[OdE - Chap.2.1] La dernière limite

[Casaïr]

Aeldred déclina poliment l'infusion de Blodwen avec un sourire fatigué.

"Ce n'est pas que je n'ai pas confiance, mais je ne pense pas qu'il faille me bercer beaucoup pour dormir cette nuit", assura le jeune homme qui, voyant possiblement le bout du tunnel, semblait enfin se calmer. Il se sentait maintenant un peu mal à l'aise de son coup de sang.

"Ultana, pourrez-vous m'expliquer demain comment me préparer à aider Gillean sans faire d'erreur ? J'ai peur ce soir que mes propos aient dépassé ma pensée,je voudrai m'excuser et écouter ce que vous aurez à me dire. La fatigue a obscurci ma pensée..."

Il faisait acte de contrition, conscient qu'il n'arrivait plus à penser sainement. Le venin de la colère... Il savait bien jusqu'où il pouvait amener, et il avait eu l'impression de s'approcher d'un point dangereux. Il baissa la tête en réalisant ce qu'il aurait pu faire.

"Je ne veux pas être mon père..."

Puis, normalement : "Avant de dormir pour de bon, il faut que je me vide la tête. Je vais aller tirer quelques flèches sur une cible, si cela ne dérange personne."

[Pwyll]

"Avant de dormir pour de bon, il faut que je me vide la tête. Je vais aller tirer quelques flèches sur une cible, si cela ne dérange personne."

Tant que c'est pas moi la cible se dit Pwyll avant de se lever avec les poings sur les hanches et de dire à haute voix "Moi je n'ai pas changé d'avis, je suis toujours partant pour agir maintenant. On pourrait au moins voir pour cette histoire d'Aodren, ce type ou au moins sa maison sont dans le village, non ? On est encore très loin d'avoir fait une nuit blanche et si on ne prend pas la peine de se fatiguer dans des conditions pareilles, je ne vois pas quand on le fera."

Ce faisant, Pwyll déclina la proposition de tisane pour les vieux et approcha pour apporter l'aide demandée par Ultana.

[Arthus]

Blodwen soupira.

"Il n'est pas question que tu sortes armé faire du tir à la cible, Aeldred.

D'une part, les personnes que tu as le plus de chances de rencontrer dans les couloirs de ce bastion ou dans le village sont des personnes saines, si tu es infecté, tu pourrais leur transmettre ta maladie.

D'autre part, si tu es infecté, tu pourrais être pris de crises de délire et te mettre à tirer sur des être bien vivants plutôt que sur une cible en bois ou en paille."

Elle se tourna ensuite vers Pwyll.

"Au point où nous en sommes, nous pouvons aussi bien aller vérifier cette histoire d'Aodren, en effet. Esprit ou pas, la maladie semble avoir débuté dans les alentours de sa maison, et il y a fort à parier qu'une visite nous en apprenne plus sur la source du mal qui sévit ici.

Cependant, je voudrais être claire sur un point : évitez à tout prix tout contact physique avec qui que ce soit.

D'un point de vue médical, vous avez ramené un foyer de maladie en plein milieu du centre de soins censé gérer la crise, et ce sans aucune réflexion ni précaution. Je ne veux plus voir d'initiative irréfléchie du même acabit à l'avenir, sans quoi je me verrai obligée de vous mettre en quarantaine forcée au même titre que les villageois."

Elle s'adressa ensuite à Ultana :

"Bon... vous avez parlé de cavalier noir et de Rusemort. Que pouvez-vous nous dire sur la nature de ces dangers, et les moyens de les combattre?"

[Casaïr]

Le jeune homme se sentait découragé. Il ne pouvait pas sortir pour se détendre (même s'il comprenait ce que voulait dire Blodwen, bien sûr) et maintenant son amie leur reprochait d'avoir ramené Gillean ici.

Où aurions-nous dû l'amener alors ?...

Il ne formula toutefois pas sa pensée à voix haute et hocha simplement la tête en signe d'approbation, ne souhaitant pas envenimer d'avantage la situation. Il se sentait d'autant plus inutile que rien de ce qu'il faisait ou proposait ne semblait fonctionner convenablement, quand ses propositions trouvaient sens aux oreilles de ses compagnons. A côté d'eux, il se faisait l'effet d'un petit garçon cherchant désespérément l'approbation de ses aînés.

Au final, c'est quand même un peu ça, non ? songea-t-il en regardant aléatoirement dans la pièce.

Il se recula contre le mur, ne se sentant plus en phase (et ne se sentant plus capable de l'être) avec le reste du groupe et décrocha sa fibule, le dernier recours qu'il lui restait pour tenter de reprendre un peu de force mentale après autant de déconvenues en aussi peu de temps. Mais cette fois-ci, il doutait de parvenir à quoi que ce soit.

[Pwyll]

Impressionné par la pertinence des paroles de Blodwen et prenant soudain conscience du danger qu'il avait potentiellement fait courir à tout le monde en insistant pour ramener Gillean, Pwyll mit les mains derrière son dos tout en se mordillant la lèvre inférieure, comme il le faisait lorsqu'on le surprenait, petit, en pleine bêtise.

Attendant avec impatience les réponses d'Ultana, il se dit qu'au moins il n'était plus question d'aller se coucher sans fouiller du côté d'Aodren. Enfin une perspective pour faire avancer les choses !

[Iris]

Ultana s'installa près du feu, fermant les yeux pour réfléchir et ramener à elle de lointains souvenirs.

"Je sais peu de choses sur les rusemorts et je croyais ne jamais en rencontrer. Ces gens furent ainsi nommé pour leur aptitude à tromper la mort et revenir de l'au-delà. On rapporte la légende de guerriers abattus qui se relevèrent du champ de bataille. Ils avaient enfreint une des lois fondamentale du monde, peut-être la plus essentielle: ceux qui meurent doivent accepter de laisser le monde à ceux qui demeurent. La mort est essentielle à la vie : les forces de non-mort peuvent détruire notre monde, petit à petit. Ils sont en cela semblables à des parasites ou des voleurs: peu nombreux, leur ponction reste mineure et ne met pas en péril la vie, la santé est à peine affectée. En revanche sitôt qu'ils se répandent, la victime est de plus en plus affectée et finit par s'éteindre, épuisée, bientôt suivi de ses meurtriers."

" Les rusemorts paraissent être ce qu'ils furent, leurs proches se réjouissent de les retrouver... mais leur nature est affectée par leur transgression... Leur esprit est marqué par la peur de la mort et leurs réactions sont incompréhensibles autant que dangereuse. La seule chose qui ait du sens consiste à les accompagner dans la mort, pour qu'ils ne deviennent pas des esprits malfaisants."

" Je crois que Gillean ne vivra plus très longtemps : son pouls est faible et la vie semble le quitter peu à peu. Que vous l'ayez ramené ici contre son gré nous permettra peut-être de sauver son rindath de la corruption."

Elle parlait avec la résignation de celui qui doit abattre un animal malade et qui en est désolé.

" Le chasseur noir est un esprit cauchemardesque. J'ignore quelles sont ses motivations : malveillance, vengeance, châtiment d'une profanation ? Si c'est de cela qu'il s'agit, alors Gillean était probablement déjà un rusemort avant le déclenchement de l'épidémie, ce qui signifierait qu'il serait revenu à la vie au moins deux fois, la seconde étant aujourd'hui. Je doute qu'il soit possible de communiquer avec un esprit aussi agressif que le chasseur noir, ou qu'il soit disposé à expliquer la cause de sa présence, sans quoi un villageois aurait pu l'apprendre dans ses cauchemars... Si la profanation est la cause, alors le chasseur noir punit la communauté pour les tords d'un seul... mais cela ne me parait pas impossible, des situations comparables sont fréquemment rapportées dans les légendes. "

Après un silence :

" Lutter contre un rusemort, ce n'est pas très difficile. En revanche, un esprit furieux... Il est lié à quelque chose, et il faut dénouer la cause pour s'en libérer. Rituels et prières ne peuvent être que des mesures temporaires, des manières de gagner du temps."

[Casaïr]

" ... ce qui signifierait qu'il serait revenu à la vie au moins deux fois, la seconde étant aujourd'hui... "

Aeldred avait beau n'écouter que d'une oreille, cette phrase le fit se redresser.

"Vous... vous voulez dire qu'il était vraiment mort quand on l'a trouvé ?"

Aussi improbabla que cela était, cela pouvait expliquer comment Pwyll et lui avaient pu passer à côté du fait qu'il avait survécu, et aussi pourquoi ses blessures semblaient avoir miraculeusement disparues.

"Mais, Gillean n'a pas l'air de s'en rendre compte", fit le jeune homme plus pour lui-même, regardant dans la direction du "malade", le détaillant comme s'il ne le connaissait pas.

Une phrase d'Ultana le fit tiquer, maintenant que sa concentration était attirée vers un domaine qui l'avait toujours intrigué, chassant un peu de sa morosité pour la remplacer par de la curiosité.

"Il... serait mort deux fois, vous avez dit. Et le chasseur noir pourrait en être une conséquence, c'est ça ? Cela voudrait dire qu'il serait mort de maladie mais que son.. "retour" aurait provoqué la colère du chasseur ? Dans ce cas, cela voudrait dire que..."

Finir la phrase lui faisait mal, imaginant sans peine la réaction de sa sœur quand elle l'apprendrait...

"cela veut dire qu'il doit mourir pour apaiser le chasseur ?"

[Iris]

Ultana avait une expression mélancolique, le regard dans le vide :

" Je n'ai pas de connaissances de première main sur le chasseur noir et dans tous les cas, les esprits ne pensent pas comme nous. S'il était déterminé à ne châtier que Gillean, il se serait contenté de hanter ses nuits, à lui seul. Par conséquent, je ne peux pas certifier que la mort de Gillean offrira un remède à la communauté de Swelbecky. "

" Nous devons agir en aveugle, en espérant faire les bons choix et en assumant les moyens que nous employons. "

" Peut-être qu'éloigner le ou les déclencheurs de la hantise du chasseur noir faciletera la guérison par les remèdes de Dame Blodwen ? Je ne m'attends en tous cas pas à ce que la population bénéficie d'une guérison miraculeuse, d'un instant à l'autre. La peur nourrit les cauchemars, et même si la terreur n'a plus d'objet réelle, il demeure l'angoisse. "

[Casaïr]

" Nous devons agir en aveugle, en espérant faire les bons choix et en assumant les moyens que nous employons. "

Aeldred était d’accord avec cette affirmation, et il se rendit subitement compte que ce n’était pas en restant dans son coin et en se morfondant qu’il pourrait aider ses amis.

Bon sang, je suis vraiment nul quand je m’y mets…

Il se mit à réfléchir à toute allure, cherchant un moyen et, finalement, en trouva un. Qui déplaira, à n’en pas douter, à tout le monde. Même lui n’était pas certain de la pertinence de son idée.

"J’ai peut-être quelque chose à vous soumettre mais vous n’aimerez pas, les prévint-il à tout hasard. Dame Blodwen, vous partez du principe que je suis peut-être contaminé. Pour ma part, je pense que je le suis déjà et mes vêtements le prouvent : j’ai baigné dans le sang des dàmàthairs, dans celui de Gillean. S’ils étaient tous malades, alors je le serai bientôt, c’est un fait. Tout ce que je peux faire maintenant, c’est m’y préparer, en prenant les traitements que vous voudrez bien me donner, en doses plus fortes si nécessaire. Et si Ultana doit effectuer un rituel sur moi, je le ferai avec plaisir. Mais dans l’intervalle…"

Il sentait la vague de désapprobation monter, mais tant pis, au moins il aurait fait quelque chose et, qu’on l’écoute ou pas, il se sentirait toujours mieux qu’en ayant rien fait du tout.

"… utilisez-moi. Je suis déjà contaminé, je ne risque plus de l’être en allant dans les foyers dont on est sûr qu’ils sont infectieux. S’il faut regrouper des malades à un endroit, laissez-moi le faire. Mes connaissances en soins ne valent pas les vôtres, mais si vous me dites quoi chercher, je pourrai le faire pour vous, sans que vous ayez besoin de toucher aux corps, limitant les risques de propagation.

"Je sais que c’est de la folie, mais je ne fais pas ça par envie de mourir, ou pour tirer la couverture à moi quand toute cette histoire sera finie. Je veux juste aider, tant que je peux encore vous être utile. Je ne fais pas ça non plus pour que le village me reconnaisse : Ultana peut vous le dire, je ne suis même pas sûr que cela suffise, et de toutes façons, je m’en fiche. Je veux le faire parce que c’est comme ça que je peux être utile, et que ça me semble juste pour tout le monde. Alors utilisez-moi, avant que la maladie ne m’en empêche.

"En contrepartie, je laisserai toutes mes armes ici, je ne m’approcherai pas des gens sains à moins de deux mètres, et, à compter de ce soir, j’irai m’enfermer dans la maison des dàmàthairs. D’ailleurs, quoi que vous décidiez, c’est ce que je ferai. Il serait trop dangereux pour vous que je reste ici avec vous, surtout avec mes armes."

Il fit une pause pour voir comment les autres réagissaient à ce qu'il venait de dire et ne put s'empêcher d'ajouter : "désolé d'avoir été si bavard..."

[NailsEater]

Calme mais surtout fatiguée, Oanell écouta avec attention les discussions qui suivaient. Elle remercia les esprits, heureuse que Blodwen se soit reprise et qu'Ultana est daignée participer un peu plus. La conversation même si elle n'était pas beaucoup plus agréable, au moins n'était pas entourée de tension et de colère sous-jacente.

D'un point de vue médical, vous avez ramené un foyer de maladie en plein milieu du centre de soins censé gérer la crise, et ce sans aucune réflexion ni précaution. Je ne veux plus voir d'initiative irréfléchie du même acabit à l'avenir, sans quoi je me verrai obligée de vous mettre en quarantaine forcée au même titre que les villageois."

Oanell se sentit plus blessée qu'elle aurait voulu l'admettre par cette remarque. Après tout, c'est elle qui avait pris les décisions, elle était donc responsable de ce désastre. Mais qu'aurait-elle du faire ? Qu'aurait fait Blodwen à leur place ? Aurait-elle abandonné les enfants et Gillean ? Oanell observait Blodwen -pendant qu'elle parlait- et écouta à peine la suite de la conversation. Les sourcils froncés, nettoyant ses petites lunettes rondes, elle réfléchissait à tous ça. Sa prise d'initiative apparemment mauvaise, les propos un peu froid de Dame Blodwen à l'égard de Gillean et des damathairs, sa propre position en tant qu'apprentie conseillère. Mais ils se faisait tard et la fatigue ainsi que son orgueil un peu attaqué n'aidait pas à une réflexion clair.

Alors qu'elle se débrouillée -mal- avec ses problématique personnelles, Ultana repris la parole et ses connaissances et avis sur ce qui les attendaient n'était pas pour plaire à la jeune barde. Et quand la "seconde mort" de Gilléan fut mentionnée, Oanell observa tristement Aeldred, un peu flou depuis le fond la pièce. Cette soirée devait être affreuse pour lui. Mais ce quelque chose inquiétait encore plus la jeune femme, cette histoire de contamination. Aeldred avait touché les corps et était encore plein du sang des damathairs. Qu'allait-il lui arriver ? Personne ne semblait sans soucier, aussi évita-t-elle de poser la question. Ce qui ne l’empêcha pas de devenir morose, se rappelant qu'elle était responsable de leur petit groupe.

C'est seulement quand Aeldred prit la parole, se lançant dans un monologue presque -enflammé- que la jeune femme sortit de sa bougonnerie interne. Mais qu'est ce qu'il dit encore ! Il est impossible !Mais avons-nous d'autres solutions ? Oanell remis en place ses verres et se tourna vers Blodwen, attendant qu'elle donne ses ordres. Elle avait eu sa dose d'initiative pour la soirée, pour l'instant contente toi de suivre un peu.