[OdE 7.7] Une matinée à Louarn

[Casaïr]

Les deux amis discutèrent encore un moment, le temps de finir leur pique-nique improvisé, bientôt rejoint par Aeldred, convié à partager leur butin. Bryn s'excusa (mais à moitié seulement, il avait ses principes qui n'avaient guère évolués en quatre années) et lorsque finalement il les quitta pour reprendre la route, les deux hommes étaient un peu plus proches qu'au matin.

Une heure plus tard, Bryn avait reprit la route, laissant Madenig et Aeldred seuls, sur la route où il leur avait dit au revoir. Aeldred attendit un peu avant de se tourner vers l'osfei hilderine.

"Désolé pour tout à l'heure, j'étais pas d'une cohérence folle, ton ami s'est s'y prendre pour faire dire n'importe quoi aux gens. Je voulais pas te mettre mal à l'aise ou quoi que ce soit, et j'avais pas à te dire tout ça non plus alors que tu m'avais dit que ce n'était pas ce que tu voulais en ce moment. Bref, excuse-moi."

[Madennig]

Madenig semblait un peu triste depuis le départ de Bryn et ne le cachait pas à Aeldred. Lorsqu'il lui parla, elle prit le temps de l'écouter, regardant ailleurs, notamment les herbes piquées de minuscules fleurs à certains endroits. Quand il eut fini, elle lui renvoya un sourire toujours triste, mais déjà plus malicieux.

"Je ne suis que garde du corps, pas garde du cœur... J'y connais rien à tout ça, tu peux me dire tout ce qui te passe par la tête, ce n'est pas grave. Tu n'as pas de raison de t'excuser... A force, tu comprendras peut être comment ça marche avec moi..."

"Tu parlais de clef... Et je t'ai dit que ce n'était pas un problème de clef. C'est plutôt la manière de s'en servir qui..."

Elle haussa les épaules, sans savoir quoi ajouter, puis changea de sujet.

"C'était beau ce que tu as vu pendant ta promenade ?"

[Casaïr]

"Je n'y connais pas grand chose non plus, je te rassure", répondit Aeldred en riant avant de continuer : "C'était très beau, oui et un peu effrayant aussi : la route des Brumes est à flanc de falaise et il y a une simple chaîne de bronze comme garde-fou, mieux vaut ne pas avoir le vertige ! Mais je ne suis pas allé très loin, la route est très dangereuse sans préparation adéquate -et tu peux constater que je n'ai actuellement pas le genre d'équipement nécessaire à ce genre d'expédition- mais j'y allais surtout pour la vue, si tu veux je peux te montrer, il ne faut pas aller très loin et c'est déjà franchement impressionnant."

Il semblait s'être remis de la farce de Bryn et tendait la main à Madenig pour l'inviter à le suivre.

[Madennig]

Madenig se sentant à coté de ses bottes, convint assez rapidement que la proposition d'Aeldred ne lui ferait pas de mal.
Elle le suivit alors, se laissant guider. Peut être qu'une belle vue lui apporterait assez de joie pour oublier le vide laisser par Bryn.

Au bout de quelques pas, elle brisa le silence.

"C'était comment hier soir ? Vous vous êtes bien amusé ?"

[Casaïr]

Aeldred eut un rire gêné.

"Intéressant, oui, amusant... ça dépend si tu apprécies de te faire remonter les bretelles par le commandeur Ronces local. Finalement c'est Pwyll qui aurait le plus apprécié je pense, Galenor a un peu parlé d'Algwych Dert et des alignements de Tursal. Enfin je ne dis pas que ça ne m'a pas intéressé, au contraire mais lui y aurait largement plus trouvé son compte."

Ils quittèrent à nouveau Louarn, suivant la route un moment jusqu'à voir la fameuse route, signalée par une borne très ancienne. Il suffisait à partir de là de marcher quelques minutes pour voir la route s'étrécir de façon prodigieuse et effrayante en même temps que le panorama offrait un spectacle à couper le souffle : de là où ils étaient, il était possible aux deux amis de voir à des kilomètres à la ronde, avec une vue quasi imprenable sur la grande forêt des Soupirs qui s'étendait à perte de vue au nord de leur position et sur l'Océan Furieux à l'ouest.

"J'adore ce genre d'endroits, dit Aeldred, rêveur. Je pourrais rester ici pendant des heures à admirer la vue. Pendant mon service d'Ost je n'avais pas eu l'occasion de visiter ou de m'aventurer par ici et je n'en avais de toutes façons pas l'envie mais aujourd'hui, je suis content de pouvoir le faire."

Cette fois-ci, Aeldred souriait franchement, de ce fameux sourire que Madenig avait cherché à lui soutirer chez lui.

"Quand on rentrera, il faudra que je te montre ma Clairière, j'ai vu que tu aimais bien les grands arbres tout à l'heure. Le chêne-liège qui s'y trouve devrait te plaire énormément."

[Madennig]

Elle s'accroupit, puis s'assit à même le sol, pour observer avec plus de calme le paysage.

"Gaffe, parce que j'aime vraiment grimper dans les arbres... Je risquerai de ne plus descendre ensuite, du moins, pas avant un bon moment. Mais oui, quand on rentrera, je serai contente de t'accompagner en balade ou en chasse."

Elle laissa encore filer le temps, sans rien ajouter, absorbée par la vue grandiose. Elle ne releva pas le sujet du service d'ost, bizarrement.

"Pwyll avait l'air si déçu... Il m'a raconté l'histoire des esprits des amants. C'est assez étrange comme histoire... Non ? Ca arrive souvent ce genre de problème ? Chez moi, ça n'arrivait jamais... On s'ennuyait bien plus à Salaïs !"

[Casaïr]

"Ho."

Aeldred détourna le regard du spectacle saisissant devant lui pour le poser sur la jeune femme accroupie.

"C'était... Je n'en garde pas un très bon souvenir, et c'est je pense aussi ce qui a signé le début de la fin de notre couple avec Oanell. Ethel m'avait donné le manuel de la Lune Noire, celui que je t'ai montré quand tu es venue me voir. Dedans, il y avait une histoire sur un couple, ou plutôt un homme parti depuis longtemps et retourné chez lui pour n'y trouver que des ruines et tous ses occupants, dont sa bien aimée, morts. On a rapidement découvert qu'il avait trouvé la mort à cause d'un éboulement, mais aussi qu'un couple s'était aventuré dans les ruines avant de semer la mort. On a remonté leur traces, les cherchant dans les bourgades alentours avant de nous rendre compte qu'ils s'étaient installés en bordure de Terfynisel."

"On a essayé de discuter avec eux, de les convaincre de libérer les gens qu'ils possédaient, j'avais même lu un rituel dans le manuel permettant de les forcer à obéir même si je sais aujourd'hui que je n'aurais jamais réussi, je n'en avais pas encore la possibilité et je ne l'ai pas davantage maintenant."

"Bref, on a dû se battre, j'ai pris de méchants coups dont je garde encore les cicatrices, résuma-t-il en se touchant les côtes, et Pwyll... pour nous protéger les a littéralement assommés. Et il a bien fait, j'ai failli y passer ce soir-là. L'homme n'a pas survécu à ses blessures et Ultana... elle n'a pas cherché à repousser le fantôme. La femme a été exécutée puis brûlée. Depuis j'ai beaucoup appris du Manuel, toujours pas assez pour faire une quelconque différence si je devais en rencontrer un autre mais suffisamment pour que cela me coûte mon couple."

Il soupira en s'asseyant à côté de la jeune femme, quelque peu miné par les mauvais souvenirs qui venaient de resurgir.

"Quant à la fréquence de ces événements... Il y en a, c'est sûr. Mais c'est parce que la forêt est rongée par un mal qu'il faut éliminer. Et parfois ce genre de menace resurgit pour le plus grand malheur de tous. Je vais devoir travailler d'arrache-pied pour aider tout le monde à nettoyer la forêt", sourit-il faiblement.

[Madennig]

Toujours assise à coté de lui, elle exerçait avec son buste un très léger mouvement de balancier. Le paysage captivait son regard.

"Je comprends pas bien comment ce Manuel a pu te coûter ton couple ? Qu'a-t-il de si particulier ?... Si tu me donnais ce Manuel par exemple, est-ce que cela pourrait réparer ta relation avec Oanell dans ce cas ? ... "

"...Fais-le vite, alors, j'ai l'impression qu'elle plait à Jazkez... Enfin, je ne dis pas ça pour t'énerver, c'est une jolie femme, c'est normal qu'elle puisse plaire. Il n'est ni le premier, et ne sera pas le dernier à la complimenter. D'ailleurs, hier soir, elle m'a proposé de m'aider à... Enfin..."

"... A me coiffer... ou m'habiller... Je n'ai jamais porté de robe, vraiment, plus d'une heure... N'y vois rien de grossier. Mais j'ai toujours été plus à l'aise dans des vêtements masculins... Ca a toujours été dans mon tempérament. En échange, je lui apprendrai des choses utiles aussi, comme lancer des couteaux ? Ou de la lutte ! C'est bien ça, la lutte."

Elle lui souriait toujours, malgré sa mélancolie.

"Du coup, tu pourrais m'apprendre à lire, avec ce livre là ?"

[Casaïr]

"Je pourrais t'apprendre à lire mais pas avec un livre de ce genre, rit-il. C'est assez complexe comme lecture, il vaut mieux commencer par quelque chose de plus didactique. Mais quand tu seras familiarisée avec les lettres, on pourra lire dessus, si c'est ce que tu souhaites."

Madenig évoqua ce qu'Oanell voulait faire avec elle, la rhabiller, la coiffer, la maquiller peut-être ? Il la regarda, imaginant à quoi elle pourrait ressembler habiller autrement qu'en soldat. Sans succès apparemment.

"J'aimerais bien te voir en robe, ça changerait ! Même si tu ne la gardes pas longtemps, au moins j'aurais l'occasion de voir une autre Madenig."

Il ne semblait pas avoir conscience du double sens de ses propos tandis qu'il poursuivait.

"Pour Oanell... Elle n'aime pas l'occultisme, elle trouvait le sujet trop.... lugubre ou je ne sais quoi. Et tu sais, c'est malheureux mais je pense qu'elle m'a quitté aussi parce que nous n'étions pas du même niveau social. C'est normal, en tant que barde d'un domaine, même aussi peu riche que Terfynisel -même si ce point va changer bientôt-, elle ne peut pas fréquenter le tout venant. Et si Jazkez veut la fréquenter.... ça me fera un peu mal, je ne dis pas le contraire, mais c'est du passé. Quand je suis... revenu, après que le feond m'ait tué... j'avais l'impression qu'il s'était passé des jours, même si c'était bien plus abstrait que ça. J'ai été nettoyé d'une grande partie de ce qui me faisait du mal et je pense que ça m'a coûté une grande part des sentiments que j'avais pour Oanell. Sinon je n'aurais sans doute pas pu surmonter un tel échec."

"C'est sans doute idiot, mais je me vois souvent marié avec des enfants, sauf que ma femme n'a pas de visage pour le moment. Je savais qu'avec Oanell il y avait un risque que ça échoue pendant l'Earrach Feis, et si des villageois ne m'avaient pas asticotés -comme Bryn tout à l'heure, tiens-, je n'aurais sans doute pas été faire ma demande. En même temps, si on avait rompu avant que je ne fasse cette bourde, sans doute n'aurais-je pas essayé d'affronter un monstre marin avec un simple poignard."

[Madennig]

Pour une fois, elle écouta avec beaucoup de sérieux les réflexions de Aeldred. Son récit semblait 'entrenoué' d’événements qui donnaient un résultat simple.
Il se sentait toujours aussi seul, et pourtant, ce n'était plus vraiment le même homme.

"Qu'est-ce qui t'a rendu plus fort, à ton avis ? De survivre à un Feond ou de survivre à une rupture ? Parce qu'au final, tu as réussi aux deux épreuves, tu peux te permettre d'avoir un avis."

Sans lui laisser le temps de répondre, elle continua :

"Tu sais quel moment j'ai adoré partager avec toi ? Cette nuit à traiter avec les brigands... Elle fut si folle... Je pourrais en vivre un millier d'autres comme celle-là. Et toi ? Qu'est-ce que tu as préféré ?"

Cette conversation semblait lui redonner de l'enthousiasme, bien plus que l'idée d'être en robe. Du moins, pour le moment.