[OdE Chap.7-11] La part de la veuve

[Caeso Senjak Khan]

Le chevalier hilderin avait pris place selon le protocole d'usage après avoir remercié la Seigneuresse et jeté un petit coup d’œil a Galenor. Il nota la présence de nouveaux invités et se trouva bien entouré même si sa position à table semblait traduire une certain recul dans l'estime de certains convives. Il ne s'attendait pas à ce que la dame de parage lui adresse la parole si rapidement et il lui sourit volontiers tout en relevant la tonalité de son regard.

-Et bien... votre présence n'aurait pu qu'égayer d'avantage notre dîner c'est certain. En ce qui concerne mes aventures, j'ai bien peur que ce ne soit pas très épique. Plutôt des rapports ennuyeux de gens d'armes. Non, si vous êtes sensible aux récits d'un vrai héros trompe-la-mort je pense que vous serez ravie que je vous présente mon compagnon Aeldred, même si pour une raison que j'ignore et que lui semble ignorer aussi d'ailleurs, il ait décidé de troquer la pointe de son arc contre celle d'une plume.

Jazkez se retourna vers Aeldred et se repositionna confortablement sur son siège en donnant un petit coup de coude discret a Madennig.

-N'est ce pas clerc Aeldred ? Qui de mieux placer que l'érudit du domaine de Terfynisel pour nous décrire avec moult détails et emphase comment vous avez vaincu ce féond dans les marais en jouant courageusement le rôle de son repas et comment vous avez mis a bas la bande des roseaux de fer en changeant la roue de leur chariot par une nuit de tempête ?

[Iris]

Arthus de Seol était en train de réfléchir à ce qu'il pouvait dire à Aeldred sur les légendes locales quand Jazkez en face le coupa et attira l'attention sur de récents hauts-faits du clerc Aeldred. Il paraissait un peu curieux.

De l'autre côté de la table, Morwenn eut également un moment d'étonnement au tour que prenait l'échange, renvoyant la parole en face. Jazkez ne vit probablement les légères moues, soupçons d'émotions se succédant rapidement, avant qu'elle ne se recompose une figure d'auditrice polie, qui n'en lança pas moins un regard mi-figue mi-raisin à Jazkez.

[Madennig]

Madenig fut assez troublée par la beauté de Morwenn, quand cette dernière se tourna vers Jazkez et parla de sa voix douce et polie. Elle dégageait beaucoup de... Enfin difficile à dire, c'était assez rare pour Madenig de voir un tel regroupement de qualités en une même personne. Voix, posture, phrasé, visage, toilette, coiffure... ongles aussi !
Heureusement, son Osfer lui donna un coup de coude discret qui lui permit de refermer la bouche, et de se tourner pour sourire et encourager Aeldred.

Elle n'osait pas applaudir, mais elle regarda les convives les plus proches pour appuyer d'un regard fier les dires de Jazkez.

Au fond, elle se demandait pourquoi Jazkez faisait cela... Est-il si timide ? La peur de gagner peut être ? Poisson trop facile ? Ah.. la psychologie des hommes...... Un véritable mystère.

[Casaïr]

Aeldred regardait Jazkez, totalement impuissant. J’ai dû lui faire quelque chose dans une autre vie, c’est pas possible autrement, pensa-t-il, catastrophé. Il ne comprenait pas ce besoin constant de le mettre en boîte et maintenant qu’il le faisait même devant la cour de Dame Maela, il ne savait pas trop comment se tirer d’un pareil pétrin. Raconter la stricte vérité quant au feond lui vaudrait des regards qu’il détesterait immédiatement. Le récit des ex-Roseaux de Fer… Il y avait peut-être moyen d’en faire quelque chose.

« D’abord, permettez-moi de m’excuser à l’avance, se lança-t-il après s’être passé la langue sur les lèvres. Je ne suis pas barde et n’ai pas appris à raconter les histoires comme ils pourraient le faire. »

« Et sans vouloir vous déplaire, je préférerais conter l’histoire des anciens Roseaux de Fer qui est, à mon sens, bien plus révélatrice quant au talent de nos chers hilderins que ce feond qui, bien que dangereux, n’en était pas moins seul et avec un unique but en tête : dévorer celui ou celle qui plongerait dans l’eau. Et oui, ajouta Aeldred, cette créature m’a semble-t-il trouvé particulièrement à son goût. »

Afin d'être vu de tout le monde, et ce même s'il détestait déjà de se retrouver ainsi sous les feux des projecteurs qu'il avait tant cherché à éviter, il se leva de son siège.

« C’est une histoire de course poursuite impliquant trois groupes : les « cailles » et les « lièvres » constitués de bandits rivaux, ainsi que le nôtre. Elle démarra de façon fort banale, un soir pluvieux à l’auberge de Terfynisel, dans laquelle venait d’éclater une bagarre au cours de laquelle une femme poignarda un homme. Le coup n’était pas mortel et l’homme, aidé d’un complice, prit la poudre d’escampette avant que nous n’arrivions sur place dans le seul but de nous détendre. Nous apprîmes l'altercation et cherchâmes à remonter la piste du blessé, ayant rapidement compris qu’il ne cherchait pas à se faire soigner au village comme il l’avait affirmé à l’aubergiste. Le suivre lui et son ami n’était pas très difficile, aucun d’eux ne cherchant à masquer leurs traces. Toutefois nos torches révélèrent notre présence et ils nous tirèrent dessus immédiatement, sans sommation. Pendant que Pwyll et Jazkez fonçaient en zigzagant pour éviter les flèches ennemies, Madenig et moi trouvâmes l’un des autres hilderins en poste dans la région, victime d’un passage à tabac magistral. Il avait eu le malheur de se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment mais avait pu apprendre ce après quoi ils couraient : un trésor. »

[Iris]

Un narrateur qui se levait... la mention des Roseaux de fer... et un trésor !

Tout le monde était désormais tourné vers Aeldred qui s'efforçait de rendre son discours aussi intéressant que possible. Il avait du mal à placer sa voix cependant, et il y eut des "qu'est-ce qu'il a dit ?" par moment ...

" Des roseaux de fer cherchaient un trésor ? " murmura la clerc Youna

" Le trésor de Jerryl des Marais ? " s'enquit Arthus de Seol.

" Comment ?!" s'étrangla Morwenn visiblement choquée.

" Une fortune... " songea le clerc Guénec


Oanell s'étouffa dans son verre, et fut prise d'une violente quinte de toux, attirant une partie de l'attention et de la sollicitude de ses voisins vers elle, tandis qu'elle tentait de retrouver sa respiration.

[Caeso Senjak Khan]

Jazkez accoudé sur son siège se pencha vers Morwen.

-Vous voyez ? Je vous avait dit que vous ne seriez pas déçue.

Il se leva alors et interpella Aeldred, sa chope dans la main.

-Et toi Aeldred ? Que ferais tu si un jour tu retrouvais le trésor de Jeryl ? As tu pensé que tu pourrais un jour être vêtu convenablement ? Autrement du moins qu'avec les habits de feu le seigneur de Terfynisel dont tu vas bientôt rencontrer la veuve. Fais attention à Llewellin ! Elle pourrait te prendre pour son défunt mari et décider de te remettre dans son lit !

Il commença à rire doucement, puis plus fort en se retournant vers Madennig et Pwyll, tachant de les inciter d'un regard entendu à le suivre à rire de cette boutade.

[Iris]

Maela qui n'avait pas tout entendu constata néanmoins les tensions, elle regarda de toutes parts, partagée entre Oanell qui ne semblait pas aller bien, le clerc qui avait commencé une histoire -- et qu'elle aurait volontiers écouté -- et les piques...

Arthus de Seol eut un regard assez déplaisant à l'adresse de Jazkez, et un geste en faveur d'Aeldred : "Les hildeux..." dit-il à voix basse pour son voisin, en ajoutant : "Ton histoire m'intéresse." Et c'était le cas aussi des deux clercs à proximité.

Morwenn pour sa part, rit un peu aux dépends d'Aeldred à la plaisanterie de Jazkez sur la veuve.

[Madennig]

Madenig fronça les sourcils à la remarque déplaisante de Jazkez, mais continuait de sourire pour encourager Aeldred. Visiblement, elle n'était pas la seule à réclamer la suite !
Enfin, avec un brin de mystère dans la voix, en regardant au début le clerc de Terfynisel puis dans l'ordre Arthus, et les deux autres clercs.

"Moi aussi, j'aime cette histoire ! Surtout quand je défends la vie de l'Osfer Jakez, pour qu'ensuite, Aeldred sauve la mienne ! C'est une histoire qui nous a tous lié... Elle est aussi belle que tragique ! Il y avait bien plus qu'un simple trésor à y gagner... Des liens à la vie, à la mort !"

[Casaïr]

En cet instant, il avait envie de haïr Jazkez. Il serra les poings pour se contenir et fut heureux de trouver du soutien auprès du commandeur Arthus et de Madenig. Qui en faisait un peu trop en ce qui concernait cette dernière. Il eut un pâle sourire et se concentra sur son histoire.

« Si vous le voulez bien, nous parlerons chiffons plus tard, répliqua-t-il à Jazkez. Je suis persuadé que vous trouverez d'excellents sujets de réflexion sur les différents types de broderie pour agrémenter vos propres tenues. »

Ce n'était pas grand chose mais cela eut le mérite de soulager un peu la pression qu'il ressentait. C'est ainsi qu'il reprit, légèrement plus détendu.

« À ce moment, nous étions encore loin de savoir à qui nous avions affaire, pour nous il ne s'agissait que de bandits quelconques se disputant leurs rapines, prit-il soin de préciser avant de continuer son récit en haussant un peu le ton afin que Dame Maela n'ait pas besoin de tendre l'oreille pour écouter. Madenig et moi raccompagnâmes son collègue hilderin à l’auberge non loin tandis que sire Jazkez et Pwyll s’étaient séparés pour poursuivre chacun l’un des bandits désormais en fuite et qui s’étaient séparés pour brouiller les pistes. L'osfer réussit à capturer le sien non sans mal après une âpre bagarre qui laissa le brigand sur le carreau et salement amoché. Ce dernier fut lui aussi conduit à l’auberge pour y être soigné. Pwyll de son côté tombait sur deux femmes qui se révélèrent rapidement faire partie d’une bande rivale, les fameuses « cailles ». Alors qu’ils commençaient à se battre, un archer les prit pour cible avec l’espoir de se débarrasser de trois rivaux en une seule fois. »

« Pendant ce temps, Madenig partait en courant chercher la soigneuse de notre village alors qu’Oanell, restée à l’auberge et ne s’attendant pas à un tel chambard, veillait sur le blessé. L'osfer Jazkez et moi-même partîmes à la poursuite des autres brigands. Nous avons pu remonter leur trace jusqu’à un chariot endommagé à côté duquel se battaient cinq personnes, deux hommes et trois femmes. Nous approchâmes sans vraiment nous soucier d’une quelconque discrétion tant ils étaient concentrés à se battre. Et là… le seigneur Jazkez les provoqua. »

[Caeso Senjak Khan]

Jazkez continua de s'esclaffer quelques instants puis laissa son rire se tarir doucement dans sa gorge.

-Ah Madennig ! fit il en se penchant vers elle pour l'enlacer.

Il la serra fort dans ses bras, sa tête niché dans son cou, l'air reconnaissant.

-Arrête de parler de ce putain de trésor bon sang ! lui chuchota t'il sèchement.

Il s'éloigna toujours en souriant et reprit sa place aux cotés de Morwenn.