[OdE - Chap.2.1] La dernière limite

[Iris]

Burgred venait de se faire claquer une porte au nez, et prenait conscience de la vive inquiétude de son jeu collègue qui était accouru pour le tirer hors d'atteinte des habitants de la maison !

... d'ailleurs peut-être que l'homme dans la ferme avait clos cette porte par peur du comportement de Dubthach ?

[Arthus]

Burgred fronça des sourcils contrariés, tout en soufflant dans sa moustache.

En voilà des manières! Claquer la porte au nez d'un vieil ami de la famille, garde du château qui plus est... Mais bon, peut-être que Martha était malade, et que son frère cadet l'avait veillée depuis de longues heures?

Dans ce cas, l'angoisse et le manque de sommeil pouvaient expliquer ce comportement grossier. Qui plus est, Dame Blodwen avait parlé d'une maladie donnant des hallucinations. Si ça se trouve, la ferme en était atteinte?

A cette pensée, il recula d'un bond, espérant ne pas s'être montré imprudent en s'approchant si près de la chaumière des malades.

A cet instant, il entendit Dubthach lui hurler de reculer.

Tout en s'exécutant par réflexe, il tourna la tête vers son camarade, pensant dans un premier temps qu'il avait fait le même raisonnement que lui à propos de la maladie...

Il fut surpris de le voir courir vers lui, les armes à la main.

Burgred se mit en garde par réflexe, prêt à recevoir l'éventuelle attaque de Dubthach, aussi improbable que ce fut.

"Hola, doucement mon gars, tu vas me rendre nerveux avec tes épées, là!

Calme-toi et explique moi ce qui s'passe."

Burgred scrutait le jeune garde, essayant de détecter d'éventuels signes de la maladie dont on lui avait parlé. Si son camarade était atteint en plus du groupe que la Dame avait envoyé, on serait dans de beaux draps! Et ce serait à lui de gérer la situation, par-dessus le marché... Ce qui impliquait de trouver un abri pour tout le monde, de les convaincre de l'y suivre, et de leur faire avaler la potion de leur seigneur, de force au besoin. Ensuite, il lui faudrait choisir entre veiller tout le monde seul, ou prendre le risque d'aller chercher de l'aide en les laissant sans protection.

Décidément, cette mission commençait vraiment mal.

[Iris]

Burgred regardait le jeune garde. Bon, pas facile dans le noir, même avec une lanterne, de se faire une idée sur "malade ou pas ?" ... Et là, Burgred hésitait fichtrement. Dubthach transpirait l'angoisse. Il n'y avait rien de spécial pourtant, juste un peu la nuit et le brouillard, la fatigue, et c'était tout.

Alors... malade ?... peut-être... peut-être pas... Ralalala !

[Casaïr]

Dubthach avait l'air encore plus à cran que tout à l'heure, et cela mettait les nerfs d'Aeldred à rude épreuve, ne sachant pas réellement de quoi il devait se méfier.

"Vous… Vous entendez aussi ? On dirait… des… comptines… Des enfants qui chantent des comptines…"

"De quoi tu parles ? Je n'entends rien..."

En même temps, ce n'est pas mon point fort, songea-t-il. Peut-être y avait-il des enfants dans la maison ? L'incompréhension se lisait sur son visage alors qu'il interrogeait Oanell du regard. Il n'eut cependant pas le loisir d'entendre sa réponse quand le garde s'élança, armes déployées, vers Burgred.

"Burgred ! Recule !"

D'instinct, Aeldred saisit son arc et encocha une flèche tout en se plaçant entre Oanell et la maison, de telle sorte qu'en cas de danger, elle ne puisse être facilement atteinte. Enfin, il haussa le ton vers les deux soldats afin qu'ils l'entendent bien :

"Qu'est-ce qui se passe ? Vous voyez quelque chose d'anormal ?"

[grayfoxliquid]

"Hola, doucement mon gars, tu vas me rendre nerveux avec tes épées, là!

Calme-toi et explique moi ce qui s'passe."

Dubthach s'arrêta devant Burgred, hébété, la porte venait de se fermer. Il ne savait pas ce qui se passait.

"Mais... cet homme... il était mort ! Et ces enfants qui chantent... le brouillard... le mur... nous encercle... Je..."

Il était plus que confus, regardant rapidement dans toutes les directions, se tournant et se retournant sans arrêt.

[Arthus]

Du coin de l'oeil, Burgred vit Aeldred encocher une flèche à son arc.

La situation était visiblement sur le point de dégénérer...

Prenant son air autoritaire en cas de bagarre d'ivrognes, Burgred clama alors d'une voix de stentor :

"Tout le monde se calme! Et rangez-moi ces armes, avant que quelqu'un ne fasse quelque chose de stupide et se blesse!

Dubthach, reprends-toi mon garçon : y'a pas d' morts qui marchent ni d'gosses qui chantent, y'a juste une ferme isolée avec un gars fatigué qu'est v'nu m'claquer la porte au nez comme un malpoli.

Alors c't'étrange parce qu'il est censé m'connaître, mais avec la maladie on peut pas dire qu'on soit dans une situation normale. Ca n'justifie pas d'enfoncer la porte ni d'passer tout le monde par les armes comme un forcené. En plus on a r'çu des ordres : c'est à eux d'causer avec les gens d'la ferme, pas à nous qui sommes censés rester sains.

Et puis bon, y'a un peu d'brouillard et y fait nuit, mais y'a pas d'quoi hurler au feond pour ça.

En tous cas, j'espère que tu n't'es pas chopé la maladie, parce que sinon j'devrai t'faire boire la potion et te trouver un abri pour que tu n'sois une menace pour personne, à commencer par toi-même."

[Casaïr]

Aeldred se rapprocha en rangeant son arc, attentif au brouillard autour d'eux, l'air soupçonneux.

"Je ne sais pas pour les enfants ou autre chose, mais il a raison pour le brouillard. Ce n'est pas normal qu'il s'arrête à distance comme ça."

Il se rappela des quelques leçons de Fredelme et regretta de ne pas en avoir eu d'avantage sur le moment. Mais il vaut peut-être mieux que j'évite de parler de ça...

Retenant un frisson, il se rapprocha du brouillard, cherchant à comprendre à quoi ils avaient affaire et de comprendre pourquoi il semblait éviter la maison. A moins que la maison n'en soit le centre.

[Arthus]

Ces histoires de brouillard commençaient à rendre Burgred nerveux. Il se reprit cependant rapidement, ses vieux réflexes de soldat reprenant le dessus. Comme toujours dans ces cas-là, l'angoisse fut recouverte par une émotion plus forte, dans ce cas-ci de l'irritation.

"Allons, c'est juste un peu d'brouillard, y'a pas d'quoi en faire un drame!

Si on s'met à avoir aussi peur qu'les gens qu'on est censés aider, alors autant s'chercher un abri tout d'suite, et dire adieu à toutes nos chances de trouver un r'mède."

Il jeta un bref coup d'oeil à Oanell avant d'ajouter :


"C'est pour ça qu'on est là, non?"

[Pwyll]

Perdu dans ses pensées, qui consistaient notamment à imaginer le repas copieux dont il comptait bien profiter une fois toutes ces bêtises terminées, Pwyll avait suivi calmement le groupe et gardé pour lui ses remarques.

D'un côté, il était content du geste de camaraderie qu'avait eu Aeldred au moment de quitter la Rosace, mais, de l'autre, il se demandait à quel point il était un imbécile... À n'en pas douter, il devait être relativement difficile de juger son propre niveau d’imbécillité, surtout si on part du principe qu'on est vraiment un imbécile...

Voilà une idée qui semblait former un fouillis aussi inextricable que la barbe de Pwyll après une semaine passée sans voir de peigne. Mieux valait au final ne pas savoir si on était ou pas un imbécile. Ce sont de telles conclusions qui montraient à quel point les Esprits avaient pensé à tout au moment de créer le monde. C'était peut-être Usgardh qui avait géré l’imbécillité ou alors Roimh ? Plutôt Usgardh car ne disait-on pas "avoir de la flotte dans le cerveau" et "se mettre du plomb dans la tête". Le plomb, c'était Roimh.

Quel sacré boulot quand même...

Sur ces entrefaites, Pwyll prit conscience qu'ils étaient arrivés à la maison d'Aodren. Il regardait sans trop comprendre le comportement des deux gardes et d'Aeldred qui se mettait encore à pointer sa flèche sur n'importe qui, une véritable manie !

C'est alors que Pwyll entendit les échos d'une comptine. Bah. C'était bizarre, mais il avait toujours aimé les comptines.

"Vous entendez cette petit comptine, si c'était pas un peu surnaturel, ce serait presque mignon ! Une chance pour nous que le brouillard bizarre nous guide directement vers la maison, c'est justement là qu'on voulait aller. C'est un peu anormal quand même, mais... enfin ils doivent avoir à manger là-dedans. Je pense que les contaminés ont le droit de manger, non ? Faut entrer de toute façon, on n'a qu'à ouvrir et discuter à l'intérieur s'ils sont malpolis. Après tout c'est urgent."

Pwyll se mit alors, sans s'en rendre compte à chantonner la comptine qu'il entendait en continuant à observer les environs pour trouver la source du bruit... Pwyll chantait atrocement faux.

[Arthus]

La réponse de Pwyll n'était pas vraiment celle qu'attendait Burgred après sa tirade.

Tout cela commençait à devenir légèrement inquiétant.

Tout d'abord, la perspective de devoir gérer seul plusieurs personnes armées, proches du seigneur, qui semblaient basculer une à une dans la folie, ne l'enchantait pas vraiment.

Comble de malchance, les deux personnes qui sembaient le plus atteintes étaient les plus dangereuses : son collègue armé, et l'énorme colosse qui avait -on ne sait trop comment- fait un bref passage dans la garde avant d'obtenir une affectation nettement plus floue grâce à son amitié avec un protégé du nouveau seigneur. Protégé qui n'avait lui-même pas très bonne réputation au village, et qu'il devait précisément gérer aussi en ce moment.

D'habitude, Burgred ne s'intéressait pas tellement aux ragots qui couraient sur Aeldred au village, essentiellement parce que l'isolement volontaire du jeune chasseur avait jusqu'ici permis d'éviter tout débordement qu'il aurait eu à gérer. Il commençait néanmoins à voir les choses d'un autre oeil maintenant qu'il était seul, la nuit, entouré de gens qui basculaient dans la folie...

Que disait-on à la taverne, déjà? Ah, oui, qu'il était maudit, et qu'il avait tué ses parents. Burgred avait toujours haussé des épaules indifférentes par rapport à ces rumeurs, estimant que si Aeldred était vraiment coupable ou maudit, le seigneur Mac Terfinysel l'aurait probablement condamné, tout comme la démorthèn Ultana.

Cette histoire de malédiction sonnait différemment, à présent. Cette réflexions sur les malédictions fit remonter à l'esprit de Burgred les rumeurs qui couraient dans Swelbecky, ainsi que les propos de Dubthach et de Pwyll, et il se surprit à regarder nerveusement autour de lui si le brouillard ne prenait pas de formes fantasmagoriques, et à tendre l'oreille pour vérifier s'il n'entendait effectivement aucune comptine surnaturelle.

Il ne vit ni n'entendit cependant rien d'anormal : juste une chaumière habitée, la nuit et le brouillard. Et une comptine chantée de façon atroce par un géant au comportement d'enfant, ce qui parachevait le ridicule de la situation.

Burgred se sentit soudain très bète d'avoir douté de son bon sens pour prêter foi à ces allégations ridicules, comme un gosse qui a peur du noir. Cela le mit en colère; une colère avant tout dirigée contre lui-même, mais qu'il dévia sous forme d'irritation vers ceux qui l'entouraient.

C'est donc d'une voix assez autoritaire, et un brin plus agressive qu'en temps normal, qu'il martela :


"Bon, ça suffit les bêtises maintenant!

Arrêtez d'jouer à vous faire peur, on est pas à la veillée chez les damathairs, ici! Ni à la taverne!

On a des voisins à aider, alors pas d'temps à perdre avec des fariboles ridicules! Y'a juste un peu d'brouillard et pas grand'chose de plus, alors inutile d'en faire tout un fromage!

Dubthach, reprends-toi mon garçon! T'es garde, j'te pensais moins émotif!

Quant à vous, j'pensais qu'vous d'viez parler à la famille d'Martha... Elle est là, alors qu'est c'que vous attendez pour l'faire? Plus vite ce s'ra fait, plus vite on pourra rentrer et p't'être aider tout l'monde!"