, à papa et toi et, s’il m’a fallu un moment pour me souvenir de lui, le choc de la révélation me frappa en plein visage. J’étais perdu au départ, ne sachant comment interpréter ses souvenirs qui affluaient, mais maintenant, je crois que je commence à comprendre : c’est ce bracelet qui a transformé papa, mais il ne fut pas sa seule victime. Je crois que Kalessin sait quelque chose à son sujet, mais je n’ai pas encore trouvé le temps d’aller lui parler ; entre son apprentissage chez les ronces et mes propres occupations, c’est difficile de tout mener de front. Surtout maintenant que Pwyll m’appelle à l’aide pour m’occuper de sa ferme ! Et oui, Pwyll habite Terfynisel maintenant, suite à un de ces fameux concours de circonstances qui semblent jalonner sa vie. J’aurai quand même préféré ne pas me retrouver mêlé à ses histoires de potager, mais on dirait que je n’ai pas le choix.

Ho ! Tant que j’y pense, j’ai aussi découvert un coffre plein de vêtements, toujours sous le lit. Dedans, une robe à toi (ta robe de mariée ? J’ai envie d’y croire en tout cas), ainsi que des habits pour enfants. J’y ai reconnu ceux que je portais étant petit et j’eus une vague de nostalgie qui se dissipa rapidement quand je découvris les autres vêtements, clairement destinés à une petite fille. Aucune note, rien qui puisse m’indiquer quoi que ce soit, en même temps, je ne sais pas trop ce que je m’attendais à y trouver.

Après en avoir parlé à Nevena et Ultana, j’ai récupéré quelques indices sur ta vie d’avant, sur le fait que cela était sans doute arrivé dans ton village d’origine, près de Moudenn. Que ton arrivée à Terfynisel avait soulevé bon nombre de questions restées sans réponse, alimentant les rumeurs les plus folles.

Tu ne voulais surtout pas t’aventurer du côté du marais, mais pour quelle raison ? Qu’était-il arrivé là-bas, pour que tu t’enfuies un jour, abandonnant ceux que tu aimais ? Un jour il me faudra aller sur place bien qu’Ultana m’ait prévenu : je risque de devoir chercher une aiguille dans une multitude de meules de foin différentes, alors que j’ignore le nom de ton village d’origine (et même s’il est toujours debout), tout comme le nom de ma sœur si elle est encore vivante. Il me faudra trouver des gens, ici ou à l’auberge de Joavan, en mesure ne serait-ce que de m’indiquer le nom de ton village. Je ne sais pas ce que tu tenais tant à fuir mais j’essaierai de le découvrir.

Je ne sais pas comment tu prendrais mes actions actuelles, serais-tu fière de moi ? Ou au contraire chercherais-tu à m’arrêter ?

Dans un registre plus léger, Oanell et moi sommes ensemble. Je crois. Enfin c’est compliqué (comme souvent avec elle). J’ai l’impression qu’elle a peur de s’engager pour de bon dans une relation, mais elle m’a avoué que j’étais important pour elle. Était-ce pareil pour toi et papa ? Je me demande… en tout cas, vous ne donniez pas l’impression d’avoir joué autant que nous au chat et à la souris. Me reste à l’appâter avec un beau morceau de fromage dans ce cas, et je sais ce qui jouera ce rôle ! En attendant, elle passe régulièrement à la maison, échangeant de bons procédés : elle, m'enseignant la lecture, et moi le tir à l'arc. Pas vraiment des activités de couple classique, n'est-ce pas ?

Et pour finir, Blodwen… Dame Blodwen, veut me proposer un travail, patrouilleur je crois, ou quelque chose d’approchant. Cela me fait bizarre, j’ai l’impression, depuis que j’ai été à Swelbecky, que ma vie prend une tournure tellement différente que je me prends à m’interroger sur la réalité de la situation. Mais celle-ci est bien réelle. Il me reste beaucoup de chemin à faire encore, mais je pense que cela ira de mieux en mieux maintenant.
Je t’aime,
Aeldred
Il est toujours utile d'affronter un ennemi prêt à mourir pour son pays. Vous avez en définitive, lui comme vous, le même objectif en tête.

- Terry Pratchett, Va-t-en-guerre.

Répondre