[Symbaroum] Chap. 2 - Nécessité fait loi

[Iris]

Hellébore hocha la tête : elle était prête à suivre Déséba. Elle ignorait si les autres viendraient ou s'occuperaient de Sarvola. D'une manière ou d'une autre, ils se retrouveraient au plus tard à l'auberge.

[Caeso Senjak Khan]

Caseo allait répondre mais Ledros le devança, visiblement un peu remonté. C'était assez inhabituel qu'il se départisse de son phlegme habituel pour être remarqué. Les deux femmes semblaient s'être retrouvées la par hasard. Tant mieux pour elles, il y a avait pire que le Temple de Prios comme endroit pour se perdre et surtout il n'était pas certain que cette vieille femme soit très accessible en d'autres circonstances. Elfeno avait l'air de la craindre, enfin, il avait l'air surtout de lui devoir lui obéir et on voyait bien que ça ne lui plaisait guère. D'ailleurs la réponse de Désoba ne le surprit pas. Si Elfeno apprenait que Desoba soutenait un prêtre reconnu hérétique il était tout a fait capable de s'en servir contre elle.

"Ce fut un grand honneur que de vous voir, madame. J'espère en avoir encore l'occasion dans un avenir proche."

Il rendit son sourire à la jeune femme qui l'observait ostensiblement depuis un moment déjà. Il ne savait pas qui c'était mais son visage lui était familier. Il s'en voulait de ne pas arriver à se rappeler. Une silhouette comme celle là et un joli minois pareil... Caséo tu te fais vieux mon gars, se dit il, en les regardant partir. L'autre femme, était probablement issue d'une tribu barbare de Davokar. Il n'aurait su dire laquelle mais il contait bien le découvrir.

" Excusez-moi. Je conçois que vous souhaitiez avoir un moyen de nous inciter à veiller sur la sécurité du prêtre Sarvola, en ne révélant les informations sur Anadea qu'après que nous ayons résolu ce problème ; toutefois,..."

Il se retourna vers Hellebore avec un petit air admiratif. Il ne croyait pas avoir entendu le son de sa voix aussi clairement depuis qu'il la connaissait. Il avait l'intention de convaincre Désoba de leur donner les informations sur Anadéa au plus vite mais il n'eut pas besoin. Peut être était ce son air a la fois déterminé et préoccupé, plus que ses arguments. En tout cas la vieille femme abonda dans son sens et nous proposa de l'accompagner. J'opinai du chef en regardant Hellebore n'ayant rien d'autre à ajouter et m'effaçai quelque peu en écartant un bras.

-Après vous.

Je lui emboitai le pas, amusé par cette succession d’événements plutôt cocasses.

[Iris]

Hellébore regardait tout autour avec une certaine perplexité, y compris le Capitaine, et s'avança sans un mot. Tout était étrange... mais comme Hellébore trouvait tout étrange, même le banal, l'extravagant devenait normalement bizarre à ses yeux. Elle suivait donc leur guide Déséba l'Ancienne.

[Madennig]

Le chemin du retour fut aussi attrayant qu'à l'aller, peut être même plus. L'idée de sortir d'un lieu aussi étrange ravissait la sorcière intérieurement, qui s'était quand même sentie pas vraiment à sa place.
La lumière du jour fut accueillie avec un sourire bref...

"Retournons au parc avec Fjola ?" proposa-t-elle à la mère et l'enfant. "Hagen doit nous chercher..."

Comme si il ne s'était rien passé, en somme.

[Casaïr]

Je m'étais retournée pour voir que la plus timide des trois avait réussi un petit exploit en convainquant Déséba de lui parler davantage. Cette histoire était incompréhensible mais il y avait peut-être un point sur lequel je pouvais agir. Une fois au dehors je trouvais Vérama visiblement soulagée d'avoir quitté le temple, ce qui était compréhensible, ce n'était pas vraiment un endroit pour les siens.

"On va retrouver ce gros lourdaud, acquiesçais-je, mais on ne reste pas au parc, on va à la mission de Sarvola. Je t'en ai déjà parlé, c'est sans doute l'homme le plus gentil de cette ville, il aide les plus démunis et notamment les gobelins qu'il s'est juré d'éduquer. S'il y a bien une personne ici qui ne te traitera pas comme une étrangère -à part moi mais c'est normal, je suis ta sœur-, c'est bien lui. Et il m'a aidé quand je suis arrivée ici, alors si je peux lui rendre un peu de ce qu'il m'a donné, je le ferais volontiers."

[NailsEater]

Tandis qu’ils descendent dans le temple, en direction de la porte massive, Déséba chuchote à Caseo et Hellebore :

Dans une ville telle que Fort Chardon, les ténèbres ne sont jamais loin. Ses représentants prennent garde à ne pas se faire remarquer, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise chose — ils ne se rendent volontairement coupables d’atrocités qu’en de rares occasions, mais sont difficiles à repérer et à éliminer. L’existence d’humains qui s’allient aux puissances de la Nuit Éternelle est inévitable et peut-être est elle aussi nécessaire, car elle montre aux autres Ambriens ce qui arrive lorsque les lois de Prios ne sont plus respectées. L’Église ne peut tout simplement pas avoir pour ambition d’éliminer tout comportement hérétique.

Néanmoins, il lui faut tendre à guider les sceptiques vers la voie de la Lumière et aider ceux qui s’en sont éloignés. Bien entendu, les prêtres s’appliquent aussi à
purger avec hâte tous les éléments hérétiques qui prennent assez d’ampleur pour constituer une menace envers les pieux. Dans cette optique, les Chevaliers du Soleil mourant ont un rôle important à jouer, ainsi que la branche de l’ordre des Frères du Crépuscule appelée le Fouet de Prios et dont la mission principale consiste à identifier et à mettre la main sur tout individu coupable de sacrilèges.

Dans les catacombes situées sous le temple et vers lesquelles ils se dirigent se trouvent des prisonniers à différents stades de Corruption. Certains ne peuvent plus être sauvés et seront transportés jusqu’au monastère des Titans, mais la plupart d’entre eux sont des victimes involontaires que le père Elféno et ses prêtres tentent d’aider. L'Ancienne ajoute alors :

La personne à qui nous allons rendre visite se trouve au sommet des trois niveaux des catacombes. Les niveaux inférieurs abritent des personnes souffrant de symptômes avancés de stigmatisation, mais n’ayez aucune inquiétude, ils sont emprisonnés derrière des barreaux sanctifiés par Prios, et les niveaux sont séparés par de lourdes portes d’acier. Le risque qu’un prisonnier du dessous parvienne à sortir est… minime...

Celui que vous vous apprétez à rencontrer se nomme Oraï et était quasiment mort lorsqu’il a été capturé non loin du village gobelin de Karabbadokk, le jour qui précéda l’apparition de la faille. Il ne leur a pas encore fourni d’informations utiles, mais peut-être sait-il quelque chose au sujet de cette situation — il est évident qu’il a été soumis à une puissante Corruption.

Derrière la porte, au rez-de-chaussée, un escalier en colimaçon descend vers l’obscurité. Déséba allume deux lanternes et en garde une pour elle. À environ cinq
mètres sous terre, l’escalier s’achève là où s’ouvre un tunnel voûté au sol pavé. Après une dizaine de mètres, le tunnel donne sur un corridor peu éclairé. Des ricanements hystériques s’échappent de l’une des cellules, une mélodie dissonante provient d’une deuxième, et de la troisième, un bruit ressemblant à quelqu’un qui se déplace vêtu d’une armure de plates complète peut être perçu. Mais Déséba se dirige tout droit vers la porte située directement à gauche et lève sa lanterne.

Un homme d’âge moyen est assis en tailleur sur le sol de la cellule, il plisse les yeux en direction de la lumière et siffle à travers ses mâchoires serrées. Il porte
une chemise blanche couverte de taches jaunes —sans doute le pus qui suinte de ses blessures. Déséba salue le prisonnier : « Bonsoir, maître Oraï, comment vous
sentez-vous aujourd’hui ? »

Oraï se jette alors brusquement vers les barreaux, essayant furieusement d’atteindre la Théurge : « Je vais bien, maintenant, une santé de fer, laissez-moi
sortir ! ». Déséba ne lui répondant pas, il se met à hurler, en crachant : « Laisse-moi sortir ou je t’arrache le coeur, vieille bique ! »

Déséba se retourne vers ses invités, leur fait signe de se reculer et déclare qu’il va sans doute falloir attendre un peu qu’Oraï s’épuise tout seul. Quelques minutes plus tard, l'homme semble calmé et retourne s'asseoir dans un coin de sa cellule.

[NailsEater]

Ledros était sorti en premier, suivit de près par Heidi et Vérama qui le retrouvèrent à l'entrée. Le soleil était haut dans le ciel et tous se regardaient ne sachant pas trop par où commencer. Heidi semblait vouloir partir à la mission directement. Qu'en était-il pour les autres ? Alors que l'un d'entre eux allait prendre la parole, ils attendirent la voix de Fjola :

"Hagen !"

[Casaïr]

Il ne fallut pas longtemps pour retrouver Hagen, à mon grand soulagement. Fjola se jetait déjà sur notre garde du corps qui ramassa la fillette avec facilité pour la hisser sur son épaule. Truc... heu, flûte, comment s'appelait-il déjà, un nom avec un oiseau... La Corneille ? Non c'était plus petit. Le Moineau peut-être ? Ça sonnait bien plus mélodieux à mes oreilles...

"Hé, l'oiseau chanteur ! fis-je en désespoir de cause, tu comptes faire quoi ? Moi je voulais aller voir Sarvola et..."

Le Merle ! Ça y était ! Et je ne m'étais pas présentée. Pour ne pas passer pour une rustre, je saisis les pans de ma robe pour une courte révérence.

"Je m'appelle Adelheïd, et voici ma sœur d'adoption Vérama. Tout au dessus c'est Fjola ma fille et celui qui la porte c'est Hagen, notre protecteur. Et toi tu es... Lemerle, c'est ça ? Ça y est, je me rappelle !"

J'étais contente d'avoir su me rappeler d'au moins quelque chose pendant ces entretiens qui m'avaient totalement perdue devant le déferlement d'informations.

"Bref, tu peux me faire un résumé compréhensible de ce qui s'est passé exactement ?"

Maintenant que j'en tenais un du groupe, hors de question de le lâcher avant d'avoir des réponses !

[Iris]

Dans les geôles -- Hellébore, Caseo, Deleba et Oraï

L'ambiance souterraine était oppressante et dérangeante. Hellébore marchait silencieusement, les sens aux aguets, assez préoccupée. La découverte de la folie d'Oraï la choqua, mais il lui fallait se reprendre. Elle prit une inspiration et se risqua à attirer l'attention du dément :

" Bonjour, je suis Hellébore, de l'Ordo Magika, et je viens à vous pour trouver des réponses à un problème grave."

L'homme était fou et agressif, mais cela n'impliquait pas qu'il fallût lui manquer de respect.

" Maître Oraï, savez-vous pourquoi et comment vous vous êtes retrouvés presque mort non loin du village gobelin de Karabbadokk ? "

[Edzart]

Ledros regarda la jeune femme de pieds en cape avant de hocher la tête. Il laissa de côté la colère qu'avait fait naître en lui la vieille folle de Prios et confirma à ses interlocutrices :
"Ledros Lemerle, oui. Enchanté, Adelheïd, Verema."
Il leur fit signe de le suivre et s'éloigna du temple suffisamment pour se trouver à nouveau à l'aise.
"Bon, pour être tout à fait honnête, je ne suis pas certain de pouvoir vous éclairer efficacement... Pour faire simple, vous savez évidemment ce qui est arrivé en ville, avec l'effondrement d'une partie de la place et de l'attaque de ces abominations venues du ventre de la terre. Apparemment, tout le monde est perdu et quelque peu paniqué devant ces éléments. Nous avions étés engagés par une jeune femme qui voulait nous faire enquêter sur ce qui se passait en ville. Malheureusement, elle est morte dans cet événement. Là, on essaie de remonter la piste et de retrouver ce qu'elle a découvert pour aller plus loin. Malheureusement, de vieilles biques nous mettent des bâtons dans les roues. Elle n'était pas la seule à savoir que quelque chose allait arriver en revanche. Maintenant que j'y pense des sorcières se sont pointées aux portes de la ville en parlant d'un puits qui parle... C'était peut-être ce gouffre dont elles parlaient."
Ledros observa Vérama un instant et plissa les yeux légèrement.
" Vous... Savez quelque chose là-dessus vous ?"
Il haussa les épaules et leurs annonça ensuite, en mettant son chapeau sur la tête :
"De mon côté, je vais essayer de trouver ce que je peux sur qui pourrait harceler Sarvola, même si ils doivent être nombreux... Je vais aller rencontrer quelques contacts. Mais vous, qu'est-ce que vous faites là exactement ?"