Symbaroum - Introduction

MJ NaislEater

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NailsEater
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Re: Symbaroum - Introduction

Message : # 58055Message NailsEater
04 avr. 2017, 09:16

Le temps défilait lentement. Le soleil, pleinement levé à présent, éclairait la scène timidement.

Du coin de l'œil, Edogaï vit un des gardes faire des signes et la porte s'ouvrit doucement. La foule commença à se masser pour entrer. La cohue obligea le petit groupe à se serrer, avançant comme tout le monde. Petit à petit, la rumeur monta : l'entrée serait payante. De là où ils se trouvaient, ils pouvaient d'ores et déjà voir de petits groupes de personnes quitter la file, maugréant. Par un réflexe habituel, chacun se rapprochait de ses affaires, la peur de la rapine à quelques minutes de l'entrée dans la ville se faisait grande. Cependant, au grand bonheur de tous, les gardes semblaient être compétents. Si ceux du haut des palissades semblaient s'amuser de la situation, ceux d'en bas affichaient un sérieux à toute épreuve. Et la file d'attente avançait plus vite qu'ils n'auraient plus le croire.

Une fois devant les portes, le petit groupe tomba face à un barrage complet de gardes qui vérifiaient chaque personne qui entrait en ville. Cette pratique, peu courante, intriguaient les gens qui discutaient bon train de cette étrange façon de procéder.

"C'est 1 shilling par patte pour entrer. Faites moi voir vos affaires et vous pouvez passer."

Le garde avait parlé d'un ton ferme mais pas agressif. Le regard blasé, il n'était pas difficile de comprendre qu'il allait rester là, à répéter cette phrase toute la journée, suivant les ordres.

Non loin sur leur droite, un groupe de jeunes hommes faisait du grabuge, cherchant à passer sans payer, faisant un scandale afin de passer en force. Sur leur gauche, un ogre semblait perdu regardant dans ses mains, un mélange d'objets : argents, confiseries, feuilles. Il regardait sans trop savoir quoi donner au garde qui le regardait suspicieusement. La population autour d'eux était des plus hétéroclite. Hommes, femmes, gobelins, vieux, jeunes, ogres, chacun avait ses raisons pour se retrouver ici, cherchant à entrer dans la cité.

Derrière les soldats s'étendait la ville. Fort Chardon. Pour les ambriens, elle n'avait pas la splendeur d'Yndaros ni sa taille. Mais pour toute personne peu habituée aux villes, son immensité paraissait sans fin. Mais avant d'entrer, il fallait s'acquitter de la taxe. Le garde qui s'occupait d'Anesha regarda rapidement la jeune femme avant de s’arrêter sur Cendres. L'air dubitatif, il jeta un œil à sa liste puis à la jeune femme puis à Cendres avant de ...

"CAPITAINE ? Je ne sais pas dans quelle case ça rentre ! Ca a des pattes mais ...
- Combien ?
- euh quatres.
- Alors ça fait 4 shilling ! Laisse moi tranquille j'ai d'autre chose à faire !"

Le garde tendit la main vers la jeune femme, toujours perplexe.

"ça fait 6 shilling m'dame. Pour vous et votre ... chat. Géant."

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Casaïr
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Mouahaha, trop facile !

Message : # 58057Message Casaïr
04 avr. 2017, 10:27

"Tu as toujours aimé ces bestioles, hein ?" me dit Edogaï en jetant un regard fatigué à Cendres, faisant référence à mon amour pour les chats.

Je ne répondis rien si ce n'est en haussant les épaules. À quoi bon nier l'évidence après tout ? J'avais toujours vécu entourée de ces bestioles, errantes ou pas. J'avais juste... jeté mon dévolu sur un modèle plus grand. Et plus agressif. Je l'entendis parler de quelqu'un qu'il souhaitait rencontrer, un certain "Vernam". Je haussais un sourcil interrogateur dans sa direction mais ne le questionnais pas plus, j'avais appris avec le temps qu'il était inutile de presser l'alchimiste de question. Cela ne faisait que l'agacer d'avantage, et il était déjà de mauvaise humeur dès le matin. Inutile d'ajouter de l'huile sur le feu.

"Non, Thar... J'en suis désolé. Mais je n'ai pas plus de nouvelles que toi. Son nom ne m'a été murmuré par aucun des souffles des villes que j'ai traversé. Mais par les esprits, j'espère que nous la retrouverons. Vraiment."

Ces deux-là semblaient se connaitre de longue date, mais ce n'était finalement pas tellement étonnant : après tout, grâce à sa barge, Edogaï avait une mobilité lui permettant d'aller où bon lui semble. Il avait donc forcément beaucoup plus voyagé que moi, et bien plus loin. Sans compter qu'il avait l'âge de mon père. J'étouffais mon rire à cette pensée quand enfin les portes de la ville s'ouvrirent pour laisser passer les gens... après en avoir payer le droit d'entrée. J'avançais, circonspecte, me demandant vaguement à combien s'élèverait la dîme perçue par les gardes quand l'un d'eux se tourna vers moi, visiblement embêté par Cendres. L'homme, un rien balourd, semblait n'avoir jamais vu de félispectre de sa vie. Un foutu citadin, pensais-je immédiatement avant de réaliser l'étrangeté de ma réflexion. Visiblement, les mois passés avec les Griffes m'avait plus changée que je ne l'aurai imaginé. Finalement, sur conseil d'un autre, il se décida pour un prix.

"ça fait 6 shilling m'dame. Pour vous et votre ... chat. Géant."

"Mademoiselle", rectifiais-je en papillonnant du regard.

Je m'apprêtais à m'acquitter de la taxe en souriant, contente de voir que la présence de Cendres ne comptait que pour le paiement du droit de passage, quand Edogaï s'avança pour tirer de sa bourse assez de pièces pour pour nous tous. Je lâchais un "bonne journée !" au garde, franchis les portes de la ville en affichant un petit air conquérant à destination de notre ami barbare, signifiant "je te l'avais bien dit", puis jetais un œil alentour. Kaspian m'avait un peu expliqué à quoi ressemblait Fort-Chardon, et je dois bien avouer que sa description était... trop gentille. Était-ce parce que j'avais grandi à la capitale ? Toujours est-il que cette ville était somme toute commune, et, pour tout dire, sale. Enfin, avais-je le droit de me plaindre après avoir passer presque un an dans une ferme transformée en baraquement de guilde à deux pas de Davokar ?

En soupirant, je demandais à quelqu'un où trouver une auberge avant d'en prendre le chemin, cherchant à retenir la disposition des ruelles pour ne pas m'y perdre à l'avenir tout en me disant que ce ne serait guère compliqué ; Yndaros était bien plus grande, après tout.

"Vous comptez faire quoi ici ?
demandais-je à mes compagnons. J'ai l'impression que nous cherchons tous quelqu'un ainsi que des... personnes pouvant nous conduire à des indices."

Je coulais un regard vers Thar que je ne connaissais pas, m'assurant qu'il ne prendrait pas mal ma question, songeant qu'il serait de bon ton que je m'explique avant qu'il ne prenne éventuellement la mouche.

"J'ai cru comprendre que tu avais perdu ta sœur. Moi, c'est mon frère jumeau. Il a disparu depuis un an maintenant, c'est pour ça que je me suis entraînée aussi durement,
lâchais-je à destination du grincheux qui faisait déjà la tête. Enfin, nous pourrons toujours en parler après avoir mangé un morceau, j'imagine."
Il est toujours utile d'affronter un ennemi prêt à mourir pour son pays. Vous avez en définitive, lui comme vous, le même objectif en tête.

- Terry Pratchett, Va-t-en-guerre.

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Edzart
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Re: Symbaroum - Introduction

Message : # 58085Message Edzart
05 avr. 2017, 20:03

S'approchant de la porte en fusillant d'un regard noir les gardes qui traînassaient dans leur routine redondante et ridicule, Edogaï sorti sa bourse en comprenant qu'on allait les faire payer pour entrer. Si ce n'était malheureux de réduire ces hommes et leurs compétences en simple porte de prison, outil inutile d'un passage rendu compliqué par une organisation déplorable. Edogaï pesta en entendant le prix de deux shillings par pattes. Rapidement, il jeta un oeil à qui l'accompagnait et compta dans sa bourse qu'il avait alourdie avant de quitter la barge, le prix pour lui et ses compagnons.

"CAPITAINE", entendit-il hurler.
"Quoi...?", maugréa-t-il en retour, avant de se rendre compte que ce n'était pas à lui qu'on s'adressait.

Ses yeux s’écarquillèrent en réalisant qu'il réagissait encore à cette appellation. Sa bouche se tordit quand il se souvint ce que ce titre portait de signification.
Payant le garde pour lui, les deux autres et leurs bestioles, Edogaï ne fit pas une remarque de plus et laissa les deux jeunes gens discuter de leurs disparus respectifs, pensant à la sienne, toujours aussi loin.
Ledros
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Etmer_Fachronies
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Symbaroum - L'entrée dans Fort-Chardon

Message : # 58197Message Etmer_Fachronies
13 avr. 2017, 10:37

- Non, Thar... J'en suis désolé, souffla l’alchimiste. Mais je n'ai pas plus de nouvelles que toi. Son nom ne m'a été murmuré par aucun des souffles des villes que j'ai traversé. Mais par les esprits, j'espère que nous la retrouverons. Vraiment.

L’homme des forêts du Nord acquiesça lentement, la tête sombre. Un espoir qui s’envolait, encore. Il laissa ses yeux dériver sur la file des pauvres hères attroupés comme une colonne de fourmis, puis les laissa pour s’intéresser aux cimes gelées des arbres. Il était habitué aux déceptions. Toute sa quête, depuis son départ de son clan à la poursuite de sa plus jeune sœur, n’avait été couronnée que de ronces. Les murmures des villes n’avaient suffi à lui offrir une piste, ou même une simple direction. Au cours de ces dernières années, il s’était mêlé aux envahisseurs du Sud, usant de sa connaissance du fer pour gagner son pain. Il travaillait, écoutait, questionnait, puis partait. Les bouges infâmes, les cercles de soldats, les forums des artisans, les tavernes et les troquets, il avait usé ses bottes en de nombreuses places. Mais jamais, il n’avait su ce qui s’était tramé il y a bien des lunes, lors de ce jour maudit où il avait recueilli les derniers mots de l’escorte ravagée. C’était désespérer. Qui savait ce qu’il était devenu de la jeune femme, après tant de temps écoulé ? Elle était peut-être morte, peut-être esclave, peut-être perdue. Ou pire encore, rumina-t-il en observant les ombres de la canopée. Qu’importe. Il trouverait son cadavre, ou ce qu’il restait d’elle, car il l’avait juré. Et rien, non, rien n’entraverait l’accomplissement de ce qu’il s’était promis.

Le temps s’écoula, placide. Le petit groupe de trois, quatre en comptant le gros félin de compagnie d’Anesha, attendait l’ouverture des portes. Le soleil brillant finit par se lever haut dans les cieux clairs, venant lécher les vêtements et réchauffer les corps de la file attroupée. Soudain, un mouvement. Les portes venaient enfin de s’ouvrir.

Suivant le mouvement des autres aux côtés de sa mule, Thar s’avança devant les gardes, qui fouillaient méthodiquement tous les entrants. Une coutume peu courante, même au sein de cet étrange peuple qu’étaient les Ambriens. L’homme des peuples dévisagea d’un œil noir l’impudent qui se mit à fouiller dans ses affaires de forge. Le soldat, assez jeune, semblait surprit du matériel utilisé, mais n’y vit rien de suspect. Il s’abstint également de voler quelque chose en douce. Une chance pour lui, car Thar veillait au grain.

Devant, un autre factionnaire annonçait les tarifs.

- C'est 1 shilling par patte pour entrer. Faites moi voir vos affaires et vous pouvez passer.

- Par les crocs d’Uron, gronda Thar, c’est une escroquerie ! Depuis quand devons-nous débourser d’avantage pour une bête de somme, quand celle-ci nous coûtera déjà d’avantage une fois la ville atteinte ?

Pour l’homme des clans, c’était une pratique qui ne cadrait en rien avec sa logique. Ceux qui s’en venait chargés était ceux qui amenaient de la richesse avec eux, pour le commerce, le troc et l’embauche d’assistants dans les bourgs. Chez lui, leur venue était attendue et célébrées. Pourquoi, par l’enfer, les faire payer d’avantage, au risque de les voir décamper ? C’était là folie. Une fois encore, les envahisseurs semblaient aller au rebours du bon sens.

Mais avant qu’il ne puisse discuter plus avant avec ces escrocs de gardes retors, Edogaï s’avança et paya sans lui laisser matière à négocier. Thar fronça les sourcils, courroucé de se voir ainsi pris en pitié.

- Je n’imaginais guère avoir l’air d’un tel va-nu-pieds qu’il t’en faille me payer mon écot, ami Edogaï ! T’ais-je donc l’air si misérable, que tu doives t’endetter à mon encontre ?

Pour les hommes des clans, savoir subvenir à ses besoins était primordial, et l’honneur de chaque famille s’y conditionnait. Il était impensable de devenir un poids pour le clan, ou de devoir mendier faveur. Puis Thar se souvint des us et pratiques des gens du Sud, qui voyait parfois la générosité comme moyen de reconnaissance mutuelle. Il se radouci, et maugréa :

- Merci, pour ce prêté. Cela sera rendu comme il se doit, et ainsi que j’en ai l’habitude. Aurais-tu besoin de pièces en fer, à ce propos ?

Echangeant paisiblement, le groupe entra dans la ville neuve, émergée de terre quelques années plus tôt. L’endroit était vaste, mais pas plus que certaines cités visitées par Thar. L’homme de la Forêt huma l’air de la ville, un mélange de sueurs, de remugles des bêtes parquées, de cuisine salée et de fumée de bois sec. Partout, des cohortes de bruits insolites s’en allaient affronter les voix et les cris des badauds. Une foule hétéroclite se croisait dans les rues, où des soldats se mêlaient aux ouvriers, commerçants, réfugiés, trappeurs et aventuriers bigarrés qui s’en allaient affronter les ténèbres de Davokar. Des ogres, des humains, des gobelins, le caléidoscope de races était large. Oui, c’était bien là une ville ambrienne, qui se caractérisait par une agitation omniprésente. L’endroit était vivant, et respirait l’enthousiasme opiniâtre des nouveaux venus.

Thar sourit. Peut-être, oui, peut-être obtiendrait-il de nouvelles informations en un tel lieu.

Alors qu’ils s’avançaient dans l’allée principale, Anesha prit la parole :

- Vous comptez faire quoi ici, questionna-t-elle ? J'ai l'impression que nous cherchons tous quelqu'un ainsi que des... personnes pouvant nous conduire à des indices.

Elle se tourna alors vers Thar, un air à la fois soucieux et interrogateur sur le visage.

- J'ai cru comprendre que tu avais perdu ta sœur. Moi, c'est mon frère jumeau. Il a disparu depuis un an maintenant, c'est pour ça que je me suis entraînée aussi durement.. Enfin, nous pourrons toujours en parler après avoir mangé un morceau, j'imagine.

Thar considéra la jeune fille d’un œil neuf. Chacun ici avait son fardeau, t la route n’épargnait personne. C’était une histoire, comme parmi tant d’autres. Mais un histoire qu’il comprenait bien, car elle faisait écho à la sienne. Et jamais ne passait un jour sans qu’il ne s’en rappelle. La gorge nouée par ses souvenirs, il lui répondit d’une voix encore plus rauque qu’à l’accoutumée :

- Un frère… j’imagine ta détresse, jeune fille. J’ai eu un frère, moi aussi… dans une autre vie.

Il serra les mâchoires, ravalant les images du massacres des Jézora qui s’en venaient danser dans ses orbites.

- Tu es une amie d’Edogaï, alors tu es une amie. Je te ferai donc confiance, gronda-t-il en appuyant son annonce d’un coup d’œil pénétrant. Sache que je cherche ma jeune sœur, disparue il y a bien des lunes. Son convoi a été attaqué alors qu’elle s’en allait à son mariage, et elle a été enlevée. J’ai traqué la piste de ses ravisseurs depuis lors, mais, Oroké les dévore, je n’ai rien trouvé.

Thar se retint de frapper la terre de son pied. Cela ne se faisait pas chez ceux du sud, avait-il déjà remarqué.

- Cela fait bien trop d’années que je cours les routes, conclu-t-il d’un ton morne. Mais c’est ainsi. Et je ne m’arrêterai pas, car je l’ai juré. Et sache, jeune fille, que je tiens toujours mes engagements. Quels qu’ils soient.
La Tour vous accueille, voyageur. Bienvenue en mon blog des Fachronies.

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Casaïr
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Re: Symbaroum - Introduction

Message : # 58200Message Casaïr
13 avr. 2017, 13:12

"Jeune fille". À chaque fois, j'avais l'impression d'entendre "gamine" à la place. Je gonflais les joues d'agacement avant de laisser filer l'air accumulé, me radoucissant. Ainsi, il cherchait sa sœur depuis au moins aussi longtemps que moi, si ce n'est plus. Toutefois, plus que de la sympathie à son égard, c'est la peur qui me submergea : et si j'errais, comme lui, pendant des mois, des années, sans rien trouver que des espoirs déçus, des indices rendus inutiles par le passage du temps, des théories maintes fois ressassées sur ce qu'il lui était advenu. Et, au terme de ce voyage, des questions sans réponses.

J'aurai du rester avec toi, tout aurait été tellement plus simple, envoyais-je en pensée. Et toi, que fais-tu de tes journées ?

C'était idiot et un peu puéril, mais cela me rassurait, je me sentais... moins seule. Malgré la présence d'Edogaï et de Thar, le froid de la solitude m'envahissait, traître et perfide, me chuchotant d'abandonner mon frère à son sort pour m'épargner bien des tourments inutiles, de faire comme mes parents au fond. De retourner auprès d'eux, et de reprendre une vie "normale". Ce qui était bien entendu impossible. Je me secouais mentalement, tentant de reprendre le contrôle de mon corps et de mes émotions, Cendres m'y aidant en me donnant un coup de tête dans les côtes, me ramenant à la réalité actuelle : J'étais à Fort-Chardon, et je cherchais des réponses.

À travers la foule bigarrée et bruyante, j'essayais de me diriger, me servant de la porte que nous avions passé comme point de repère. Après avoir glané quelques informations, j'appris la disposition des auberges. La plus proche n'était guère loin, mais les suivantes nous obligeraient à traverser la ville entière si d'aventure nous ne trouvions pas satisfaction dans la première... ou que Cendres fasse peur aux propriétaires. M'écartant un peu de la horde de badauds, je sortis de mon sac une mince tranche de viande que je tendis au félispectre qui l'engloutit sans manière, comme à son accoutumée. Par moment, j'avais l'impression d'un prince accompagné de sa fidèle servante tant son comportement était hautain. Je décidais d'ignorer son manque flagrant de gratitude pour interpeller un passant, demandant plus de renseignements.

"La Taverne du Triomphe d’Afadir ! Si z'avez pas très faim et rien à faire d'vot'argent, c'là bas qu'il faut aller. A quinz' shilling les navets, z'irez pas loin."

La... réponse de l'individu faillit me faire avaler ma langue de surprise. Quinze shillings ?! Pour des navets ?!

"Mais c'est du vol !" m'exclamais-je, ne gagnant pour tout assentiment qu'un vague haussement d'épaules.

"Sinon ya l'abattoir qué pas mal, pour pas cher. Et vot'copain là, il serait surement mieux à l'odovakar"

Je réalisais qu'il parlait de Thar, mais demandais toutefois la confirmation : "C'est là que se retrouvent les barbares, je suppose ?"

"Da p'tite dame", dit-il avant de se mettre aux messes basses : "Après si vous cherchez quelqu'un d'plus ... *hmmphr* civilisé. Faites signe"

Juste. Avant. De cracher par terre. Je dissimulais un air dégouté pour lui sourire aussi vaillamment que je le pouvais, songeant : Cendres est avec moi, ce type ne ferait pas un pas sans se faire déchiqueter... avant de me rappeler que moi aussi je savais me défendre contre ce genre d'énergumène, tout juste assez goujat pour me traiter à peine mieux qu'une vulgaire paire de cuisse croisée au détour d'une rue. Lui répondant non de la tête, l'homme prit un air indifférent.

"C'vous qui voyez ma jolie."

Et de filer sans attendre quoi que ce soit d'autre de ma part, me permettant de souffler bruyamment. Un regard vers mon compagnon à quatre pattes, qui avait observé toute la scène d'un air placide.

"Tu aurais pu dire quelque chose ! m'emportais-je sur lui. Parfois, je me demande si tu es vraiment là pour m'aider, ou juste pour profiter de nourriture gratuite !"

Nouveau regard de Cendres, signifiant "je fais ce que je veux", me faisant jeter l'éponge. Comme à chaque fois. Je retournais vers les autres, engueulant le félidé comme s'il s'était agi d'un gamin de cinq ans tout en ignorant le regard étrange des gens, observant une jeune fille s'en prenant à un monstre pratiquement aussi grand qu'elle et qui semblait ne même pas vouloir réagir. Finalement, je rapportais à mes amis ce que j'avais appris.

"On a pas trop l'embarras du choix j'ai l'impression,
ajoutais-je, dubitative. Edogaï, tu en penses quoi ?"

À peine avais-je fini qu'il s'élança vers l'homme qui tentait déjà de séduire une autre fille, chargée d'un plein panier de panais et que je plaignais intérieurement, l'attrapa par le col avant de l'invectiver à sa façon, toujours très "diplomate".

"Dites donc, vous, c'est pas comme si on venait de faire des kilomètres pour trépigner dans la boue et la connerie devant les portes crasseuses de ce village crasseux aux habitants..." Regardant leur interlocuteur de bas en haut, Edogaï maugréa : "Crasseux... Quelle est la taverne la plus propre, si ce mot se trouve dans votre vocabulaire anémique."

Je rejoignis le vieux ronchon, contente malgré moi de voir l'autre se faire secouer comme un vulgaire prunier, nettement moins quand le goujat se tourna vers moi.

"oula l'est pas commode vot'aut'copain. Mon bon m'sieur : la taverne du triomphe c'la plus propre"

"Et pour la trouver, je suis sensé utiliser quoi, un pendule ? Allez. Passez devant, montrez nous le chemin." D'un geste, il intima au vieil homme d'avancer qui, étonnamment, ne s'en laissa pas compter.

"Ohhla machin. J'ai d'aut'choses à faire moi. Il y a des gens qui travaillent ici ! V's allez tout droit puis vous prenez face à vous quand v's êtes devant La Mission."

Puis de repartir en grommelant sur les gens manquant de savoir vivre. Mon arc me démangeait, Cendres se mit immédiatement en garde à ma réaction.

"C'est maintenant que tu te décides à agir, dis-je au félispectre. C'est bien mais un peu tard. Bah, viens, on trouvera de quoi te nourrir bien assez tôt. Ce vieux croûton n'est sûrement même pas assez nourrissant pour toi."

Un grondement que j'imaginais approbateur s'échappa de la gorge de mon ami félin, alors que je demandais à l'alchimiste acariâtre, dont l'humeur s'était sensiblement dégradée depuis qu'on avait passé les portes, la marche à suivre désormais.

"Je te préviens, j'ai pas les moyens ni l'envie de manger une assiette de navets qui coûte le prix de deux paniers remplis à ras bord. Donc, on va où ?"
Il est toujours utile d'affronter un ennemi prêt à mourir pour son pays. Vous avez en définitive, lui comme vous, le même objectif en tête.

- Terry Pratchett, Va-t-en-guerre.

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