Journal d'Aeldred
Publié : 27 déc. 2015, 19:54
Date : 22 Damhar
Maman,
Cela fait maintenant huit ans que papa et toi êtes partis. Aujourd’hui, j’essaie de faire la paix avec moi-même, mais je sais que je n’y parviendrai qu’une fois que j’aurai été vous demander pardon sur vos tombes. M’excuser auprès de toi, pour n’avoir pas su te protéger des coups de papa, et auprès de papa pour avoir été un mauvais fils, même si je ne sais toujours pas pourquoi il m’en a tant voulu après son accident.
La petite tombe que j’ai faite pour toi au Refuge n’est qu’un simulacre et si je dois te rendre hommage, je dois le faire dans les règles. Mais jusqu’à aujourd’hui, je n’en avais pas le courage. Toutefois, ma vie a connu récemment plus de changements en l’espace de huit jours que durant ces huit dernières années.
Je dois d’abord revenir à ce printemps et à Blodwen, arrivée à Terfynisel quelques mois encore auparavant. Elle est guérisseuse, avait besoin de se réapprovisionner en herbes de toutes sortes et était venue me trouver en conséquence. J’avais accepté malgré quelques réserves et le lendemain, je l’emmenais au Refuge, puisque l’endroit foisonne de plantes en tout genre comme tu le sais. Je ne sais pas trop ce qui m’a pris ce jour-là, peut-être cette ambiance à la clairière qui m’a toujours permis de me sentir plus libre, ou le fait que Blodwen ait été si gentille avec moi, mais j’ai laissé parler mes sentiments pour la première fois depuis bien longtemps. J’ai cru qu’elle me rejetterait, comme la presque totalité du village, mais non. Au contraire, elle m’a accepté tel que je suis, et non tel que les autres voulaient me faire passer : une espèce de monstre responsable de la mort de ses parents. Pour cela, je lui en serai éternellement reconnaissant.
Grâce à Blodwen, je pu me libérer un peu plus. Oh, ça ne facilita pas vraiment mes relations avec les autres habitants de Terfynisel, mais je vivais un peu mieux ma mise à l’écart jusqu’à ce qu’on aille à Swelbecky, il y a moins de quinze jours. J’y ai fait la connaissance de deux personnes avec qui je me suis lié facilement : Elwigg, un bûcheron local, et Oanell. Je ne sais pas si tu as connu Elwigg, mais tu te rappelles forcément de cette gamine que je passais mon temps à embêter. Il y aurait beaucoup à dire sur cette période, des souvenirs remontant à la surface au moment où j’écris ces lignes mais je vais me concentrer sur le temps présent. Tu ne l’aurais pas reconnue je pense : elle porte ces drôles de trucs sur le nez maintenant, des « lunettes ». Cela soulage sa mauvaise vue si j’ai bien compris le fonctionnement.
Bref, elle est devenue barde et est revenue à Terfynisel afin d’y achever sa formation, son mentor étant malheureusement mort. La façon dont elle en parle… Je crois qu’il y a eu quelque chose de très fort entre eux, même si on n’a pas vraiment évoqué le sujet pour le moment. Cela semble être un sujet douloureux pour Oanell. Toujours est-il que j’ai été particulièrement distant avec elle ce jour-là, mais ce n’était pas sa faute : depuis mon arrivée à Swelbecky, je me sentais mal sans pouvoir dire pourquoi. J’ai dû lui faire mauvaise impression cette fois-ci…
La situation entre elle et moi a vraiment changé quelques jours plus tard : après avoir accompagné Ultana jusqu’au château afin qu’elle se rende au chevet du vieux seigneur mourant, Oanell ne voulait pas rester seule et nous avait proposé, à Elwigg et moi, d’aller prendre l’air quelque part. Et c’est ainsi qu’un peu plus tard nous partions au Refuge. C’est également ce jour-là que j’ai commencé à ressentir… quelque chose pour Oanell. Bon, je dois bien avouer qu’elle m’a titillé toute la soirée, mais ce n’était pas désagréable dans le fond. J’avais l’impression d’intéresser quelqu’un d’une façon qui m’était totalement inconnue. Je n’avais juste pas prévu de tomber amoureux d’elle. Par contre, ne compte pas sur moi pour tout te raconter sur cette soirée ! Quand j’étais petit, tu arrivais toujours à me tirer les vers du nez, mais j’ai bien grandi depuis, et je ne me laisserai plus avoir par toutes tes ruses. Sache seulement que ce qu’avait entamé Blodwen s’est poursuivi ce soir-là, et que je ne m’étais jamais senti aussi vivant de toute ma vie.
Hier soir, Le village s’était réuni pour rendre un dernier hommage au vieux seigneur, mort trois jours plus tôt. Lorsqu’il fut finalement inhumé, une nouvelle de taille fut révélée : Blodwen fut reconnue par voie testamentaire comme la fille de Breth Mac Terfynisel et de Nevena la guérisseuse, ainsi que notre nouveau seigneur. J’étais heureux pour elle, mais aussi jaloux : finalement, son père l’avait reconnu sur son lit de mort et l’avait probablement aimé toute sa vie, même s’il ne l’avait certainement vu que lorsque Blodwen venait s’occuper de lui, dans une relation de médecin à patient. Et maintenant, elle pouvait renouer des liens avec sa mère. Quelque chose qui m’est interdit désormais…
C’est aussi hier soir que j’ai cru tout gâcher. Comment ? Tout d’abord, après avoir totalement ignoré les convenances et serré dans mes bras notre nouveau seigneur (pour lui assurer qu’au moins une des personnes venue lui présenter ses hommages était sincère), j’ai déclaré ma flamme à Oanell devant toute l’assistance. En y repensant au calme, je me dis que j’ai dû être traversé par une crise de folie, même si je ne regrette absolument pas mes paroles. J’aurai dû me mettre à la place d’Oanell par contre…
Par la suite, j’ai tout fait de travers : alors qu’elle discutait avec un imb…*rature* chevalier hilderin, je les ai espionné, alors que je n’en avais pas le droit. Aucune des raisons auxquelles j’avais songé ne me semble avoir de sens maintenant, et Oanell a mal pris mon geste -à raison.
Nous nous sommes retrouvés à deux reprises après cela : la première est sans doute la pire car, après qu’elle m'ait fait part de ses griefs, j’ai trouvé le moyen de la faire pleurer. Je n’arrive toujours pas à comprendre à quel moment ça a dérapé. Je m’étais surtout attendu à de la colère, peut-être de la joie en étant optimiste, mais pas à des larmes. Je m’en veux terriblement pour ça, et si Oanell m’en voulait aussi je le comprendrai. C’est ce qui rend incompréhensible ce qui est arrivé à notre troisième rencontre de la soirée : alors que nous attendions Blodwen à la Rosace où elle s’entretenait d’une affaire importante, Oanell, à nouveau elle-même malgré ses yeux rouges, a encore cherché à me faire sortir de ma carapace, en évoquant des souvenirs d’enfance, des amis surtout. Ce fut désagréable pour moi, puisque mes anciens amis se sont tous détournés de moi. Aujourd’hui encore, je ne sais pas du tout ce qu’ils pensent de moi -sans doute du mal, comme les autres. Et évidemment, il a fallu que l’un des rares souvenirs d’enfance qui me revienne fût ce moment où je lui avais tiré sur sa natte. Tu t’en rappelles forcément, non ? Vous aviez passé une bonne heure, papa et toi, à m’expliquer que ce que je faisais était inutile et méchant. D'ailleurs, j’ai bien cru devoir payé mes tords hier soir, et avec les intérêts !
Et finalement, sans prévenir, elle m’a embrassé. Ce que j’ai ressenti à ce moment… Plus rien ne comptait, n’existait à part elle. Je sais que c’est idiot, que c’est bien trop tôt pour envisager quoi que ce soit avec Oanell, d’autant que je ne sais toujours pas ce qu’on est l’un pour l’autre, mais plus le temps passe et plus je l’aime. Je n’imagine pas de vivre sans elle, car alors je perdrai une partie de moi que je croyais disparue à jamais.
Est-ce que c’est mal de penser comme ça ? Suis-je égoïste à ce point pour penser à moi comme ça, sans savoir ce qu'elle ressent ?
Au début, j’ai cru qu’elle n’était qu’une chandelle qui éclairait mes ténèbres si familières, mais elle est bien plus que ça : elle est un soleil qui m’apporte la clarté et la chaleur qui me faisait défaut jusque là. Pour moi qui suis plutôt lunaire, j’imagine qu’il fallait bien ça pour me remettre sur le droit chemin, non ?
Dès que je le pourrai, je viendrai porter cette lettre sur ta tombe. Je sais que selon les principes demorthèn l’âme n’existe pas, mais les unistes y croient, et je préfère leur vision du monde à nos vieilles traditions. Il y a donc une possibilité pour que, où que tu sois, tu puisses lire cette lettre.
Je t'aime, maman.
Aeldred
Maman,
Cela fait maintenant huit ans que papa et toi êtes partis. Aujourd’hui, j’essaie de faire la paix avec moi-même, mais je sais que je n’y parviendrai qu’une fois que j’aurai été vous demander pardon sur vos tombes. M’excuser auprès de toi, pour n’avoir pas su te protéger des coups de papa, et auprès de papa pour avoir été un mauvais fils, même si je ne sais toujours pas pourquoi il m’en a tant voulu après son accident.
La petite tombe que j’ai faite pour toi au Refuge n’est qu’un simulacre et si je dois te rendre hommage, je dois le faire dans les règles. Mais jusqu’à aujourd’hui, je n’en avais pas le courage. Toutefois, ma vie a connu récemment plus de changements en l’espace de huit jours que durant ces huit dernières années.
Je dois d’abord revenir à ce printemps et à Blodwen, arrivée à Terfynisel quelques mois encore auparavant. Elle est guérisseuse, avait besoin de se réapprovisionner en herbes de toutes sortes et était venue me trouver en conséquence. J’avais accepté malgré quelques réserves et le lendemain, je l’emmenais au Refuge, puisque l’endroit foisonne de plantes en tout genre comme tu le sais. Je ne sais pas trop ce qui m’a pris ce jour-là, peut-être cette ambiance à la clairière qui m’a toujours permis de me sentir plus libre, ou le fait que Blodwen ait été si gentille avec moi, mais j’ai laissé parler mes sentiments pour la première fois depuis bien longtemps. J’ai cru qu’elle me rejetterait, comme la presque totalité du village, mais non. Au contraire, elle m’a accepté tel que je suis, et non tel que les autres voulaient me faire passer : une espèce de monstre responsable de la mort de ses parents. Pour cela, je lui en serai éternellement reconnaissant.
Grâce à Blodwen, je pu me libérer un peu plus. Oh, ça ne facilita pas vraiment mes relations avec les autres habitants de Terfynisel, mais je vivais un peu mieux ma mise à l’écart jusqu’à ce qu’on aille à Swelbecky, il y a moins de quinze jours. J’y ai fait la connaissance de deux personnes avec qui je me suis lié facilement : Elwigg, un bûcheron local, et Oanell. Je ne sais pas si tu as connu Elwigg, mais tu te rappelles forcément de cette gamine que je passais mon temps à embêter. Il y aurait beaucoup à dire sur cette période, des souvenirs remontant à la surface au moment où j’écris ces lignes mais je vais me concentrer sur le temps présent. Tu ne l’aurais pas reconnue je pense : elle porte ces drôles de trucs sur le nez maintenant, des « lunettes ». Cela soulage sa mauvaise vue si j’ai bien compris le fonctionnement.
Bref, elle est devenue barde et est revenue à Terfynisel afin d’y achever sa formation, son mentor étant malheureusement mort. La façon dont elle en parle… Je crois qu’il y a eu quelque chose de très fort entre eux, même si on n’a pas vraiment évoqué le sujet pour le moment. Cela semble être un sujet douloureux pour Oanell. Toujours est-il que j’ai été particulièrement distant avec elle ce jour-là, mais ce n’était pas sa faute : depuis mon arrivée à Swelbecky, je me sentais mal sans pouvoir dire pourquoi. J’ai dû lui faire mauvaise impression cette fois-ci…
La situation entre elle et moi a vraiment changé quelques jours plus tard : après avoir accompagné Ultana jusqu’au château afin qu’elle se rende au chevet du vieux seigneur mourant, Oanell ne voulait pas rester seule et nous avait proposé, à Elwigg et moi, d’aller prendre l’air quelque part. Et c’est ainsi qu’un peu plus tard nous partions au Refuge. C’est également ce jour-là que j’ai commencé à ressentir… quelque chose pour Oanell. Bon, je dois bien avouer qu’elle m’a titillé toute la soirée, mais ce n’était pas désagréable dans le fond. J’avais l’impression d’intéresser quelqu’un d’une façon qui m’était totalement inconnue. Je n’avais juste pas prévu de tomber amoureux d’elle. Par contre, ne compte pas sur moi pour tout te raconter sur cette soirée ! Quand j’étais petit, tu arrivais toujours à me tirer les vers du nez, mais j’ai bien grandi depuis, et je ne me laisserai plus avoir par toutes tes ruses. Sache seulement que ce qu’avait entamé Blodwen s’est poursuivi ce soir-là, et que je ne m’étais jamais senti aussi vivant de toute ma vie.
Hier soir, Le village s’était réuni pour rendre un dernier hommage au vieux seigneur, mort trois jours plus tôt. Lorsqu’il fut finalement inhumé, une nouvelle de taille fut révélée : Blodwen fut reconnue par voie testamentaire comme la fille de Breth Mac Terfynisel et de Nevena la guérisseuse, ainsi que notre nouveau seigneur. J’étais heureux pour elle, mais aussi jaloux : finalement, son père l’avait reconnu sur son lit de mort et l’avait probablement aimé toute sa vie, même s’il ne l’avait certainement vu que lorsque Blodwen venait s’occuper de lui, dans une relation de médecin à patient. Et maintenant, elle pouvait renouer des liens avec sa mère. Quelque chose qui m’est interdit désormais…
C’est aussi hier soir que j’ai cru tout gâcher. Comment ? Tout d’abord, après avoir totalement ignoré les convenances et serré dans mes bras notre nouveau seigneur (pour lui assurer qu’au moins une des personnes venue lui présenter ses hommages était sincère), j’ai déclaré ma flamme à Oanell devant toute l’assistance. En y repensant au calme, je me dis que j’ai dû être traversé par une crise de folie, même si je ne regrette absolument pas mes paroles. J’aurai dû me mettre à la place d’Oanell par contre…
Par la suite, j’ai tout fait de travers : alors qu’elle discutait avec un imb…*rature* chevalier hilderin, je les ai espionné, alors que je n’en avais pas le droit. Aucune des raisons auxquelles j’avais songé ne me semble avoir de sens maintenant, et Oanell a mal pris mon geste -à raison.
Nous nous sommes retrouvés à deux reprises après cela : la première est sans doute la pire car, après qu’elle m'ait fait part de ses griefs, j’ai trouvé le moyen de la faire pleurer. Je n’arrive toujours pas à comprendre à quel moment ça a dérapé. Je m’étais surtout attendu à de la colère, peut-être de la joie en étant optimiste, mais pas à des larmes. Je m’en veux terriblement pour ça, et si Oanell m’en voulait aussi je le comprendrai. C’est ce qui rend incompréhensible ce qui est arrivé à notre troisième rencontre de la soirée : alors que nous attendions Blodwen à la Rosace où elle s’entretenait d’une affaire importante, Oanell, à nouveau elle-même malgré ses yeux rouges, a encore cherché à me faire sortir de ma carapace, en évoquant des souvenirs d’enfance, des amis surtout. Ce fut désagréable pour moi, puisque mes anciens amis se sont tous détournés de moi. Aujourd’hui encore, je ne sais pas du tout ce qu’ils pensent de moi -sans doute du mal, comme les autres. Et évidemment, il a fallu que l’un des rares souvenirs d’enfance qui me revienne fût ce moment où je lui avais tiré sur sa natte. Tu t’en rappelles forcément, non ? Vous aviez passé une bonne heure, papa et toi, à m’expliquer que ce que je faisais était inutile et méchant. D'ailleurs, j’ai bien cru devoir payé mes tords hier soir, et avec les intérêts !
Et finalement, sans prévenir, elle m’a embrassé. Ce que j’ai ressenti à ce moment… Plus rien ne comptait, n’existait à part elle. Je sais que c’est idiot, que c’est bien trop tôt pour envisager quoi que ce soit avec Oanell, d’autant que je ne sais toujours pas ce qu’on est l’un pour l’autre, mais plus le temps passe et plus je l’aime. Je n’imagine pas de vivre sans elle, car alors je perdrai une partie de moi que je croyais disparue à jamais.
Est-ce que c’est mal de penser comme ça ? Suis-je égoïste à ce point pour penser à moi comme ça, sans savoir ce qu'elle ressent ?
Au début, j’ai cru qu’elle n’était qu’une chandelle qui éclairait mes ténèbres si familières, mais elle est bien plus que ça : elle est un soleil qui m’apporte la clarté et la chaleur qui me faisait défaut jusque là. Pour moi qui suis plutôt lunaire, j’imagine qu’il fallait bien ça pour me remettre sur le droit chemin, non ?
Dès que je le pourrai, je viendrai porter cette lettre sur ta tombe. Je sais que selon les principes demorthèn l’âme n’existe pas, mais les unistes y croient, et je préfère leur vision du monde à nos vieilles traditions. Il y a donc une possibilité pour que, où que tu sois, tu puisses lire cette lettre.
Je t'aime, maman.
Aeldred