[OdE Chap.5] Les barreaux de roseaux (Forêt engloutie)

[Pwyll]

Pwyll avait dispersé ses élucubrations éveillées à grand coups de rame. Doucement, sa nature avait repris le dessus et il affichait un demi-sourire incrédule, entrecoupé de hochements de tête qui venaient souligner à quel point Aeldred avait exagéré aujourd'hui. Pousser le bouchon jusqu'à ressusciter pour le faire tourner en bourrique, c'était pas donné à tout le monde.

Un bon coup de rame et voilà.

Quelle présence impie et avide avait pu être enfermée dans le sous-sol de cette ancienne bâtisse ?

Un bon coup de rame, ça c'est sûr. Sur le crâne, même.

Une fois arrivé à bon port, même lui sentait que son énergie avait été sapée par cette journée.

Lorsqu'Aeldred demanda ce qu'ils comptaient faire, Pwyll répondit sans trop hésiter :

J'irai là où Jazkez me dira. Et arrête de t'excuser. Par contre, les explications, je suis bien partant, c'est sûr.

[Caeso Senjak Khan]

Une fois que tout le monde eut fini de débarquer, ils installèrent Morch près du chemin de rondins sous la surveillance appuyée de Jazkez. Puis ils se regroupèrent afin de décider de la marche à suivre.

-Madennig et Ergat. Trouvez moi une grosse branche solide afin de nouer la couverture de Morch autour. Comme ça on pourra le porter plus facilement, comme un ballot.

Il attendit que les deux hilderins s'éloignent et se tourna vers ses compagnons.

-J'pense qu'on va pousser direct jusqu'a Terfynisel. On a tous besoin d'repos et puis Blodwen sera contente d'être mise au courant que c'est le bordel dans son marais. Tuala Madennig et Ergat resteront à la tour. Une fois la haut, Morch prendra mon cheval et je monterai avec Oanell. Sinon Tuala, essaye de me r'motiver Ergat, file lui une mission ou un truc à faire, qu'il se sente utile. Un truc d'hilderin, pas une corvée. Quand on reviendra à Swelbecky ce s'ra pour percer un tonneau de cidre et s'faire une ptite réunion de l'excursion. Et Tuala. C'était bien. Vous avez tous assuré. Vous pouvez être fier de vous, même Ergat. C'est pas facile la première fois avec un Féon. L'important c'est qu'on ait retrouvé nos compagnons et ramené Morch. En attendant que j'revienne, pas un mot sur ce que vous avez vu la bas ou pensez qu'il se s'rait passé. Vous la fermez. Reçu ?

Il se fendit d'un large sourire et lui mit secoua amicalement le bras. Puis il s'approcha d'Oanell et posa ses mains délicatement sur ses épaules.

-C'est fini Oanell. Pwyll va te porter jusqu'a la haut et tu monteras avec moi jusqu'a Terfynysel. Comme ça j'te raconterai tout c'que Morch m'a dit.

Il lui fit un ptit clin d'oeil. Une fois Madennig et Ergat revenu et Morch installé, il donna le signal de départ.

[NailsEater]

La barde suivait docilement le groupe, elle monta derrière Jazkez. Elle reprenait petit à petit vie et contenance au fur et à mesure qu'ils s'approchaient de Terfynisel. Elle observait le paysage pendant la chevauchée, un peu ailleurs mais plus présente que précédemment. Accrochée à Jazkez, elle se laissait porter observant Aeldred de temps à autres, sourcils froncés.

[Casaïr]

Puisque tout le monde semblait d'accord (hormis Oanell qui semblait toujours apathique), ils prirent des chevaux et prirent la route pour Terfynisel. Aeldred prit le temps de dire au revoir aux trois hilderins, notamment à Madennig et Ergat qui semblaient les plus durement touchés moralement.

"Reposez-vous bien tous les deux, un repas chaud et une bonne nuit de sommeil vous fera le plus grand bien."

Il voulait ajouter quelque chose mais sentit que ce serait superflu. Il les salua alors puis monta sur sa monture avant de prendre la route pour son village natal.

**

Aeldred guidait le groupe comme à son habitude mais sans trop s'éloigner, la nuit tombait vite et bientôt il fallut allumer des torches pour éviter les accidents sur la route menant à Terfynisel. Il jetait régulièrement des coups d'œil derrière lui pour s'assurer que le groupe suivait bien. Il eut un léger pincement au cœur en voyant Oanell calfeutrée dans les bras de Jazkez. Il ne savait pas vraiment quoi en penser. La sensation ressentie pendant sa... mort était puissante et portée par tout un groupe, et il avait apprécié cela. Il serait d'ailleurs volontiers resté s'il n'avait pas eu une mission à accomplir désormais.

C'est sans doute mieux comme ça, se dit-il. Elle ne comprenait déjà pas ma passion pour les fantômes avant, elle s'opposerait davantage à ce que je veux faire maintenant.

Néanmoins, il n'oubliait pas les sentiments puissants qui l'animaient toujours. Il lui faudrait du temps pour vraiment tourner la page de leur relation. Il n'était toujours pas certain que leur amitié y survive mais il ne dériverait plus de son but.

Quitte à l'accomplir seul.

Il n'était pas vraiment triste ou même déçu. Il était d'ailleurs persuadé que ses amis le prendraient pour un fou, et il l'était peut-être en vérité. Mais il avait un but clair et défini aujourd'hui, et c'était la première fois que son chemin lui apparaissait aussi clairement. Même s'ils tenteraient certainement de l'en dissuader.

Enfin, ce n'est pas comme si ça allait être rapide ou aisé à mettre en œuvre.

Bientôt les lumières du village apparurent devant eux, laissant le jeune homme perplexe. Il devrait ressentir au moins quelque chose en voyant l'endroit où il avait toujours vécu mais à la place d'une joie quelconque ou d'un sentiment d'abattement, il avait l'impression d'un grand vide.

C'est le bracelet, c'est certain. Je dois trouver un moyen de le détruire au plus vite.

Il devait cependant remettre ses plans à plus tard et dirigea sa monture vers la porte d'enceinte du château. Il se tourna alors vers Jazkez pour lui parler, essayant de ne pas se sentir perturbé par la présence d'Oanell tout contre lui.

"Avez-vous besoin de moi pour parler à Dame Blodwen ?"

[Caeso Senjak Khan]

Le château de Terfynisel ne lui avait jamais paru aussi accueillant qu'à cet instant. Il tira doucement sur les rênes afin de stopper sa monture sans déranger Oanell.

-Non c'est bon. De toute façon je vais juste la prévenir que nous sommes rentrés et que nous avons retrouvé la trace des hilderins. Rendez vous demain après le déjeuner. On lui fera un récit plus complet de notre expédition. Pour ce soir je pense que nous avons surtout besoin de tous nous reposer.

Il observa Aeldred, semblant réaliser qu'il ne montrait aucun signe de fatigue ni de souffrance.

-D'ailleurs toi aussi tu dois avoir envie de te reposer pas vrai ? Après ce que tu as ramassé. D'ailleurs je sais pas comment tu fais pour tenir encore debout.

Il fit claquer sa langue. La monture d'Oanell émit un petit hennissement et se remit en route, tirant celle de Jazkez. Le corps de Morch en travers de la selle, à moitié découvert suite au trajet, dodelinait au rythme des pas du cheval.

[Casaïr]

"Très bien, s'inclina Aeldred. Et je suis un peu fatigué, c'est vrai. J'ai encore un peu à faire avant d'aller me reposer."

Il s'apprêtait à se retourner mais se retint.

"Repose-toi bien, Oanell. Pwyll, nous discuterons de tout cela quand elle ira mieux, cela te convient ?"

L'apathie d'Oanell ne semblait pas vouloir la quitter mais le chasseur ne pouvait rien faire de plus. Seule une nuit de repos pourrait la remettre d'aplomb. Il laissa son cheval aux gardes du château (après tout, il s'agissait d'une monture hilderine) et s'en retourna après un dernier salut vers le village. Il hésita un moment mais se décida quant à la direction à suivre : la maison de sa sœur.

La nuit s'installait doucement à Terfynisel mais la tranquillité ne l'avait jamais dérangé. Auparavant c'était comme un cocon rassurant, maintenant il se plaisait à écouter les différents bruits de la nuit comme s'il les entendait pour la première fois. Il redécouvrait son village. Il se retrouva rapidement devant la porte de la dàmàthair et frappa selon le rythme qu'il avait toujours utilisé, un coup sec puis deux. Cela faisait longtemps qu'il ne l'avait pas vu, elle n'était même pas au courant pour sa rupture. Il était donc plus que temps de rattraper le retard.

Lorsqu'elle ouvrit la porte, il la salua avec un grand sourire.

"Salut, grande sœur."

[Casaïr]

Rhea fit entrer son frère adoptif en souriant puis le précéda jusqu'à la table où ils s'installèrent. Une bonne odeur de tisane embaumait la maison tout en rappelant des souvenirs à Aeldred. Il savait qu'il n'avait pas accordé l'attention nécessaire à sa sœur et il s'en voulut. Mais puisqu'il était là, il pouvait rattraper un peu le retard accumulé. Ils discutèrent ainsi un long moment avant que les sujets ne se tarissent un à un. Restait l'Earrach Feis.

"Je me suis dit qu'il valait mieux que tu le saches avant que la nouvelle ne fasse le tour du village, mais Oanell et moi c'est terminé. Elle a rompu pendant la fête. C'est... c'est comme ça, c'est tout."

Lui dirait-il qu'elle l'avait fait alors qu'il venait de lui demander sa main ? Non, ça ne servirait strictement à rien, sinon à amener sa sœur a déprécier la barde. Il se contenta alors de hausser les épaules.

"Au fait, je t'ai vu quitter précipitamment la fête, suivi de Joavan. Tu as un problème ?"

[Iris]

Dans la maison de la damathair de Terfynisel


Rhea accueillit son protégé avec sa bienveillance coutumière, même si elle était bien moins gaie que depuis la mort de Gillean.

" Je suis désolée pour toi et Oanell."

Aeldred l'interrogea alors au sujet de Joavan :

" Ah...lui... il voulait me demander en mariage. Il ne s'y prend pas bien, mais il est persévérant, ça, on ne peut pas lui retirer."

[Casaïr]

Il accepta les condoléances de sa sœur d'un haussement d'épaule.

"C'est sans doute mieux ainsi, non ? Je veux dire, elle est la deuxième personne la plus importante d'ici, elle ne peut clairement plus fricoter avec quelqu'un comme moi." Sentant le regard de Rhea, il ajouta aussitôt : "mais ne t'en fais pas, je le prends bien. Il faut juste que maintenant je fasse le deuil de notre relation. C'est plutôt... déstabilisant, je dois dire."

Quand sa sœur lui répondit, Aeldred tomba de haut. Rhea et.. Joavan ?

"Mince, je ne savais pas que cette pince te courait après. Ho, pardon."

Il observa le silence un instant avant que sa curiosité ne le pousse à poursuivre son investigation.

"Mais, ça fait longtemps ? Je veux dire, c'est assez... inattendu", termina-t-il un peu maladroitement. "Et tu penses quoi de lui ?"

[Iris]

Rhea ne paraissait pas savoir qu'en penser : "Depuis le milieu de l'hiver, plus ou moins."

"Il est gentil, à sa manière. J'imagine que je ne retrouverai jamais quelqu'un comme Gillean, et je ne vais pas rester comme ça, sans me marier. Terfynisel compte beaucoup trop de célibataires. Une communauté ne vit que par ses enfants."