Fortuna Imperatrix Mundi

La dame s'éloigna d'Anesha, laissant les deux enfants se rassurer l'un l'autre. Prenant alors à parti le marin, elle lui annonça que tout allait bien avec un regard attendrit vers les petits. La jeune fille, Méryl, leur apporta à tout les deux de quoi se sécher et se couvrir et leur proposa une boisson chaude.

Anesha adressa un pâle sourire à son frère, épuisée par tant d'émotions. Si la douleur était passée, le souvenir qu'elle lui laissait était toujours présent et la jeune fille tremblait à l'idée qu'elle puisse revenir.

Toujours sans parler, intimidée qu'elle était de se trouver ainsi chez des inconnus, elle les remercia d'un mouvement de tête pour la serviette et la boisson chaude. L'esprit encore embrumé, elle imaginait qu'elle ne devait pas être belle à voir. Sans trop savoir pourquoi, sans doute pour s'occuper les mains une fois la serviette posée sur ses genoux, elle entreprit de se faire une natte. L'exercice se révéla plus compliqué que prévu tant elle se sentait maladroite.

"Et toi, demanda-t-elle finalement à Arelyo, tu vas bien ? On est où ?"

"J'en sais rien... Rien du tout... Une dame qui soigne... Un marin t'y a emmenée." répondit-il tout bas en s'avançant juste à coté d'elle.

Il restait évasif. A vrai dire, il n'avait pas posé de question. Ce marin ou un autre, quelle importance ? Il avait sauvé sa soeur. Tout comme ces gens qui prenaient soin d'elle. Il n'avait montré aucune méfiance, d'autant plus maintenant qu'elle avait repris connaissance.
Si la curiosité le piquait, c'était sur d'autres sujets !

"Qu'est-ce qui t'est arrivé ? Pourquoi tu es tombée... C'est ton truc au bras qui te fait mal ? Bizarre ce truc, je l'avais jamais vu... Tu crois que tu pourras marcher pour rentrer, ou est-ce que tu veux que j'aille chercher papa et maman ?"

Anesha ne savait pas quoi répondre à son frère mais fit non de la tête : ce n'était pas au bras qu'elle avait eu mal.

"J''avais mal à la poitrine, j'arrivais plus à respirer et plus à bouger non plus."

Pouvait-elle marcher ? Elle décida qu'elle ne pourrait en être sûre qu'en essayant. Elle se leva doucement, chancela un instant, prise d'un léger vertige mais parvint à rester debout malgré tout. Elle jeta un œil à son bras. La plaque n'était pas belle à voir, il faudrait la faire examiner sans trop tarder.

"Si on fait doucement, je crois que je peux rentrer toute seule."

Anesha refusait d'admettre qu'elle n'aurait peut-être pas la force de retourner à la maison, elle qui avait toujours été trop téméraire pour son propre bien. Ce qui venait de se passer la dépassait certainement mais, quoi que ce fut, cela semblait s'être dissipé. La preuve, elle tenait debout sans effort maintenant. Enfin presque.

"On y va ?" Puis se tournant vers leurs hôtes du moment : "Merci pour votre aide."

Méryl leur adressa un regard chaleureux quand ses yeux s'arrétèrent sur le bras de la fillette. D'un coup d'un seul, son visage se fit horrifié. Elle se mit à pousser Arelyo vers la sortie en criant : SORTEZ DE CHEZ MOI ! SORTEZ !!!!!!! Les mettant à la porte et refermant tout après eux sous le regard surpris des enfants et du marin.

Ils se retrouvaient dehors. Devant une porte fermée, des volets baissés. Que venait-il de se passer ?

Anesha ne savait pas ce qui était le plus choquant : avoir frôlé la mort dans l'eau du fleuve ou se faire virer comme une malpropre par une dame qui pourtant l'avait gentiment accueillie. Elle posa une main tremblante sur son bras pour en cacher l'étrangeté aux passants -après tout, ils pouvaient avoir la même réaction terrifiée que leur hôtesse- et, les larmes aux yeux, poussa son jumeau d'un coup d'épaule. Il était plus que temps de rentrer à la maison.

Arelyo ne comprit pas non plus davantage la réaction violente de leurs hôtes. Après avoir vérifié que sa soeur avait bien recouvert son bras de sa manche, il mis son bras autour d'elle pour l'aider à marcher pour rentrer. Une boule d'angoisse l'empêcha de parler tout le long du chemin...

Une fois arrivés, il emmena directement sa soeur voir leur mère.

"M'man, on est rentré."

Mais sa voix était si triste que leur mère pouvait se douter qu'il y avait un problème.