[OdE] 13.8. Kalvernach - Chambre mieux rangée

[Cialf]

Uriell lui tourne le dos. Elle est assise dans l'herbe, sur son châle posé à terre. Elle semble toujours aussi mince mais un peu plus grande que nature. Son épaisse chevelure blonde commence à s'échapper d'un ruban dénoué. Elle a les yeux fixés sur la rivière qui scintille dans la lumière dorée de cette fin d'après-midi.

- Tu sais, je n'ai jamais su pourquoi mes parents m'ont appelée Seleane.

Le timbre de sa voix a aussi changé. C'est toujours le même verbe soigné d'étudiante de Kalvernach mais avec une touche plus colorée qui rappelle l'accent de Boischandelle. Uriell est-elle de cette région ? Il ne l'avait pas encore remarqué.

[Kenny]

Roan se tourne vers elle et demande : "Pourquoi te fais-tu appeler Uriell alors ?"

Il laisse Uriell répondre, mais n'attendant pas vraiment une réponse, il poursuivra par : "J'ai essayé de créer un environnement paisible, j'espère qu'il te plait. Si tu es prête, je vais essayer de ramener la chose ici, sous cet arbre là bas, dans la petite cabane à l'abri, mais je ne sais pas comment faire vraiment. As tu une idée ?"

[Cialf]

Sans le regarder, elle éclate de rire... Un rire sonore à l'opposé de sa réserve habituelle :

- Havi, tu es incroyable. Qu'as-tu encore imaginé ? Allons-y, nous déjeunerons là-bas. J'ai une faim de louve !

Elle se redresse et prend dans l'herbe le panier de provisions de dame Pinim qui est arrivé là on ne sait trop comment. La Seleane, la rivière de Kalvernach, coule paisiblement au pied des falaises.

Alors qu'elle ramasse le panier, Roan remarque qu'elle a un chiffon enroulé autour du poignet. Comme un pansement.

[Kenny]

Roan reste concentré, en tout cas il essaye, ce monde onirique n'est peut être pas ce qu'il parait être. Et c'est qui ce Havi ?

Il suit Uriell/Seleane jusqu'à la petite cabane sous l'arbre majestueux pour prendre le repas. Il met une portion pour la chose qu'il espère attirer dans la cabane, et profite du moment présent.

"Au fait, que t'es t-il arrivé au poignet ?"

[Cialf]

L'intérieur de la cabane, sous le feuillage épais du grand arbre, est plongé dans l'ombre. Par contraste avec la berge ensoleillée, on se croirait presque en pleine nuit. Le fond de la cabane forme un réduit complètement obscur. Dans l'entrée, des rondins sont là pour servir de bancs.

Uriell/Seleane regarde son poignet, perplexe, comme si elle cherchait à se rappeler.

- Ce pansement ? Je ne sais même plus. Un accident d'escrime, sans doute. Tu n'as pas faim ? Ensuite, tu me montreras ce qu'est ta chose.

Elle commence à piocher dans le panier et se met à dévorer à belles dents le pain de seigle, le poisson et le fromage compact qui s'y trouvent.

[Kenny]

Roan mange un bout lui aussi en fouillant dans le panier mais sans grande conviction.
Quand Uriel/Seleane a fini, il lui demande si elle est prête, et se dirige vers la cabane sombre en lui tenant la main.

"J'espère qu'elle est là, je l'ai invité, mais je ne sais pas vraiment m'y prendre. J'espère qu'elle a trouvé le lieu accueillant et assez intrigant pour y aller. "

[Cialf]

Uriell/Seleane continue de manger. Elle a englouti des portions qui suffiraient à un athlète.

- Ah ! J'avais une de ces faims. Ils ne la... ne me nourrissent jamais, ici ? Excuse-moi, ce n'est pas très distingué... Tu sais, je peux aussi passer des jours sans manger. Là, je crois que tu m'as fait venir pour invoquer un spectre. C'est ça ?

[Kenny]

Roan sourit : "Je ne sais pas ce que c'est. J'ai juste constaté que quelque chose venait perturber les rêves des gens pour les transformer en cauchemars. Dis moi ce que je peux faire pour t'aider."

[Cialf]

Uriell/Seleane sourit en retour :

- M'aider ? Ah, bien sur, les cauchemars de tes chers poètes continentaux... Ecoute-moi bien, Havi, et dis-moi si j'ai traduit juste.

Elle se dresse d'un coup. Elle est toujours aussi mince mais son corps a quelque chose de différent, tendu comme un arc vers un livre ouvert qu'elle tient dans sa main. Et son regard... Des yeux de braise qui n'ont plus rien à voir avec les fleurs pâles qu'il connaît. Et le poème qu'elle récite sonne étrangement aux oreilles de Roan :

• Ce fantôme léger, coiffé d'un vieux suaire
  Et tristement vêtu d'un long drap mortuaire ,
  A pas affreux et lents s'approche de mon lit ;
  Mon sang en est glacé, mon visage en pâlit,
  Je voudrais bien crier mais je l'essaie en vain,
  Il me ferme la bouche avec sa roide main ;
  Au travers de ce feu puant, bleuâtre et sombre,
  J'entrevois cheminer la figure d'une ombre,
  J'entends passer dans l'air certains gémissements,
  J'avise, en me tournant, un spectre d'ossements...

[Kenny]

Roan pose juste une main sur son épaule pour lier son énergie à celle Uriell/Seleane, il répète alors le poème une fois qu'elle a fini, essayant de respecter ce quelle venait de dire tout en s'ajoutant et de faire des vers de 13 pieds : " Si tu veux bien, je dirai avec toi plutôt ", avec sa voix pleine, profonde et vibrante de puissance :

"Ce fantôme léger, coiffé d'un vieux suaire
Et tristement vêtu d'un long drap mortuaire ,
A pas affreux et lents s'approche de notre lit ;
Notr' sang en est glacé, notr' visage en pâlit,
Nous voudrions bien crier mais nous l'essayons en vain,
Il nous ferme la bouche avec sa roide main ;
Au travers de ce feu puant, bleuâtre et sombre,
Nous voyons cheminer la figure d'une ombre,
Nous y entendons passer certains gémissements,
Nous avisons, se tournant, un spectre d'ossements... "