[OdE Chap.5] Les barreaux de roseaux (Forêt engloutie)

[Casaïr]

Aeldred connaissait si bien le chemin que ses pas le guidèrent automatiquement vers la Clairière, malgré l'état dans lequel il était. Les mots d'Oanell ne cessaient de tourner dans sa tête, lui donnait l'impression qu'il n'avait pas été assez attentif aux désirs de la jeune femme et il s'en voulait terriblement tout en lui donnant raison : pourquoi rester avec quelqu'un qui n'en faisait qu'à sa tête à la moindre occasion ? Pourquoi finalement vouloir être quelqu'un d'autre à ce point si cela ne lui apportait finalement que du mal ? Malgré tout son cœur saignait abondamment et la douleur qu'il ressentait risquait de mettre du temps à passer. Au moins, elle vit au château, je ne la verrai plus aussi souvent qu'avant, se dit-il sans savoir si c'était un bien ou pas.

Il progressait mécaniquement, bercé par le rythme qu'il avait adopté. Il arriva bientôt près d'un bosquet plus touffu que les autres et s'y engagea naturellement alors que rien ne le différenciait des autres, le "passage secret" comme il aimait l'appeler. La végétation avait reprit le dessus sur le minuscule sentier qu'il avait créé pour son propre usage et il progressait difficilement, s'entaillait les mains sur les ronces en les écartant. Il traversa enfin l'épais taillis et se retrouva dans sa Clairière, son deuxième chez lui. L'immense chêne-liège lui semblait plus grand qu'avant, sa couronne de branches feuillues s'étendant sur presque toute la trouée, dans un bienveillant geste de protection, le petit ruisseau qui coulait entre ses racines était plus vivace en cette période de l'année, profitant sans doute de neige résistant vainement à sa fonte annoncée par le redoux progressif. L'eau était glaciale, il le savait pour avoir déjà mouillé sa main en pareil saison, les années précédentes alors qu'il évitait les fêtes comme l'Earrach Feis. Sentant le vague à l'âme l'envahir, il se tourna vers sa cabane. Il n'était pas charpentier et cela se constatait aisément. Elle tenait debout, était plus ou moins isolée du froid extérieur, mais l'on sentait qu'il y avait plus de bonne volonté que de réelle expérience dans celui qui l'avait bâti. Aeldred grimaça en constatant qu'il devrait revenir prochainement pour la retaper un peu, pourquoi pas avec des matériaux de l'ancien atelier, maintenant qu'il songeait à s'en débarrasser. Tout n'était pas à jeter dedans, cela lui permettrait d'en recycler un peu. Il traversa le petit pont improvisé qu'il avait jeté en travers du ruisseau pour se rendre dans la maisonnette dont il laissa la porte ouverte pour l'aérer un peu. Il posa son sac puis attrapa une serpe qui pendait de l'un des murs avant de se rendre au petit monticule de pierre qu'il avait façonné pour sa mère. Il découpa l'herbe vivace autour pour dégager le minuscule tertre qui ne devait pas mesurer plus d'une trentaine de centimètres de hauteur puis, satisfait, s'en alla ranger l'outil de jardinage, attrapa la couverture dans son sac pour aller la poser au sol au côté de la petite tombe. Une fois installé, il décrocha la fibule de sa cape puis la posa sur le tertre, repensa brièvement à ce jour où son père l'avait offerte à sa mère quelques mois avant que tout ne dégénère.

"Bonjour maman, dit-il doucement. Excuse-moi, j'aurai dû venir plus tôt."

Il savait bien que sa mère n'était pas là, il n'y avait que le peigne de bois qu'elle affectionnait tant sous ces quelques pierres mais cela suffisait bien au jeune homme. Il passa en revue ce qui s'était passé ces derniers mois, lui raconta ses aventures, ses doutes, ses joies, ses peines. Il parla de la fête d'aujourd'hui d'une voix tremblante d'émotion, sa séparation d'Oanell. Il était à deux doigts d'accepter la proposition de Fredelme tout en sachant que ce ne serait pas la solution, pas maintenant en tout cas ; il aurait la sensation de fuir et jamais il ne pourrait espérer devenir meilleur s'il s'en allait. Et puis, comment venir en aide aux autres s'il ne parvenait déjà pas à s'aider lui, à aider ses amis ?

Lorsqu'il s'arrêta finalement de parler il avait la gorge sèche et le ventre vide. Il partit récupérer son sac et s'installa dans le renfoncement de racines de l'arbre massif, mangea rapidement, se désaltéra. Il s'installa ensuite un peu plus confortablement pour regarder le ciel qui perçait çà et là entre les branches du chêne. Ses pensées tournait autour de la jeune femme qui venait de le quitter.

[Caeso Senjak Khan]

Jazkez. Tu vas te calmer de suite. Les recherches attendront demain et le départ aussi. Et ce n'est pas une question. Aidez moi à l'amener dans sa chambre.

Jazkez ouvrit la bouche et la referma. L'intervention d'Oanell l'avait assis sur le cul. *Candide petite Barde où es tu ? * se murmura t’il à lui même. Il nota aussi que les gardes avaient immédiatement réagis en obéissant à la jeune femme et s'approchaient de lui d'un pas décidé. La présence de ces hommes d'armes venant vers lui le dégrisa rapidement. Il fallait agir ! et vite ! Il croisa le regard de ses compagnons et leur fit un petit non de la tête puis il ouvrit grand les bras en criant:

-À la Bière fontaine
M'en allant m’abreuver,
J'ai trouvé la mousse si belle,
Que je m’y suis soulé.

Il y a longtemps que je bois
Jamais je ne me souviendrai !

Puis il se laissa tomber de tout son poids dans les bras du premier garde et roula un peu sur le coté.

-Sous des tonnelles en chêne
Je me suis rincé le gosier.
Sur le plus haut tonneau,
Un joyeux barde chantait.

Il y a trop longtemps que je bois
Jamais je ne me souviendrai !

Il se laissa un peu glisser d'entre les bras du garde et regarda en direction d'Oanell.

-Chante, barde, chante,
Toi qui as le cœur gai,
Tu as le cœur a rire,
Moi, je l'ai à me souler.

Il y a trop longtemps que je bois
Jamais je ne me souviendrai.

Jazkez se laissa emporter au château en trainant un peu la patte, très amusé par la tournure qu'avaient pris les évènements. Un bon lit bien douillet en lieu et place d'une paillasse près d'un marais. Quelle bonne idée finalement.

[Iris]

Jazkez passa assurément une meilleure nuit au château que sur un grabat de la tour hilderine de Swelbecky. Après une nuit pleine de rêves agités et tourmentés, il rejoignit la table du petit déjeuner, dressée dans la salle commune. Oanell était là et l'osfer croisa Blodwen de bonne humeur. La barde l'avait avisée que le groupe allait mener des recherches dans le marais et la seigneuresse leur souhaitait bonne chance tout en insistant pour qu'ils restassent prudents.

Oanell fit quérir Pwyll et Aeldred par des gardes. Le premier trouva sans difficulté le colosse pour lui dire de se mettre à disposition du hilderin ; le second en revanche ne trouva pas Aeldred. Il dut revenir, et après quelques tergiversations, Pwyll fut désigné pour ramener le chasseur.

Cahin-caha les amis piteux rejoignèrent le chemin menant à Swelbecky tandis qu'Oanell et Jazkez étaient déjà à cheval et commençaient leur route avec Madenig et les deux autres gardes hilderins.

Au bout d'une bonne heure, le groupe atteignit le hameau. Les habitués des lieux et Oanell savaient où se trouvait la demeure de Gouezan.

...

Quel était le plan ? ...

[Casaïr]

La nuit passée dans sa Clairière s'était bien passé et Aeldred s'était réveillé d'assez bonne humeur. Celle-ci retomba brutalement en voyant Pwyll, puis il comprit.

"Oanell t'envoie me chercher, c'est ça ?" demanda-t-il sombrement sans véritablement attendre de réponse.

Qu'est-ce qu'elle me veut maintenant ? Finalement Pwyll lui expliqua que c'était Jazkez qui le demandait et le jeune homme n'était pas bien certain de préférer cette version. C'est d'humeur maussade qu'il récupéra ses affaires.

"On doit passer chez moi d'abord, que je récupère mes armes et un peu de matériel."

Le ton se voulait sans réplique. Il ajusta sa fibule sur sa cape puis prit la route avec son ami. Il s'en voulait de son comportement mais il s'était imaginé avoir plus de temps pour digérer la "fête" et ce droit lui était refusé. Il valait mieux que ce soit pour une bonne raison.

***
Swelbecky. Encore.

On lui avait expliqué pourquoi il était là. Il comprenait parfaitement, c'était la mission de Jazkez que de retrouver ses amis. Mais il lui était impossible de regarder simplement dans la direction d'Oanell. D'ailleurs il ne lui avait pas adressé la parole lorsqu'il la vit, encore moins pendant le trajet. Il avait l'impression qu'on lui enfonçait un poignard dans le cœur encore et encore. Il ne savait quelle puissance supérieure était à l'œuvre en ce moment-même, mais il était persuadé qu'elle devait bien rire de la situation. La présence de chacun était logique. Sauf la mienne, pensa-t-il immédiatement. Il ne comprenait pas pourquoi Le hilderin l'avait appelé. La seule fois où il avait dû le supporter, alors qu'il cherchait déjà des traces de passage du feond -ou de ses victimes- s'était révélé un fiasco complet. Il restait persuadé qu'il aurait pu demander à quelqu'un d'autre, voire à quelqu'un qui connaissait cette région. Mais plutôt que de protester il préféra se murer dans le mutisme, cherchait vainement une explication à cela, la main sur le rossignol d'argent.

[NailsEater]

La nuit avait été difficile et ...le matin encore plus. Elle se prépara et fit quérir Pwyll et ... Aeldred. Quand elle rejoignit Jazkez et Madennig, elle ne fit aucun commentaire à propos de la veille et ils se mirent en route une fois que tout le monde fut prêt. Elle fit de son mieux pour ne pas regarder Aledre et s'en tenir éloigner, ne voulant pas .. enfin essayant de ... ne pas raviver trop de souvenir douloureux. Une petit heure - silencieuse- plus tard, ils arrivèrent à Swelbecky.

La barde préféra présenter un peu à ses compagnons Gouezan avant qu'ils le rencontrent :

Gouezan est ... particulier. J'ai rarement connu quelqu'un d'aussi buté et obtus. Il n'aime pas l’autorité et est du genre ... énervé. Constamment. Je ne pense pas qu'il nous fera un bon accueil.

A entendre le ton sec et émotuif d'Oanell, il n'était pas difficile de deviner que ses débuts de perceptrices d’impôts avaient été laborieux et légèrement traumatisant dans le cas de Gouezan.

[Caeso Senjak Khan]

La nuit avait été très bonne. Il avait très bien dormi. Le début de journée aurait été également parfait si on ne l'avait pas réveillé si tôt pour leur trajet vers Swelbecky. Il profita de la route pour somnoler un peu sur sa monture et c'est tout ragaillardi mais la bouche néanmoins pâteuse qu'il arriva à destination. Oanell prit un moment pour leur faire part de la situation.

-Allons Allons, je suis sur que c'est un garçon très sympathique. Et puis tu sais très bien te montrer persuasive quand tu en prends un tant soit peu la peine à ce qu'il me semble. J'ai toute confiance en ta fibre diplomatique.

Il mit pied a terre et s'étira longuement.

-La dernière fois que tu l'as vu c'étais pour faire main basse sur son pécule, à quoi t'attendais tu ? Aujourd'hui le rustre Gouezan reçoit la visite de la Barde du domaine de Terfynisel escortée de quatre hilderins et de deux affreux. Je suis certain que ça va le rendre plus intelligent.

Jazkez alla se camper devant la porte puis s'écarta en s'inclinant exagérément devant la jeune femme.

-Après toi.

[Casaïr]

Aeldred écoutait d'une oreille ce que disait Oanell tout en regardant ailleurs. Demander des renseignements auprès d'une tête de mule cabocharde et qui avait déjà pris en grippe l'autorité locale, voilà qui annonce du grand n'importe quoi encore, pensa-t-il avec cynisme. Et ce n'était pas les propos de Jazkez qui rassurerait le chasseur.

Enfin, si ça les amuse.

Sa présence n'étant pas nécessaire, il préféra s'écarter un peu du groupe. Il avait besoin d'air.

[NailsEater]

-Après toi.

Oanell avait espéré que le hilderin passerait devant mais ... il n'en fit rien. Aussi, prenant sont courage à deux mains, la barde alla toquer à la porte et .. recula d'un pas. Dans le doute.

Gouezan ?

[Iris]

Le chien de Gouezan avait annoncé la venue des visiteurs bien avant qu'Oanell toqua, de sorte que le fermier ne fut pas spécialement surpris d'entendre un visiteur. Il y eut des discussions à l'intérieur, du mouvement près d'une fenêtre, puis une ouverture brusque de la porte.

" C'est pour quoi ? C'est plus la saison des impôts, reviens dans six mois ! Et c'est pas la peine de chercher à m'intimider avec des hildeux cachés derrière toi !"

[NailsEater]

Oanell recula d'un pas de plus, completement intimidée par l'homme. Elle essayait de faire bonne figure mais le malaise était palpable.

C'est que ... pour .. hmm ... Ce n'est pas pour les impôts. Sir Jazkez voulait vous poser des questions. Nous avons appris que vous aviez trouvé un écu hilderin dans le marais et il aimerait en savoir plus. Jazkez ?

Elle s'effaca pour laisser passer le chevalier, essayant de se faire toute petite et surtout de ne pas être au premières loge ...