Re: [OdE]13.8 Kalvernach: une horlogère de fil en aiguille
Publié : 27 nov. 2017, 14:46
par Cialf
Les têtes des deux copistes se rapprochent encore :
- Son nom, c'est Hêja. Une brune avec de longs cils. Un peu comme vous, tiens. Il paraît qu'elle est danseuse mais pour clientèle privée, on ne la voit jamais en spectacle. C'est une amie d'Anzor, ils étaient encore là hier avec le jeune varigal, Tindur. J'ai l'impression qu'ils se payaient sa tête.
- Elle ne passe pas très souvent mais elle aime bien semer l'embrouille. Tiens, vous avez compris ce qu'ils font dehors, Anzor et le petit varigal ? On ne les voit pas revenir.
[Anzor et Hêja. Les chevaliers, brigands et spectres ne sont là que dans les récits imagés de certains varigaux mais le décor de l'auberge est à peu près conforme.)
Re: [OdE]13.8 Kalvernach: une horlogère de fil en aiguille
Publié : 03 déc. 2017, 18:05
par Cialf
Les deux copistes, décidément d'humeur bavarde :
- Je me demande si ce n'est pas Hêja qui les a brouillés en déballant l'histoire de Tindur avec la petite servante. Ce serait bien son genre.
- En tout cas, Anzor a eu une sacrée trouille. J'ai bien failli crever de rire quand il bafouillait comme un bébé : "Je ne suis pas varignal".
Elhine sent comme une étincelle dans sa mémoire
Le déjeuner dans l'immeuble de Nold et les enfants qui s'agitaient dans tous les sens...
Cialf a écrit :Trois enfants bruyants, suivis d'une adolescente maigre et lymphatique, entrent dans la salle. Au premier abord, Roan ne comprend rien à leurs bavardages.
Un petit garçon trépigne et répète : "Je veux entendre le varignal!" Jabbock hausse les épaules avec un air résigné.
Elhine s'adresse aux deux cuisinières:
- le poisson et le lait de chèvre sont bien pour la damoiselle Aslinn là en bout du banc, mais le médecin, le jeune Caules n'ait pas encore arrivé pour nous expliquer ce qu'il compte en faire. je vous l'envoie dès qu'il arrive
Elhine retourne vers la table et, apercevant le manège des enfants, semble de figer durant de longues secondes, comme perdue dans des pensées, le regard dans le vague et le visage figé.
Le retour à la réalité semble long et douloureux, et finalement fait le dernier pas pour se retrouver à côté d'Aslinn et du magister. - Ne leur en voulez pas, ils sont obligés de rester dedans la plupart du temps, et n'ont que peu d'occasion de se défouler.
Elhine en attrape un au passage et stoppe les deux autres alors qu'ils passent à portée. Et d'un ton gentil: - Allez allez, si vous voulez courir et chahuter, utilisez le couloir où vous ne risquerez pas de renverser quelqu'un...
Le petit garçon qui répétait "Je veux entendre le varignal!" C'est du langage enfantin mais Anzor...
Re: [OdE]13.8 Kalvernach: une horlogère de fil en aiguille
Publié : 04 déc. 2017, 19:19
par Fafi06
Elhine, un peu perdu par le fil de cheminement de ses pensées. Il doit bien y avoir une relation... - Z'êtes sûr qu'il a dit "varignal" ce Anzor ? ça ne veut rien dire...
Est-ce que "varignal" aurait une référence particulière en Esteren, une fonction comme égoutier/ébéniste ? un féond peut-être ?
Re: [OdE]13.8 Kalvernach: une horlogère de fil en aiguille
Publié : 05 déc. 2017, 22:18
par Cialf
Les deux copistes, décidément d'humeur bavarde :
- C'est du langage enfantin. Vous n'avez jamais eu d'enfant, vous ? Chez un vieux renard comme Anzor,
ça faisait vraiment bizarre.
- Ha ha ! Je me rappelle quand j'étais gamin et qu'on jouait aux varigaux, et il y avait une fillette haute comme trois pommes qui disait : "Je veux embrasser le varignal !" C'est sûr que les varigaux, ils plaisent aux filles...
L'homme s'aperçoit qu'il a parlé trop haut et qu'Ylvia, qui s'est rapprochée de leur table avec son plateau, les regarde d'un œil dur. Les deux copistes se taisent instantanément. Ylvia pose leurs deux chopes sur la table d'un coup sec et ils y plongent leur regard, penauds. Ylvia, la troisième chope toujours sur son plateau, se dirige vers l'autre table où traîne toujours le cahier d'Anzor. Elle le referme avec une claque et se tourne vers Elhine :
- Je peux vous parler une minute ? Madame ?
Si Elhine fait mine d'accepter, elle se dirige vers le comptoir et se sert un cidre.
Re: [OdE]13.8 Kalvernach: une horlogère de fil en aiguille
Publié : 06 déc. 2017, 18:05
par Fafi06
A la première phrase, Elhine blêmit d'un coup. Les quelques phrases suivantes se perdent dans un flot de pensées confuses, des images qui remontent avec fureur, un escalier plein de sang, un cadavre allongé en bas, un chambre d'enfant pleine de jouets avec un petit lit vide, les draps défaits, un trou noir qui englouti tout ceci, des ruelles sombres, des larmes, de la rage. les derniers mots arrivent et Elhine accroche le bord de la table autant pour ne pas tomber que pour ne pas exploser. Elle se souvient que... qu'elle ne doit pas craquer, que surtout elle ne doit pas se laisser aller. Ses doigts se crispent sur le rebord de la table quelques secondes... Puis la réalité reprend le dessus. La table la discussion, les odeurs d'encre, les deux abrutis en face d'elle qui la regardent avec un sourire de connivence.
Elhine se rappelle de ce qui est en jeu, se recompose un visage et tente de reprendre la conversation avec malgré tout une petite boule nouée dans la gorge.
- Oui bien sûr
Elhine se lève, contente que cela lui permette de masquer son trouble et lui laisse le temps nécessaire à récupérer de ce coup bas imprévu, et suit Ylvia vers le bar.
Re: [OdE]13.8 Kalvernach: une horlogère de fil en aiguille
Publié : 06 déc. 2017, 22:20
par Cialf
Ylvia va au comptoir, y pose la boisson d'Elhine et se sert un cidre. Elle regarde Elhine avec un peu trop d'insistance, peut-être à cause de sa myopie. Puis elle commence à mi-voix, en vérifiant qu'aucun client n'est à portée d'oreille :
- Voilà. Je ne sais pas ce que ces deux ahuris ont pu vous raconter. Ce sont des vieux clients et je les connais par cœur, ils ont tendance à répéter bêtement tous les ragots qui traînent. Heureusement qu'ils sont copistes et pas varigaux, ce serait du propre ! Comme je suis sûre qu'ils parlaient de moi, je ne voudrais pas que vous vous fassiez des idées fausses.
Elle avale une gorgée, reprend son souffle. Ses doigts se crispent sur son tablier.
- Comme ils ont dû vous le dire, Jalfred et moi étions amants. Ce n'est pas facile d'être avec un varigal, vous le savez peut-être si vous connaissez Mordàn. Il arrive, il repart, la seule chose sûre est qu'il ne reste pas longtemps sur sa branche. Les derniers temps, il faisait de longs trajets entre Baldh-Ruoch et Taol-Kaer pour je ne sais quelle affaire urgente qu'il ne voulait pas me confier. D'ailleurs, on se voyait à peine entre deux portes. Et le dernier soir, avant... avant sa mort, je lui ai dit des choses dures parce qu'il avait perdu son temps à roucouler avec une autre femme. D'habitude, j'entends tout ce qui se passe dans l'auberge la nuit, mais j'étais tellement chamboulée que... j'ai bu un coup de trop avant de me coucher, et je n'ai rien entendu. Si j'avais été éveillée pour donner l'alerte, peut-être que... Tout ça, je ne l'ai pas dit à la greffière, d'abord parce que je supporte pas cette fouineuse et ensuite parce que... Eh bien, je n'étais pas fière de moi, vous voyez.
Re: [OdE]13.8 Kalvernach: une horlogère de fil en aiguille
Publié : 30 déc. 2017, 13:09
par Fafi06
Elhine, adoptant le même ton pour ne pas être entendue, visage plus grave et sérieux, se méfiant aussi des angles de vue: - Je suis sincèrement désolée, toutes mes "condoléances". Cela ne vous consolera probablement pas, mais même si vous aviez été en mesure d'entendre quoi que ce soit, vous seriez probablement morte à l'heure qu'il est. Jalfred était probablement impliqué dans une affaire dangereuse, raison pour laquelle il a probablement préféré vous laisser en dehors de cela, afin d'éviter les représailles, et il semblerait qu'il ait eu raison sur ce point. Je vais cependant vous demander de vous souvenir de tout ce qui vous reviens en mémoire sur ceci. Mordàn aussi est parti sur ces traces et j'ai bien peur qu'il ne lui arrive le même sort.
Re: [OdE]13.8 Kalvernach: une horlogère de fil en aiguille
Publié : 04 janv. 2018, 00:13
par Cialf
Ylva a un frisson :
- Probablement morte ? Ça veut dire qu'en vous mêlant de cette affaire, vous risquez aussi de... Enfin, j'espère que vous savez ce que vous faites.
Elle avale une rasade :
- J'essaie de me souvenir de ce que Jalfred a pu dire et faire ces derniers mois. Il a parlé à Anzor lors de ses précédents passage, ça, j'en suis sûre, Notez, c'est normal, Anzor fait presque partie des meubles. Il est copiste mais il reprend des nouvelles de plusieurs varigaux. C'est souvent lui qui fait l'exemplaire de référence. Mais pas l'autre soir parce qu'Anzor est sorti à son arrivée... Hum... La femme est entrée juste à ce moment-là et s'est installée à la table de Jalfred. Vous savez, j'ai peut-être la vue basse mais je sais observer. C'est là que cela a commencé à ne pas me plaire. Mais je n'avais pas le temps de m'en occuper à cause des clients...
Ses mains se crispent sur son tablier et elle reprend :
- Vous savez quoi ? J'ai des numéros des derniers almanachs de Jalfred, il y a des nouvelles de Taol-Kaer qui viennent de lui, cela vous donnera peut-être une idée de ce qu'il a vu. Moi, ça ne me dit rien, mais peut-être que vous saurez mieux.
Re: [OdE]13.8 Kalvernach: une horlogère de fil en aiguille
Publié : 23 janv. 2018, 23:50
par Cialf
Epilogue Elhine
Épilogue réservé à Fafi (merci de ne pas le regarder avant sa réponse).
Enfin, elle le retrouvait… Elle avait dû parcourir la moitié de la ville, une ville qu’elle ne connaissait quasiment pas, se montrer convaincante avec certaines personnes…
Anzor se tenait seul, assis ou plutôt prostré dans une arrière-salle d’auberge, devant une carafe de vin dont le niveau avait dû rapidement descendre au cours de l’heure écoulée… En entendant le craquement du plancher, il releva subitement la tête… Ses yeux se fixèrent sur Elhine, exorbités, striés de veinules rouges… Sa voix elle-même semblait d’une pâleur de cadavre quand il balbutia :
- Ce n’est pas moi qui l’ai fait… Je vous jure que je ne savais pas.
Elhine sent en elle comme la froideur du fond d’un puits… Un puits d’où une certaine vérité est peut-être en train de remonter. Le regard glacial, elle dégaine lentement sa dague :
- Ce que tu ne savais pas, tu le sais, maintenant ?
- Je… S’il vous plaît, je ne l’ai pas voulu. J’étais jeune, je me suis laissé embarquer dans cette affaire. Moi, j’étais juste payé pour l’accompagner…
Elhine, d’un geste vif, pique la pointe de sa dague sur le cou d’Anzor. Elle sent la pomme d’Adam monter et descendre
- Accompagner ? Tu as dit : accompagner ?
L’homme coasse d’une voix désespérée :
- Ne me tuez pas ! Je vous jure qu’il est vivant !
Elhine comprend que quelque chose d’essentiel est en train de se jouer. Elle recule sa lame d’un demi-pouce :
- La suite ?
- Il est vivant… Vous comprenez, il ne fallait pas qu’il réapparaisse… De gros intérêts étaient en jeu… C’est moi qui l’ai conduit dans un village du haut de la rivière, chez une paysanne qu’on a bien payée pour qu'elle se taise… On lui a bien dit que si ses ennemis apprenaient son existence, l’enfant serait tué et elle aussi… Le gamin, je me souviens qu’il savait à peine parler, il n’arrêtait pas de réclamer sa mère… Je lui disais : ne pleure pas, ta mère ne peut pas venir mais elle pense à toi, elle enverra un varigal pour te donner de ses nouvelles. Et lui : Où est le varignal ? Je veux entendre le varignal !
Elhine reste un long moment stupéfaite… Alors qu’elle s’apprête à poser une question, elle sent une douleur déchirante dans son flanc. Elle se retourne et voit filer à toute vitesse une chevelure noire, des culottes bleues sur une paire de jambes lestes… la Tarish ! Elhine porte la main à son flanc et sent couler un liquide chaud. Son regard se brouille et elle a à peine le temps d’entrevoir Anzor qui, en la contournant prudemment, s’éclipse par la porte de derrière.
Elle tente de partir à sa suite. Elle s’écroule. Elle sent sa vie qui s’écoule... Et des mains chaudes qui viennent la saisir et poser un linge sur sa blessure... Elle entend des paroles qu’elle ne comprend qu’à moitié mais reconnaît les voix :
- Je suis arrivé juste trop tard, j’aurais pu les buter, ces chiens !
- S’il vous plaît, aidez-moi. Il faut la soigner. Faites venir ma sœur !
Elle reconnaît la voix de Trondhal, le jeune écuyer ronce qui l’avait guidée le premier jour, et celle de Kolka, la brave fille ! Tandis que Kolka tente de la soulager et la tient contre elle comme un petit enfant, Trondhal court chercher les gens de l’auberge, crie, se démène. Tout ce vacarme… Elle parvient à murmurer :
- Le petit garçon. Celui qui voulait entendre le varignal. Dis à ta sœur de…
Dans cette ville qu’elle n’a pas eu le temps de connaître, elle ne devait pas être très loin de l’immeuble de Nold : vingt minutes après, Elhine, couchée dans un lit de l’auberge, voit arriver Alda, la grande sœur damathair, avec le petit garçon. Celui-ci, l’air un peu perdu, demande :
- Le varignal ? Je peux écouter le varignal ?
Kolka pleure en se serrant contre sa sœur. L’écuyer reste bouche bée, n’osant pas murmurer un son. Elhine se sent extrêmement faible mais arrive encore à tendre ses bras vers le petit garçon :