
11 Sigmarzeit 2522 CI - Une semaine avant l'été
Eluthran fut convié dans la salle de palabre par Imhöl, le chef de l’enclave de Thanolanfel. Bien entendu, il avait entendu parler de l’arrivée du jeune elfe de la ville, petit-fils d’Imhöl de par sa mère, la fille adorée d’Imhöl qui s’était enfuie avec cet elfe des villes… Il était bien plus jeune à cet époque et il ne savait pas vraiment le fin mot de cette histoire, mais que pouvait-il y avoir de bon pour une elfe sylvain en dehors de ces forêts ?
Eluthran en connaissait chaque tronc, chaque ruisseau, il avait suivi la même voie que son père et gardait farouchement leur enclave des peaux-vertes descendants parfois des Montagnes Grises ou de quelques groupes d'hommes-bêtes errants encore ça et là et étant parvenus à passer le Reik (Menluithanin), mais de tous, c’était des hommes et des nains qu’il fallait la protéger … bon des nains, il n’y en avait guère qui osaient s’aventurer sous les frondaisons de Verdanost, la grande forêt du Reikwald. Mais pour les hommes, mutants, brigands ou aventuriers, pour Eluthran il n’y avait guère de différence.
Il se présenta donc devant Imhöl, qui se tenait debout à sa place habituelle, sous la grande arche de bois blanc aux lignes pures et admirablement sculptée, où était narré en runes eltharines l’histoire du clan. Il était toujours aussi charismatique et imposant, se tenant droit et fier, portant dans son dos les deux lames d’Ithilmar qui avaient protégées le clan depuis ses origines.
Eluthran découvrit non loin de lui sur le côté de la salle le jeune citadin. Ce dernier avait réussi à trouver seul Thanolanfel, ce qui venait au bénéfice du jeune elfe, et il avait convaincu par sa fougue et sa détermination le droit de rester vivre ici, chez lui, dans sa famille. L’enclave était à l’origine constituée des membres d’une même parentèle, ce qui faisait certainement d’Ulfang et d’Eluthran des cousins éloignés. Difficile à croire en les voyant là, côte à côte, présentés l’un à l’autre par Imhöl, l’un vêtu comme une véritable ombre de la forêt, futur rôdeur fantôme qu’il deviendra certainement, l’autre en tenue de voyage ‘civilisée’ (cousu à la façon bretonnienne ce qu’ignorait largement Eluthran), l’un trouvait l’accent de l’autre insupportable, hautain, abusivement articulé et insistant, l’autre trouva dans l’accent de ses hôtes un petit quelque chose de rural, un peu comme le patois de ses paysans qui venaient vendre leurs légumes sur le marché de l’Anguille, charmant et rustique (et parfois incompréhensible).
Imhöl demanda à Eluthran d’entamer la formation d’Ulfang pour en faire un gardien tribal, dorénavant, il lui apprendra les usages de leur clan, les moindres recoins de ces forêts, et lui inculquera les savoirs acquis par sa propre expérience.
Le pisteur était respectueux des décisions du chef de l’enclave et obéit, commençant par équiper Ulfang comme il convenait. Après quoi il l'emmena avec lui pour faire sa ronde. Eluthran était plutôt silencieux, était-ce sa nature, la gêne ou quelque animosité ou était-ce cela qu’il devait apprendre, Ulfang n'aurait su dire mais l’imita, observant chacun de ses gestes à défaut d’explications.
La journée fut longue et Ulfang comprit qu’il passerait la nuit dans la forêt vu la distance parcourue. Alors que les sous-bois était baigné des rayons orangés du crépuscule parvenant à percer la canopée, l’attitude d’Eluthran changea, Ulfang comprit pourquoi qu’un peu après, Eluthran avait trouvé une piste…
Eluthran se dit que ce serait un bon exercice, il allait voir le potentiel que possédait Ulfang. Lui savait que les traces qu’il voyait étaient celles d’un homme, dans les 70 kg, aux vêtements trempés et forçant la marche malgré un épuisement évident vu les traînées.
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Alors qu’il marchait sans savoir où, trempé jusqu’aux os, Lukas repensa à sa chute du haut du moulin et le lit du Reik qui lui avait sauvé la vie … la vie … ses amis, ceux grâce à qui il avait survécu après cette nuit désastreuse … eux était sûrement mort où ne tarderont pas à finir sur le bûcher … il était trop tard pour eux. Il devait survivre, il avait encore cette chance, alors il devait continuer, il finirait bien par trouver une route dans ces bois lugubres et inquiétants. Mais la nuit tombait … et la nuit est noire et pleine de terreur paraît-il hors des murs de la capitale ...