[Symbaroum] Chap. 2 - Nécessité fait loi

[Iris]

Hellébore était une jeune femme entre fin de l'adolescence et début de l'âge adulte, vêtue d'une tenue sobre coupée dans un tissu de bonne qualité, et d'une grande discrétion. Elle portait son capuchon rabattu sur la tête avec l'air d'être une ombre. Elle adressa de timides regards étonnés au trio qui s'était joint à son trio d'appartenance.

En entrant dans la salle, elle se plaça un peu en retrait derrière le capitaine Caseo, à la manière d'une servante : à l'arrière, mais pas cachée dans le dos. Elféno pouvait la voir, et négliger sa valeur -- comme presque tout le monde. Elle se tenait droite et modeste, sans honte ni véritable timidité, simplement demeurer en silence et hors du temps était sa manière d'être.

[Edzart]

Ledros ne dit pas un mot, au milieu de toutes ces personnes qui déambulaient dans le temple sacré. Il était toujours habillé de ses habits gris, sombres et la cape qui le recouvrait était sale de toutes les fois où elle lui avait servit de couverture. La seule chose qui n'était ni crotté ni même un tant soit peu poussiéreux, c'était ce chapeau flamboyant des feux d'un soleil couchant, qu'il arborait avec fierté. Un tricorne de la couleur du sang qui vient de couler. On ne remarquait pas qu'il était plutôt grand, quand il déambulait ainsi, le visage et la bouche fermée, mais quand cette petite boule de nerf vint agripper ses jambes, l'écart se fit gouffre. Elle était minuscule à ses yeux et pourtant, son coeur s'emballait de terreur. Pourquoi criait-elle ? Pourquoi ? On avait dû lui dire qu'il ne fallait pas. Il ne fallait pas crier !
"Chut chut chut !" s'exclama Ledros en se baissant vers elle pour l'observer de plus prêt. Ses yeux émeraude étaient à quelques centimètres de ceux de la fille quand il continua à mi-voix : "Il ne faut pas parler ici !"
"SSsssssssSSSssshhhhh"
"Oh. Oui. Pardon !"
"SsssssssssSSSShhhh !"
"Oups. Par..."
"SSSSSSSSSSSHHHHHHH !!!"
Ledros entrouvrit la bouche encore une fois, quand une femme vint lui retirer des pattes la petite fille. Il resta muet, tétanisé par le regard froid et dur de la prêtresse qui les escortait. D'un signe sur ses lèvres, il montra qu'il ne dirait plus un mot. Et c'est ce qu'il fit. Il ne manqua cependant pas de foudroyer du regard cette femme qui ne savait tenir tranquille sa gamine, avant d'emboîter le pas à l'élue de Prios.

En chemin, il se permit un petit signe à l'attention du dieu soleil, pour lui pardonner son écart involontaire.

Dans la pièce, il se tint quelques peu en retrait et retira son chapeau. C'était sûrement la chose à faire. Sa langue le brûlait et il avait le désir ardent de parler au prêtre, mais l'envie glaciale de ne surtout rien dire. Etrange alchimie que celle de la curiosité et de la crainte.

[Madennig]

La seconde jeune femme, celle qui n'avait pas pris l'enfant dans ses bras, eut une lueur de panique quand happée par le flot, elle se retrouva prise au piège à l'intérieur du Temple de Prios. Dans le ventre large de la bâtisse, elle retrouva un semblant de calme et ses yeux noirs scrutaient les détails de ce culte inconnu.
Dans ses cheveux noirs, nichaient des perles d'os. Sa robe longue et noire l'habillait et un corset de tissu épais ceignait sa taille. Autour du cou, des étranges pendentifs, faits de bois, de mousse et de plumes. Une bourse et d'autres plumes pendaient autour de ses hanches. Elle avait l'air impassible, comme si tout était normal, comme si sa présence ici ne pouvait être remise en question.
Sur le chemin menant au Père, elle envoya seulement un regard rassurant à la jeune Folja, haussant des sourcils admiratifs vers la tapisserie pour attirer son attention vers cette oeuvre.

Une fois dans la petite pièce où se trouvait le Père, elle resta près de la porte, en prévision peut être d'une éventuelle sortie précipitée. Finalement sa position lui permit de regarder sans s'en cacher, une à une, les trois autres personnes qu'elle ne connaissait pas.

[Casaïr]

"Comment ça chut ?!"

Mais déjà la prêtresse partait, alors que la pâleur habituelle de mes joues s'empourpraient d'indignation. Je me relevais, les mains sur les hanches, ce qui fit jouer mes nombreux bracelets sur mes poignets et les fit cliqueter de fort belle manière.

"Ho, désolée", dis-je, pas du tout désolée en réalité.

Je tirais la langue d'entre mes lèvres cerise alors que la clerc me tournait le dos, provoquant un petit gloussement de Fjola qui se mit à tirer la langue aussi, par imitation. Je m'accroupis de nouveau avec un clin d'œil et un sourire, enlevant un peu de poussière imaginaire sur la robe de la polissonne et recoiffant ses longs cheveux blonds qu'elle ne tenait absolument pas de moi, les miens étant noirs comme la nuit. Évidemment, il fallait faire un effort pour s'en rendre compte étant donné qu'ils étaient présentement attachés, noués et dissimulés sous mon foulard rouge d'où pendaient quelques colifichets. D'ailleurs, en y réfléchissant, elle tenait un peu trop de son père… Heureusement que le vert émeraude de ses yeux était le même que le mien, sinon j'aurais pu me poser nombre de questions quant à l'héritage maternel.

"Si j'avais su qu'on irait dans un temple, chuchotais-je à Vérama, j'aurais passé une autre tenue…"

Non pas qu'elle soit malséante, mais ma robe noire et rouge au généreux décolleté par-dessus laquelle était passé un corset affinant ma taille me semblait… un rien déplacée. D'ailleurs, aux hommes qui me regardaient je lançais une œillade mutine juste pour le plaisir de les voir détourner les yeux. Ma robe n'était toutefois pas assez longue pour dissimuler mes pieds nus ainsi que les bracelets qui paraient mes chevilles et qui tintaient à chacun de mes pas lorsque je me déplaçais, tout comme mes boucles d'oreilles lorsque je secouais la tête d'incompréhension quant à ma présence ici. Cette fichue bonne femme m'obligeait carrément à suivre un mouvement auquel je n'appartenais pas et cela ne me plaisait qu'à moitié.

Et puisque je n'avais pas mon mot à dire, je suivis le groupe, non sans me promettre de demander une bonne explication lorsque je pourrais ENFIN parler !

[Caeso Senjak Khan]

Caseo vit arriver la petite fille mais il ne ressentit aucune menace particulière et la laissa donc agripper la jambe de Ledros. Il jeta un coup d’œil aux deux femmes venues visiblement récupérer leur progéniture et se laissa conduire par le Clerc à l’intérieur du temple de Prios.

Prios. Un dieu, un de plus disent certaines tribus en Davokar, dont l'autorité et l'influence étaient palpable, même en ce temple secondaire de Fort Chardon. Caseo était habitué à la hiérarchie, mais il préférait un chef qu'il pouvait voir et toucher pour l'accompagner sur le champ de bataille. Il réajusta sa cotte de maille et posa mécaniquement la main sur la garde de son épée avant de l'y retirer par politesse. Son équipement était de bonne qualité mais sans fioritures et visiblement éprouvé par ses derniers combats contre les créatures. Une cape doublée de fourrure lui couvrait les épaules, signe à la fois de son rang et d'une certaine rusticité. Ses cheveux lui descendaient à présent jusqu'aux épaules et il lui faudrait bientôt les couper afin qu'ils ne soient pas une gêne en cas de combat. Son regard enfin, semblait particulièrement perçant et profond. Il croisa le regard d'Elfeno et salua en attendant qu'on leur donne la parole.

-Que Prios nous protège en ces temps troublés.

[NailsEater]

"Je suppose que je dois vous souhaiter la bienvenue. Je ne m'attendais pas à ce que Marvelo me transmette un message. Encore moins par le biais de ... fillettes.

Le regard du Père s'attarda sur Fjola ainsi qu'Hellebore et Heidi. Il passa rapidement sur Vérama, comme s'il ne l'avait pas vu. Avant de reprendre en s'adressant à Caseo.

" Que se passe-t-il qui requiert mon aide ? Je n'ai pas pour habitude de m’interrompre en pleine cérémonie vous vous en doutez. Installez-vous, Messieurs.

[Madennig]

Puisque l'homme de foi prenait la parole, le regard fixe de Verama se dirigea vers lui. Elle avait pu détailler chaque personne venue lui demander audience. Il s'agissait maintenant de savoir pourquoi ces inconnus dérangeaient ce Père en pleine cérémonie...

[Casaïr]

Fillettes ?!

Je m'étranglais presque en entendant l'insulte. D'accord, je voulais bien admettre que Fjola, du haut de ses cinq ans ne pouvait prétendre être une adulte, mais j'en avais tout de même vingt, moi !

En accord avec moi-même, je décidais de détester copieusement ce vieux ronchon, préférant m'attarder sur l'étrange groupe que nous avions rejoins par la force des choses. L'homme au tricorne semblait un peu bizarre, il avait l'allure d'un petit animal traqué sans que je puisse en comprendre la raison ; le soldat par contre était nettement plus intéressant. Je m'amusais à imaginer à quoi il pouvait bien ressembler sous son armure. On ne pouvait pas me reprocher cela, je n'avais de toutes façons pas grand chose d'autre à faire. La jeune femme était... Discrète, c'était bien le mot. elle faisait tout pour que l'on ignore sa présence, ce que je trouvais plutôt étrange. Je lui adressais un discret "coucou" de la main avant de me replonger dans mes petits jeux personnels.

[Caeso Senjak Khan]

Caseo prit place à la demande du grand prêtre. Il regarda tour a tour ses compagnons puis reporta son attention sur son interlocuteur.

-Merci de nous recevoir. Nous ne serions pas venus déranger votre éminence si ce n'était pas important et en rapport avec le temple de Prios. Je ne reviendrai pas sur les événements de ces derniers jours, vous les avez vécus comme nous et Prios soit loué nous avons été en mesure de repousser ces abominations. Nous essayons à présent de comprendre ce qu'il s'est passé et pourquoi ainsi que nous l'a ordonné le Capitaine Marvelo. Nos récentes recherches nous ramènent vers le Temple et il semblerait qu'il existe un lien entre ces abominations et certains éléments... anciens membres du temple dont les idées hérétiques les ont naturellement exclus de la lumière de Prios. Nous sollicitons votre aide et celle du temple pour en apprendre plus à propos de ces individus. Il s'agit des personnes nommées Anadéa et Arkel. D'autre part, nous avons de forte raisons de penser que ces abominations ont quelque chose a voir avec un ancien clan barbare, le clan Jezora. Revient aussi souvent dans nos recherches le nom d'un culte violent et meurtrier actif a Fort Chardon, le culte de la bête.

Le Capitaine posa délicatement sa main sur l'accoudoir de son siège, sans s'agiter.

[NailsEater]

Anadea était une initiée du Temple du Soleil jusqu’au mois dernier. Ni moi ni personne d’autre au sein de l’Église de Prios n’avait plus le moindre contact avec Anadéa depuis. Je n'ai aucun commentaires àfaire de commentaires sur les raisons qui ont poussée la femme à quitter le temple. Tout ce que je sais c'est qu'Anadéa avait perdu la foi.

Quand Caseo parla du clan de la bête, le regard d’Elféno s’assombrit. Il entreprit de repondre du même ton factuel :


Les barbares furent les premiers à évoquer l’existence du Clan de la Bête— de féroces guerriers, marqués par la Corruption, attaquant tout humain et gobelin vivant dans le sud de Davokar et ne portant sur eux aucun signe d’appartenance à l’un des clans établis. Toutefois, il ne fallut pas attendre longtemps pour que les premiers témoins ambriens ne se manifestent. Le meurtre de dix hommes dans un camp de bûcherons fut ainsi attribué au Clan de la Bête, de même que le massacre d’une famille de paysans et l’incendie de leur ferme. Les spéculations allèrent bon train. S’agissait-il d’actes perpétrés par des patriotes ambriens, vêtus comme des barbares dans le but de nuire à la réputation de ces derniers ? Ou était-ce l’oeuvre de Karits déguisés, cherchant à faire fuir les sujets de Korinthia ?

En réalité, nous connaissent la vérité au sujet du Clan de la Bête, grâce aux révélations de l’un de nos prisonniers — un chasseur du nom de Marek. À l’en croire, lorsque les Ambriens attaquèrent les Jézites en l’an 10, une grande partie des membres du clan parvint à s’enfuir et à trouver refuge dans les grottes naturelles qui se trouvent sous la forteresse, en empruntant un passage secret qui ne fut jamais découvert par les troupes de Korinthia. Depuis, les survivants se terrent sous le Fort, bien qu’ils aient à souffrir du manque de nourriture et de l’effet corrupteur des fondations rocheuses.

Malrek fut capturé et raconta son histoire en l’an 18. Le témoignage du chasseur fut jugé peu crédible, mais suffisamment inquiétant pour être vérifié. Un groupe de Manteaux noirs suivit les indications de Malrek, mais malgré la découverte de plusieurs passages dans les Abysses, ils n’en trouvèrent aucun qui menait jusque sous la ville. Durant l’hiver de l’an 19, Lasifor Noirenuit et la Légation de la Reine furent informés de la situation et il fut décidé de confier les recherches aux Patrouilleurs de la Reine et aux éclaireurs du clan Odaïova. Celles-ci se poursuivirent pendant près de deux ans, jusqu’à il y a six mois environ, lorsque des grottes naturelles, mais vides de toute présence humaine furent découvertes sous Fort Chardon. Ces grottes n’ont jamais été entièrement cartographiées, en raison de la nature entièrement corrompue et corruptrice des profondeurs.

Pour ma part, si personne n’est encore certain que le Clan de la Bête est ce qu’il reste du clan Jézora, cette théorie lui semble très probable.