
Le soleil se levait à peine sur Averheim, en ce dernier jour du temps des récoltes. Demain, c’était la journée connue par les Impériaux comme étant Mitterherbst, et le début de Brauzeit, le mois des Brasseurs. En d’autres temps, celui qui quittait la ville dans la brume matinale appréciait cette période, mais les choses avaient fortement changés pour lui, et ceci était probablement le dernier mois des brasseurs qu’il pensait voir.
Plusieurs jours auparavant il avait tout quitté, ne gardant que pour lui les derniers mots de son suzerain, et sa honte. Les premiers jours avaient défilés ne laissant que peu d’empreintes dans sa mémoire, une route étroite entre les falaises abruptes de roches volcaniques des Montagnes Noires, les nombreuses saillies de roches noires libérant sur son passage des jets de vapeurs chaudes comme pour le chasser du col de la Passe du Feu Noir.
Au pied de la Passe, il avait atteint, Grenzstadt, la ville connue pour être l'emplacement supposé de la dernière nuit de Sigmar dans l’Empire avant qu'il ne disparaisse dans la Passe du Feu Noir, ce qui lui valait d’être assaillie par toutes sortes de pèlerins et de fanatiques. Des soldats vêtus des uniformes jaunes et noirs des troupes réglementaires de la province d’Averland montaient la garde sur les épais murs entourant la ville.
Personne n’avait prêté particulièrement attention à lui, ni les marchands, ni la garde, ni les les quelques groupes de flagellants errants dans les rues à proximité du temple de l’Eternel Guet, et il en avait fait de même, ne pensant qu’à une chose, partir loin. Trop de ses semblables vivaient là, c’est donc sans s’arrêter qu’il traversa la place, passant devant l’étrange bâtiment construit à partir de blocs de basalte noir. Protégé par des murs aussi épais que les murailles de la ville, à son sommet s'élevait une haute flèche d’où les prêtres sigmarites de l’Eternel Guet tiennent une surveillance constante de l'entrée de la Passe du Feu Noir, espérant être les premiers à contempler le retour de Sigmar le jour où il reviendra des Montagnes du Feu Noir où il disparut il y a plus de 2500 ans.
Il avait passé sans un regard en arrière la porte principale ornée de nombreuses inscriptions patriotiques vantant la défense que les braves soldats de Grenzstadt fournissent au reste de l’Empire en le défendant des menaces qui ne cessent de vouloir se déverser par la Passe. Au delà, l’Ancienne Voie l’avait éloigné rapidement des Montagnes Noires, le terrain était devenu moins vallonné et broussailleux pour gagner les plaines de l’Averland. L’Ancienne Voie était autrefois une large route de pierre permettant de relier le Royaume Nain aux comptoirs commerciaux des elfes – mais c’était il y a plusieurs millénaires de cela… Plus il s’enfonçait dans le comté, plus la voie était délabrée, seules quelques séries de pavés épars témoignant encore de son existence, une grande partie des pierres qui la composaient ayant depuis bien longtemps été réutilisées par les humains pour bâtir leurs propres constructions.
Le taciturne voyageur avait enchaîné les longues distances de marche et les haltes pour se reposer, à plusieurs reprises en pleine nature, se posant enfin dans un auberge en atteignant la petite bourgade d’Heideck, nommée l’Orque Décapité. Il y avait vidé plusieurs pintes de «bouillie d’orque» ce soir là, une bière forte et très épaisse que le personnel vantait comme étant « digne d'une boisson naine », même si elle souffrait en réalité difficilement la comparaison. Cela ne l’empêcha pas d’en faire baisser les réserves, peut être avec excès. Peut être était-ce le crâne d’orque vermoulu qui était fiché sur un pic au-dessus de l'entrée qui lui avait rappelé ses débuts de guerrier et ravivé par là le souvenir de ce qu’il avait perdu. Ou bien était-ce les imposants blocs de pierres habilement taillés sur lesquels étaient bâtis certains des bâtiments, en particulier, celles du grand sanctuaire dédié à Sigmar, où se distingue des traces érodées de runes naines datant d’avant la guerre de la Barbe, au travers desquels il voyait les piliers de Komar...
L’air automnal gagnant en fraîcheur et la distance à parcourir pour atteindre Averheim l’avait aidé à évacuer les vapeurs d’alcool et à se concentrer. Il avait présumé que la capitale de l’Averland recèlerait suffisamment de rumeurs pour tenter d’y trouver la piste d’une créature pouvant lui procurer le combat qu’il recherchait. A la pêche au commerage, il n’était pas le plus talentueux, mais il entendit dans une petite taverne du côté du marché aux bestiaux parler d’un monstre dévastant les troupeaux des braves bergers du Stirland. Il en entendit plusieurs descriptions, ce qui le poussa à croire à la véracité de cette créature qui avait fait son territoire de la partie la plus sauvage du Stirhügel. Certaines descriptions étaient farfelues, mais il semblait s’agir d’un loup géant, plus grand que ceux qu’il avait eu l’occasion de voir chevaucher certains gobelins dans les Terres Arides. Celui là était disait-on le dernier représentant de sa lignée, descendant des énormes prédateurs qui régnaient dans les temps anciens. Le garrot atteignant celui d’un cheval, un pelage noir comme la nuit, effrayant et meurtrier, doté de crocs baveux, d’immenses griffes et d’un féroce appétit, il est de plus décrit comme pourvu d’un esprit vile et rusé, certains le disent même capable de parler.
Ce n’était peut être pas ce qu’il avait recherché, mais cela valait la peine de tenter d’en apprendre plus, et c’est pourquoi il quittait ce matin là la ville de bonne heure, pour longer l’Aver durant une nouvelle journée de marche jusqu’à atteindre Franzen. De là, le jour suivant, au matin de Mitterherbst, il put atteindre le petit village de Russbach, où la Bête était bien connue...