OdE - Chap. 6.4 - Deux coeurs, deux âmes

[Maëlys]

Ses paroles créèrent un froid encore plus vif que les paroles qu'il pouvait dire, comme si l'espace de quelques minutes, un blizzard s'était invité à l'intérieur de la pièce, refroidissant chaque once de peau aussi bien couverte que découverte. Il s'éloigna, laissant une plus grande distance entre eux.
Au bout plusieurs longues minutes, Maëlys vit Erwan faire un mouvement avant de prendre la parole :

"Je pourrai retrouver mon ancienne vie... Que faisais-je exactement avant ? Avais-je un métier ? Un talent particulier ? Peut-être ne l'ai-je pas perdu..."

Elle prit une longue inspiration avant de lui répondre, d'ailleurs que dire, qu'il avait été un homme puis un autre avant de devenir cette pâle copie ? Bonne question...

"Tu as été beaucoup de choses, certaines que je connaissais, d'autres que je n'ai pas eu le temps de connaître.
Ça me fait bizarre de devoir te dire ce que nous étions, ce que nous avons été...
On s'est rencontré il y a de cela bien une dizaine d'années, lorsque nous étions que de jeunes enfants du 2ème cercle, tu accompagnais ton père à Lorgain pour une affaire avec le menuisier de la ville, à cette époque là nous étions jeune et nos parents nous laissèrent ensemble pendant une après-midi à nous occuper avant que tu ne repartes le soir venu.
Et puis après, plus aucune nouvelle pendant plusieurs années mais c'est lors du service d'Ost qu'on s'est retrouvé, tu avais grandi tout comme moi, tu avais changé tout comme moi...
A cette époque là, tu avais un talent oui, celui de mettre les gens en confiance, de les protéger, qu'ils se sentent bien mais tu t'étais surtout fait une renommé dans le travail de la pierre, enfin tu t’apprêtais à prendre la succession de ton père une fois le compagnonnage effectué. Nous avons eu beaucoup de temps pour parler, se connaître lorsqu'on était à l'Ost, c'était agréable, simple, ...
Puis aussi rapidement que cela avait commencé, l'Ost s'est terminé, quasiment un an après. Pendant plusieurs mois on est resté en contact puis du jour au lendemain tu m'as annoncé que tu partais dans le Nord pour faire ton compagnonnage auprès d'un maître réputé grâce à ton père. Tu avais ce regard fier à l'époque, celui d'un homme qui sait qu'il va réussir, on s'était promis de garder contact.
Mais rapidement, l'automne puis l'hiver passa, suivi du printemps et de l'été et je n'avais toujours pas de nouvelles jusqu'à il y a de cela quelques jours, lorsque le hasard nous a remis sur la même route."

Devait-elle lui parler de sa croyance en l'Unique, elle n'en savait rien une fois de plus. Pourquoi se sentait-elle aussi mal à l'aise, elle qui en temps normal gérait si bien les discussions... pour peu qu'elle ne soit pas trop stressée.

[darkbaron]

Erwan écouta Maëlys avec un grand intérêt et sourit doucement en songeant à tout ce qu'elle avait vécu avec lui. On pouvait dire qu'ils étaient totalement faits l'un pour l'autre... Après l'avoir écoutée, il était certain qu'ils étaient inséparables. Il voulait rester à ses côtés jusqu'au bout, même si cela devait lui coûter beaucoup... Maëlys s'occupait de lui comme personne en dépit de son état et tenait à lui. Pouvait-il réellement espérer mieux ?

Tout en la regardant, il s'approcha de nouveau d'elle et l'enlaça doucement avant de la serrer délicatement contre lui en murmurant :

"Je ne suis plus que l'ombre de celui que tu aimes et j'en suis désolé, mais je jure de tout faire pour le redevenir. Ensemble, Maëlys, je suis sûr que nous pourrons retrouver un peu de l'Erwan que tu apprécies tant. Toi et moi, nous sommes faits pour être ensemble. J'en suis sûr... J'ai vécu quelque chose d'horrible dans ces limbes, quelque chose dont je préfère ne pas parler, et j'y ai perdu beaucoup, mais je ne veux pas rester comme ça alors qu'il y a tant à faire...

Je veux vivre à tes côtés, je veux de nouveau goûter au bonheur... Je veux t'aimer comme l'ancien Erwan t'aimait. Je veux de nouveau être lui, peu importe le temps que cela prendra. M'y aideras-tu, beauté qui me guide depuis mon retour ? J'ai besoin de toi pour me soutenir..."

[Maëlys]

Maëlys hésita un instant sur sa réponse avant de lui dire d'une faible voix :

"Je serai là pour te soutenir aussi longtemps que cela sera nécessaire Erwan, je te le promets."

Était-ce possible, était-il réalisable que l'homme qu'elle aimait puisse revenir d'entre les souvenirs ? Pourrait-il seulement rester l'homme qu'elle avait connu avant que l'Unique ne le change, ne le modifie et le rende tellement différent ?
Une fois déjà l'Unique lui avait arraché Erwan, risquait-il une fois de plus de tomber dans ces mains et ne plus en sortir. Mais à la fois comment pouvait-elle lui cacher une part qu'il était lui-même.

Et elle s'aventura plus loin dans leur dialogue alors qu'il se rapprochait une fois de plus d'elle et commençait à l'enlacer :

"Je ne veux pas que tu deviennes une image que je me suis faite de cet Erwan d'avant, soit toi-même, vie.
Enfin je ... je veux dire qu'il faut laisser le temps aux choses, je ne doute pas que des souvenirs reviendront avec le temps, laisse-leur le temps de venir à toi. Je ne sais pas ce que tu as vécu, mais avec l'attente tout s'atténuera et on pourra retrouver ce que nous cherchons tant."

Les paroles prononcées semblaient sincères, mais est-ce qu'il la tiendrait le moment venu, une fois déjà il avait failli à sa parole en la laissant sans nouvelles pendant près d'un an et demi. Qu'est ce qui lui garantissait que le moment venu, il ne retomberai pas dans les bras de l'Unique au point de l'oublier, ou que si ses souvenirs resurgissaient il n'allait pas la rejeter.
Lors de leur retrouvailles quelques jours auparavant, il ne semblait pas animé de la même flamme, comme si l'homme en lui-même avait changé, et il n'avait pas vu qu'elle-même avait changé, qu'elle n'était plus la petite artisane rêvant d'une vie posée dans un petit village loin de tout voyage...

[darkbaron]

Erwan la serra davantage contre lui et la regarda dans les yeux avec étonnement. Être lui-même ? Cela avait-il seulement un sens pour lui ? Non, à dire vrai... Plus rien n'avait de sens. Elle ne comprenait pas vraiment que c'était impossible. Au fond de lui, peut-être le savait-elle déjà ? Oui, elle devait probablement le savoir sans vraiment oser le reconnaître... C'en était presque touchant. Il était désolé pour elle, mais il ne pouvait pas vraiment l'aider.

Il approcha son visage du sien et la fixa un moment avant de répondre sur un ton qui se voulait rassurant :

"Tu ne veux pas que je devienne l'image de l'Erwan que tu as aimé ? Mais c'est pourtant cet Erwan que je veux être. Tout ce que je désire, c'est être parfait et rester à tes côtés. Et sais-tu pourquoi je désire tout cela ? Parce que je t'aime. Tu ne m'as pas tourné le dos alors que je suis différent de celui que tu as connu. Tu es toujours là pour me soutenir et je ne peux pas l'oublier. Mon ancienne vie est derrière moi : l'avenir, je le vois à tes côtés."

Lentement, il s'approcha davantage et déposa un bref baiser sur les lèvres de la rouquine avant de poursuivre :

"J'ai besoin de toi. Le reste de ma vie, je veux le passer avec toi. Tu es la seule issue que mon âme tourmentée voit. Je t'aime."

Les propos semblaient sincères, ce qui ne les rendaient pas moins dérangeants. Elle était sa seule ancre et désirait s'y accrocher...

[Maëlys]

Maëlys sentit son cœur s'accélérer lorsqu'Erwan s'approcha une fois de plus.
Elle était fatiguée par la journée, encore plus par tout ce qui s'était passé et n'inspirait à vrai dire qu'à une seule chose bientôt, le sommeil.
Sa voix semblait avoir changé, comme si elle était plus chaude, moins terrifiante mais il conservait cette façon de la regarder si étrange. Dans tout les cas, les paroles qu'il prononça continua de la troubler.
Puis il se mit à avancer vers elle, toujours plus jusqu'à poser ses lèvres sur les siennes. L'espace d'un instant, elle eut l'impression que le monde s'arrêta autour d'eux puis il s'écarta de nouveau mais elle ne le voulait pas tout en le voulant, elle plaça ses mains autour du visage d'Erwan et resta près de lui, cherchant à maintenir ce contact, tout en lui murmurant d'une voix sanglotante :

"S'il te plaît, ne fait pas ça, pas maintenant."

En un autre temps, une autre époque, ses souvenirs lui rappelèrent qu'à peu de choses près, c'était elle qui prenait sa place et lui qui déclamait ces quelques mots...

[darkbaron]

Erwan fixa Maëlys tout en remontant ses mains afin de caresser ses cheveux roux, aussi agréables à la vue qu'au toucher. Elle lui parlait désormais d'une voix sanglotante qui lui semblait fort étrange : n'aimait-elle pas ce qu'il lui faisait ? La rendait-il triste ou au contraire heureuse ? Il ne savait pas... Tout était si étrange depuis qu'il était revenu dans le monde des vivants : elle semblait l'aimer, mais le fuyait en même temps. Savait-elle vraiment ce qu'elle désirait ?

Une chose était sûre : si elle ne savait pas ce qu'elle voulait, lui savait bien ce à quoi il aspirait. Depuis son retour, même. Il désirait la toucher, la voir et sentir son odeur. Il désirait goûter d'une façon ou d'une autre à toutes les sensations que procuraient la chair : manger, boire, toucher... Il voulait vivre et oublier à jamais son passé dans ces terribles limbes qu'il ne connaissait désormais que trop bien. Maëlys était son espoir, sa lumière. Elle ne pouvait pas lui refuser tout cela, pas après tout ce qu'il avait vécu là-bas, pas avec ce qu'elle avait vécu avec lui par le passé. Non, c'était tout simplement impossible...

Ses mains descendirent et atteignirent ses épaules avant de s'éloigner pour se poser sur sa taille. Les yeux toujours rivés sur elle, ce fut ce moment qu'il choisit pour lui répondre en murmurant doucement, comme s'il essayait tout simplement d'adapter son ton à celui de la jeune femme :

"Pourquoi ? Ne m'aimes-tu pas ? Est-ce que nous ne nous aimons pas ? Nous avons beaucoup à partager... Aie confiance..."

Et, tout en susurrant ces derniers mots, il essaya de lui voler un autre baiser, bien plus sérieux que le précédent...

[Maëlys]

Maëlys sentit les mains d'Erwan descendre le long de son corps, l'emprisonnant entre ses bras.
Puis il s'approcha, une fois de plus d'elle.
Les paroles susurrées la laissait sans défense et lorsqu'il posa ses lèvres sur les siennes, elle ne put que se perdre dans les abîmes.
Mais se perdre pour mieux se retrouver, alors que son corps tout entier répondait à la demande d'Erwan, son esprit lui se rappela une chose, qu'elle n'était plus la même, qu'elle n'était plus cette jeune fille ne pouvant faire aucun choix pour sa vie. Elle avait changé...

Et alors que tout corps réclamait de poursuivre cette étreinte, elle reprit le dessus, posant sa main sur la joue d'Erwan puis s'écarta, lentement, mettant ainsi fin à leur baiser. Sa voix se fit plus ferme lorsqu'elle lui dit :

"Erwan, non, arrête-là.
Tu en as peut-être envie, mais ce n'est pas comme ça que cela évoluera entre nous. Je te l'ai dit, ce que tu as besoin c'est de temps, mais pas de ça, pas maintenant.
Ce que tu as surtout besoin, c'est d'un bon repos et surtout de ça. Le reste on pourra voir ensuite."

Puis elle renifla l'espace d'un instant en ajoutant :

"Et sûrement d'une douche par la même occasion."

[darkbaron]

Erwan recula et, l'espace d'un instant, son regard s'assombrit étrangement. Néanmoins, cela ne dura pas et il retrouva rapidement une expression plus calme avant de répondre sur une voix relativement neutre, conscient que les sentiments ne marchaient plus sur la jeune femme :

"Bien, si tu le dis... Je suppose que tu as raison, Maëlys. J'ai besoin de repos et d'une douche. Il est vrai que je n'ai pas eu l'occasion de profiter de tout cela depuis des jours et je pense que ce sera plaisant de retrouver ces joies simples. Indique-moi un endroit où me reposer et me laver, je te prie."

Sa voix avait presque perdu toute affection, au point de même devenir froide. C'était un changement radical, mais qui s'expliquait aisément : elle avait refusé ses marques d'affection et l'avait donc particulièrement déçu. Il ne comprenait pas comment elle pouvait agir ainsi...

Au fond, cela importait peu : il était vivant et c'était bien le seul point qui avait une quelconque importance à ses yeux. Or, pour le rester, il devait aussi veiller à entretenir son corps et, sur ce point, Maëlys avait raison : il fallait songer à la nourriture, au repos et à l'hygiène.

Voilà pourquoi il décida donc de se concentrer sur ces tâches-là au point même d'en oublier Maëlys...

[Iris]

Fin de jour 5

Les deux jeunes gens se séparaient à la toute fin du JOUR 5...

Trouver de la soupe de champignon n'était pas difficile. Erwan trouvait les autres, l'air maussade et peu communicatifs, voire méfiants : Arzhel, Grirav, Nialan, Alister.

Concernant la douche, Erwan en avait pris une seulement quelques heures plus tôt, sitôt que l'eau chaude avait été rétablie donc... l'odorat de Maëlys était devenir particulièrement sensible...

Quant à avoir une place pour dormir, facile également.


Les rêves de Maëlys

Cette nuit, du moins, si c'était la nuit... Maëlys eut l'impression d'entendre des sanglots étouffés et des gémissements, des supplications d'Erwan... mais tout était confus, trouble... une impression étrange...

Début de JOUR 6

... Plusieurs heures devant eux... Le quatuor des asociaux entamait le creusement d'un tunnel visant à sortir. Le chien d'Amy était enfermé dans la cuisine pour l'empêcher de trouver sa maîtresse occupée avec Kevan... Tout était calme... Aucun signe de Garn...

...


Et maintenant ?

[darkbaron]

Erwan ne prit pas la peine de discuter avec les autres et se contenta d'aller se coucher afin de se reposer un peu. Ce corps lui était précieux et il comptait bien l'entretenir convenablement. Enfin, il avait une seconde chance, mais qu'allait-il en faire ? Pour le moment, il ne savait guère.

Avant de s'endormir, il songea à Maëlys : allait-elle se douter de quelque chose ? Allait-elle comprendre qu'il était différent ? Il n'était plus vraiment le même, elle le savait déjà, mais était-elle vraiment prête à accepter celui qu'il était devenu ? Malheureusement, il en doutait quelque peu.

Néanmoins, il finit par sombrer dans le sommeil en ayant comme dernière pensée le doux visage de la jeune femme...

Le lendemain, il chercha de nouveau Maëlys dès son réveil afin de voir comment elle allait : peut-être était-elle plus sereine que la veille ?