Le maître d'armes, brillant cavalier, arriva sans mal à Waterford. A dire vrai, il bifurqua vers le sud en direction du moulin et pénétra dans la ville où près des remparts en ruines se trouvait une grande maison dont la porte d'entrée était surplombé d'une lanterne aux parois de verre violettes.
Il toqua à la porte. Un volet coulissa et il fut soumis au regard inquisiteur d'un homme au regard froid qui observa également s'il y'avait d'autres personnes derrière Béric.
La porte fut ouverte un peu plus tard par une jeune femme au sourire avenant et la tenue légère.
"Soyez le bienvenue, messer. Vous honorez la maison de la Jouvencelle de votre présence et votre contribution à maintenir ce lieu de détente à votre gré est une bénédiction pour notre parfaite éducation."
Béric connaissait ce joli petit lot et elle le connaissait également. De fait, elle n'eut pas besoin de lui expliquer ou lui rappeler que le simple droit d'entrée dans la maison de Dame Adrienne coutait 20 cerfs d'argent. Cette somme n'était pas un problème pour un maitre d'armes bien payé, mais cette façon de procéder avait la première fois surpris Béric. A l'époque, Dame Adrienne lui avait expliqué elle-même que c'était un filtre nécessaire pour ne pas voir déranger sa maison par du tout venant.
Assis dans un coin du grand hall tel une statue silencieuse, Béric reconnut Yorik Raik, l'homme de main de la maîtresse des lieux, toujours aussi peu bavard. L'homme taciturne lui désigna du regard un comptoir sur lequel il était tenu de se défaire de son épée longue. Il ne l'avait jamais vu se battre mais il ne doutait pas qu'il fusse un solide bretteur, ne serait-ce que par l'observation experte et silencieuse qu'il avait eu de son épée à sa première venue dans l'établissement.
Aussitôt posé, une jeune femme accorte lui tendit un excellent rosé tandis que deux autres défaisait les liens de l'armure de cuir rigide de Béric en s'amusant visiblement.
La première fille revint et susurra à l'oreille du guerrier :
"Dame Adrienne vous invite à la rejoindre."
Par les Sept ! La soirée s'annonçait divinement. Il connaissait Dame Adrienne sans n'avoir jamais pu l'étreindre. Il avait suffit d'une seule phrase pour comprendre qu'il ne pourrait la posséder aisément.
"Mes filles sont là pour le plaisir de nos hôtes et moi, je suis là pour mon seul plaisir et mon plaisir est une chose... compliquée", lui avait-elle dit un jour. Des années plus tard, cette simple phrase dite d'une voix suave et troublante évoquant son inaccessibilité demeurait empreinte dans sa mémoire. Béric déglutissait d'avance à l'idée de la revoir dans ses appartements...