[Changeling : the Lost] Un séjour à l'asile

[Asdel]

"On peut retourner au bureau du Directeur. A moins qu'on ne trouve une chaufferie centrale ?"

[Clovis]

Le reste de l'évasion fut sans histoires, et ne fut somme toute que la conclusion de cet épisode de l'histoire des changelins : Jim et Victor passèrent en vitesse rassembler papiers et meubles dans le bureau du directeur, mettant ensuite le feu au tas ainsi rassemblé avant de filer sans demander leur reste en compagnie de leurs trois autres camarades d'infortune, se retrouvant ainsi en extérieur.

Sitôt sorti, l'Ogre, qui s'était payé le luxe d'espérer un environnement un tant soit peu accueillant, fit face à une déconvenue fort désagréable sous la forme d'une gifle gelée charriée par le vent hivernal. De pair avec cette surprise malvenue, il eut le déplaisir de sentir sous ses pieds nus une couche de neige dont le froid n'allait certainement pas tarder à insensibiliser ses orteils douloureux. Frissonnant et grommelant des jurons inintelligibles dans sa barbe, il jeta un œil aux alentours qui n'offraient pas des perspectives très encourageantes : où qu'ils se trouvassent, ils étaient manifestement en périphérie, ce qui laissait peu de chances de trouver un abri digne de ce nom... en tout cas pas facilement.

Avec une certaine indifférence nourrie par la fatigue et la frustration, le Cyclope enregistra la présence de l'homme-loup qui n'était certainement pas le fait d'une coïncidence, et lança à la cantonade :

« Bon, quequ'un a une idée d'où aller ? »

[darkbaron]

Contre toute attente, l'homme-loup posa un sac de sport au sol et l'ouvrit : il contenait quelques manteaux et des chaussures de tailles diverses. Il était clair que rien n'était neuf. Au contraire, les vêtements avaient déjà bien servi et n'étaient pas de toute fraîcheur, mais ils tenaient chaud et c'était là le principal. De toute façon, les Changelins eux-mêmes ne sentaient pas franchement la rose et on faisait difficilement les difficiles après un séjour en Arcadie.

Yulia, qui n'avait rien pris et semblait parfaitement supporter le froid hivernal, répondit à l'ogre :

"Nous allons vous mener à un refuge à peu près sûr de la Cour de l'Hiver. Ensuite, vous aurez une entrevue avec la Cour elle-même. Un repas chaud et des vêtements propres vous attendent dans le refuge. Il y en a pour à peu près toutes les tailles. Une fois prêts, mon ami vous conduira à la Cour. Nous y discuterons de votre intégration au sein de l'une des quatre grandes Cours de la ville. Des représentants de chaque Cour viendront présenter celle qu'ils suivent."

L'homme-loup ajoutera en souriant :

"Et vous y verrez la magnifique, la sublime... Reine de l'Hiver !"

Yulia répondit en riant :

"Oh, vous savez, elle n'est pas aussi belle que cela..."

[Asdel]

Jim avait pioché sans regarder dans les vêtements, il s'était emparé de couleurs sombres, chaussures noires et grand caban noir élimé, à bouton d'argent.
Il se sentait bien dans ses couleurs, drapé dedans ces nouveau vêtements il demanda:

"Excusez-moi monsieur mais...Qui êtes-vous au juste ?"

[darkbaron]

L'homme-loup, qui portait des vêtements étrangement anachroniques comme une redingote sombre, s'inclina en souriant :

"Oh, bien sûr, quel étourdi... J'en oublie tous mes devoirs. Sir Rufus Wolfheart, Écuyer du Givre et humble sujet de la Reine de l'Hiver. C'est un honneur de vous rencontrer. L'Hiver est venu et il m'a guidé jusqu'à vous afin de vous aider, mes chers amis. Accessoirement, je connais bien Yulia."

[Clovis]

Victor, amoindri par ses tribulations en Arcadie, supportait mal le froid qui ne tarda pas à le faire grelotter, et cela, conjugué à sa lassitude autant mentale que physique le mettait de mauvaise humeur et lui brouillaient les idées. Par conséquent, rien d'étonnant à ce qu'il négligeât la moitié des paroles du drôle de zèbre aux grandes dents, ne retenant que les informations qu'il considérait comme primordiales : « refuge », « repas chaud » et « vêtements propres ». Tout le galimatias au sujet de Cours, de Reine et d’Écuyer lui passa allègrement au-dessus de la tête, et ce fut sans faire ni une ni deux qu'il se précipita sans ambages sur le sac de sport dans lequel il se mit à farfouiller.

Avec un grognement de satisfaction, il en sortir trois choses : un grand manteau épais bardé de fourrure, une paire de bottes à moitié défoncées qui n'étaient pas sans rappeler de loin les célèbres Dr Martens, et une chapka usagée à la couleur indéfinissable oscillant entre le marron sale et le vieux gris. Passant ensuite le reste des vêtements à ses compagnons d'évasion, il se dépêcha d'enfiler les effets qu'il venait d'acquérir au milieu de soupirs de satisfaction à sentir des étoffes chaudes et un cuir épais protéger son enveloppe physique meurtrie. Ainsi caparaçonné de fourrure de la tête à mi-jambes, l'Ogre ressemblait à une sorte de bête curieuse à poils dont l’œil unique se distinguait de façon d'autant plus marquante.

Piétinant sur place et battant des mains pour ramener une quantité de chaleur décente dans son corps engourdi, il grommela sans tact à l'adresse de Sir Rufus Machinchose :

« Alors bougeons-nous bon sang. J'sais pas c'que c'est qu'vot' histoire de Reine de l'Hiver, mais plus vite on pourra décamper loin d'c't'endroit, mieux on s'portera. »

Comme on peut le voir, l'inconfort ne faisait rien pour améliorer la diction, les manières ou la politesse de Victor, et s'il aurait peut-être à se mordre les doigts de son manque de bienséance et de gratitude, il n'en avait pour le moment cure. Ses idées étaient encore trop confuses pour ça.

[darkbaron]

L'homme-loup marcha un moment et mena la bande d'évadés à un van noir dans le coffre duquel il les invita à s'asseoir.

"Je suis désolé pour le confort et la vue, mes amis, mais je ne veux pas que vous puissiez voir notre trajet et c'est le seul véhicule de cette taille dont nous disposons. Nous veillons à conserver nos refuges secrets. Il en va de la sécurité de tous et je pense que vous comprendrez parfaitement la nécessité de ce genre de précautions. Appelez-cela de la méfiance, si vous voulez, mais nous préférons parler de prudence élémentaire. La Cour de l'Hiver est ainsi."

Il monta au volant et Yulia prit place sur le siège passager. Le trajet dura une petite demi-heure au cours de laquelle l'homme-loup avait mis plusieurs chansons de Bruce Springsteen. Un comble car le nom du chanteur évoquait plutôt une autre Cour, mais le Changelin devait malgré tout aimer le chanteur. On ouvrit les portières une fois le véhicule arrêté. Ils étaient dans une zone industrielle désaffectée et apparemment déserte, offrant une certaine tranquillité.

Yulia fut la première à se diriger vers une porte et eut la surprise de la trouver ouverte.

"L'effet secondaire du Contrat Gobelin n'a pas tardé... J'ai ouvert une porte grâce à lui et un individu aux intentions peu louables a pénétré dans un endroit qui compte pour moi. On devrait s'assurer qu'il a quitté les lieux avant de les faire entrer, Rufus. C'est peut-être une menace sérieuse."

L'homme-loup entra à l'intérieur et en sortit au bout de quelques minutes.

"RAS. Il a fouillé, mais n'a sans doute rien trouvé de probant. Ce n'est après tout qu'un refuge que vous utilisez régulièrement et il pensait donc que c'était plus important. Ce n'était pas prudent d'utiliser le Contrat, mais je suppose que vous n'aviez pas le choix, n'est-ce pas ?"

Yulia haussa les épaules, une expression neutre sur le visage :

"En effet. De toute façon, il y a plus inquiétant : un ennemi potentiel connaît cet endroit. Enfin, s'il n'y a aucune menace, ils auront le temps de manger, de se laver et de se changer, mais ils ne devront pas traîner. Ils ont trois heures pour manger et se changer. Ensuite, nous partirons."

Rufus invita donc les Changelins à entrer dans ce qui était un loft aux allures de squat. Curieusement, il était illuminé par des décorations de Noël. Ce n'était pas si surprenant en plein hiver, sauf que l'endroit était vide et que cette décoration semblait être permanente et non temporaire. La poussière était assez présente, mais ce n'était pas excessivement sale. Au contraire, ça semblait même plutôt bien entretenu. D'ailleurs, dans la petite cuisine, une soupe aux légumes à l'odeur agréable était sur le feu. Rufus tendit des bols et des cuillères aux Changelins avant de les servir et de leur tendre du pain.

"Alors, mes amis ? Comment vous sentez-vous ?" demanda-t-il en souriant.

[Clovis]

La traversée fut une expérience étrange pour Victor : il se fourra dans le coffre de la voiture sans autre objection qu'un grognement de déplaisir à l'idée de se retrouver dans le noir, dans un endroit aussi confiné. Ensuite, lorsque le moteur du véhicule se mit à rugir, il ressentit un mélange étrange de crainte animale et de familiarité lointaine avec ce bruit d'industrie, en même temps que son odorat surdéveloppé se retrouvait vite saturé par les odeurs de la voiture et celles de ses compagnons tassés contre lui, particulièrement celle métallique de Morris qu'il aurait pu désormais reconnaître entre mille.

Ainsi environné du mugissement continu du van, et des respirations multiples de ses semblables, il se laissa à nouveau submerger par la fatigue et tomba dans une sorte de demi-sommeil agité, dont il sortait en sursaut à chaque bringuebalement de la voiture pour y retomber peu après. Et pendant ce temps, les chansons de Bruce Springsteen, particulièrement « Born to Run », peuplaient son esprit somnolent d'images de fuite, de chasse, de lutte, de fougue, d'ardeur... si bien que lorsqu'on leur ouvrit pour les faire sortir, il se dégagea avec un gémissement plaintif pour retrouver le froid extérieur, groggy et le menton orné d'un filet de bave.

Encore une fois, il fut d'une passivité presque inquiétante, qui s'expliquait toutefois facilement à voir son allure abrutie par l'épuisement et son œil qui papillonnait péniblement. Il n'y eut qu'aux mots de « Contrat Gobelin » qu'il réagit, sa paupière s'ouvrant brusquement comme sous l'effet d'une alarme soudaine, les deux termes rappelant des souvenirs pas forcément agréables. Hormis cet instant, il suivit sans rien dire, n'emmagasinant que des souvenirs confus de la discussion entre Sir Trucmuche et Yulia.


Arrivé au sein du loft miteux mais éclairé de lumières guillerettes et festives, l'Ogre marqua un temps d'arrêt, son visage transfiguré par une expression d'émerveillement enfantin derrière son allure revêche et bestiale. En ce moment, ce ne fut peut-être pas qu'à cause du froid que son œil s'embua de larmes, et il alla s'asseoir à une table avec obéissance, articulant un « Merci. » rauque mais débordant de sincérité lorsqu'une nourriture incroyablement humaine lui fut tendue. Il ne fut d'ailleurs pas long à lui faire un sort, trempant de gros bouts de son pain dans la soupe, avalant presque sans mâcher, et soufflant avec enthousiaste sur le breuvage avant de l'absorber à grandes lampées au risque de se brûler la langue. Après quoi, à la question de l'homme-loup, il n'eut qu'un seul mot à répondre :

« Crevé. »

Et ce disant, il croisa ses bras devant lui et abattit sa tête hirsute sur l'oreiller improvisé ainsi constitué, se remettant déjà à dormir.

[Asdel]

"Sir Wolfheart" le jeune homme avait murmuré ces mots, essayant de les associer avec une extrême facilité à vrai dire avec l'homme loup, avant d'embarquer dans la voiture.

Jim avait gardé ses réflexions pour lui, tout était si rapide, si soudain. Le passage dans le van, puis cette musique étrange qui sonnait pourtant bien aux oreilles, sauvage et attirante à la fois. Quand ils étaient descendus, ils étaient devant un nouvel endroit, Jim avait tiqué en entendant le mot "contrat Gobelin", quel rapport entre un acte juridique et des créatures fantastiques ? Cela n'était pas très clair, et puis elle avait ajouté qu'ils étaient en danger, ou quelque chose du genre par rapport à ce lieu qu'elle aimait.

Ils étaient entré, rien de bien grave, mais Jim avait apprécié le grand loft. Il s'était trouvé une petite faim après ces émotions, et avait mangé sans demander son reste.
Victor s'affala en répondant, regardant les autres pour chercher un assentiment, Moonlight demanda après avoir remercié leurs sauveurs:

"Merci...Merci pour tout...Mais, pourquoi vous faites-ça ? Qu'est-ce que c'est que ces histoires de contrats ? Comprenez...Tout cela est si inattendu, et tellement de questions se pressent à mes lèvres"

[darkbaron]

Rufus s'assit sur un fauteuil et répondit sur un ton aimable, ses mains griffues calmement posées sur les accoudoirs.

"C'est normal quand on n'est pas habitué à notre mode de vie. Nous faisons cela car il est de notre devoir de protéger ceux qui sont comme nous. Cela s'appelle de la solidarité entre victimes. Un mal commun nous unit et personne ne peut comprendre ce que nous avons vécu en dehors de ceux qui ont vécu une expérience similaire. Nous avons tous souffert dans un autre monde, même si chaque expérience est unique. Il faut voir ça comme les réunions de vétérans : ils n'ont pas nécessairement vécu les mêmes batailles, mais tous savent ce que c'est que de vivre l'enfer alors qu'on n'a rien demandé. L'analogie est bonne car, comme eux, nous souffrons souvent d'un trouble de stress post-traumatique et nous savons au fond de nous que notre vie ne sera plus jamais la même après ça.

Les Contrats sont nos pouvoirs ou capacités spéciales : nous avons en quelque sorte lié des Contrats mystiques avec certaines choses et ces pactes nous permettent de faire appel à des pouvoirs particuliers. À dire vrai, dans de nombreux cas, ces Contrats ont été conclus par nos propres tortionnaires il y a fort longtemps et nous en bénéficions désormais, même libres. Notre nature a été irrémédiablement altérée, nous permettant de faire usage de ces dons."