4.1 Aleth and...

[Iris]

Après sa crainte, dissipée, de ne pas être approuvée pour son initiative, Aleth était véritablement soulagée d'un poids qui lui pesait depuis qu'elle avait dû se décider à agir sans pouvoir en référer à sa famille. Elle arborait un sourire un peu timide, un peu gêné, un peu content :

" Lord Hastwyck est un homme très difficile, mais la situation entre lui et Jolan s'est améliorée, oui. Lord Hastwyck est encore réticent à le désigner comme héritier, mais je suis assez confiante. "

" Pour preuve de ce progrès, Lord Hastwyck a consenti à ce qu'Alyse vienne ici, contre la volonté de Lady Hastwyck. Il lui a également fait part d'une proposition très généreuse du Lord de Cendregué... Je suis au courant car Jolan m'a demandé de l'étudier avant qu'il ne se prononce. "

" Lord Hastwyck lui a également confié les discussions avec Ser Emmon Cuy, l'aîné de Lord Cuy, pour leur demander un renfort temporaire en vue de protéger la Trémière... Père, Lord Hastwyck souhaite vous demander votre aide pour la défense de son domaine, plus concrètement, en louant des soldats de Waterford pour quelques mois. Béric compte aborder la question avec vous."

[DukeTogo]

"Lord Hastwyck nous a fait parvenir un parchemin dans ce sens..., répondit Rhéomar.
- Mon frère, c'est un sacré somme. En plus, nos hommes se tournent les pouces. A moins que tu veuilles les voir suer comme des hyènes sous ta fenêtre avec les entrainements de Béric?"

Rhéomar regarda son frère et sa patience commençait à atteindre des limites.

"Quoi? demanda Tristifer inquiet.
- Rien... Juste que t'entrainer ne te ferait pas de mal non plus. Est-tu encore capable de tenir une épée? Tu mets une armure dès que tu sors du château mais ça ne fait pas de toi un combattant."
- Hum... Oui, d'accord, bon, j'avoues si ça te fait plaisir mais je ne mène pas de combat l'arme au poing. D'ailleurs, tu sais, à propos du marché, on doit s'occuper du gros Flowers...
- Plus tard avec cette histoire, coupa Rhéomar. Béric n'a pas tord, nos hommes sont mous. Si on veut envoyer des hommes à la Trémière, il faut non seulement qu'ils nous fasse honneur mais que ceux qui restent relèvent le niveau. Je vais voir cela avec lui.
- Oui, voilà, très bien. Ca, c'est ton rôle!"

Le regard du lord figea net Tristifer. Pour un peu, Aleth cru que son père allait rougir la joue de son cadet. Tristifer embraya aussitôt vers Aleth en s'essuyant nerveusement le front.

"Hum... Tu voulais nous dire autre chose?"

[Iris]

Se sentant tellement plus légère depuis que le dossier le plus sérieux était passé, Aleth ne parvint pas à réprimer la bêtise qui lui vint à ce moment :

" Oh oui, j'ai encore des choses à raconter, beaucoup en fait..."

" Et en parlant d'entraînement, Béric m'a promis de m'apprendre au moins le maniement de la dague !"

Son ton était joyeux, proche de l'enthousiasme, et elle ne réprima que de justesse un : "Puisque Tristifer manque d'entraînement, il pourra toujours se remettre à niveau avec moi !"

Et pour éviter de rester sur une note aussi peu... féminine... Très vite, elle enchaîna :

" Il faut dire qu'après les brigands du village portuaire, il s'en est fallu de peu que je ne sois enlevée par les brigands de la Confrérie de la Liberté..."

Hop, changement de sujet, en espérant que le contraste fasse mieux passer la pilule de la question de l'entraînement martiale d'une jeune Lady...

[DukeTogo]

"PARDON?" demanda aussitôt Rhéomar.

L'espace d'un instant, Aleth cru que c'était sa joue qui était en danger.

"Non. C'est pas vrai?" reprit aussitôt l'oncle Tristifer avec un vif entrain "Mais raconte!"

[Iris]

Ne sachant plus trop si Père bouillonnait pour la demande de cours d'escrime ou à cause des brigands, Aleth eut une seconde d'hésitation. Tristifer en revanche trouvait ça très amusant... Elle ne manquerait pas de lui rappeler qu'il n'y avait pas eu de rançon à payer... mais qu'elle songeait à un certain septuaire...

" En tout et pour tous, nous avons été confrontés à deux bandes de hors-la-loi : celle du Balafré, basée à Villevieille, dont vous avez entendu parler par le ménestrel ; et celle de la Confrérie de la Liberté. Nous avons aussi appris le lien de Thalia Penn, celle-là même qui sévit à Waterford, avec le chef de la Confrérie de la Liberté... Une partie des informations que nous avons apprises nous viennent de Jack Bulwer. "

Réfléchissant, Aleth songea que le ménestrel n'avait pas tout dit non plus sur la bande du Balafré..

" Le Balafré est connu pour tenir des maisons closes dont les ... pensionnaires ne sont pas forcément volontaires... " Fronçant les sourcils en essayant de se rappeler le récit de Gyles la veille, il lui semblait qu'il n'en avait pas parlé. Tristifer et Père allaient-ils comprendre le sort qu'on lui aurait réservé ? C'était secondaire dans l'immédiat. " La Maison Hightower ne paraît pas très prompte à se donner les moyens de lutter contre cette organisation." Là, Aleth était partagée entre se demander si c'était de la bêtise crasse (ne surtout pas aider Jack Bulwer à recruter car ayant perdu une fiancée issue de leur Maison) ou le signe d'un mal plus profond, signalant des accointances criminelles au plus haut niveau.

" La seconde bande de brigands s'est manifestée avec plus de subtilité et de talent."

Cette introduction pour préciser qu'il y a des catégories de brigands, ceux des bas-fonds, vulgaires, sans rien pour eux, et ceux qui sont des adversaires plus honorables, d'une certaine façon.

" Cela eut lieu au cours de notre poursuite des ravisseurs de Lady Alyse Hastwyck. Béric aurait préféré me laisser à la Trémière, mais Jack a argué du fait que j'étais la seule soigneuse, et parfaitement à même de suivre le rythme à cheval. Béric étant réticent quant aux robes, même de voyage, j'ai enfilé des vêtements de Jolan. "

Cette introduction visait à expliquer qu'elle n'avait pas précisément son rang affiché au premier abord dans sa tenue.

" Jack nota, la première nuit, au cours de son tour de garde que deux personnes s'étaient approchées tout en gardant leurs distances. Nous avons passé toute la journée suivante à chevaucher sans relâche pour regagner du terrain. Enfin, nous avons pu les rattraper. "

" Le plan d'action a dû être décidé très rapidement. Les trois hommes alors avec Alyse évoquaient presque ouvertement son viol. J'ai proposé d'aider Alyse à partir du campement, pour la mettre à l'abri, tandis que Jolan, Béric, Jack et Théobald combattraient. Béric a refusé avec force que j'approche du combat d'une quelconque façon, et souhaitait même que Théobald reste avec moi et les chevaux, à l'arrière. Cependant ces hommes s'étaient avérés des combattants expérimentés, et un combat à seulement trois contre trois, avec une otage au milieu, était trop hasardeux. Il fut décidé que je resterais donc seule à les attendre."

" C'est dans ces circonstances que les deux rôdeurs de la Confrérie de la Liberté sont venus me trouver."

Elle avait déjà fait une première partie du récit... l'introduction en fait, mais préféra laisser le temps à ses interlocuteurs de prendre la mesure de la situation. Ils pouvaient aussi se demander ce qu'ils auraient fait à la place de Béric : comment mettre en sécurité quelqu'un... quand il n'y a nul lieu sûr ?... près de soi, sur un champ de bataille, ou seul, à l'arrière ?

[DukeTogo]

Rhéomar et Tristifer regardait Aleth avec effarement.

Aleth était avant tout une jeune femme et une fois lancée, elle pouvait avoir un flot de paroles non négligeables.

En se frottant le front, son père leva la main pour la freiner pendant que Tristifer commenta :
"Ah oui, je te confirme,, mon frère, c'est terrifiant : quand elle répond, je ne comprend même plus le sens de mes questions."

Tristifer s'amusait comme un petit fou et Rhéomar réalisait à peine ce qu'il entendait et repeta comme pour mieux y croire :

"Les brigands de la Confrérie de la Liberté étaient seuls avec toi? Et ils ne t'ont pas capturé? Tu... Tu... Qu'ont-ils..."?

[Iris]

Pour Aleth, ce qu'elle avait vécu était à la fois clair dans sa mémoire, et suffisamment hors norme, sans être trop effrayant, pour qu'elle s'amusât et parlât avec animation. Elle ne voyait pas du tout ce qui clochait dans son discours :

" Oui, Père. Ils ne m'ont fait aucun mal, sans quoi je ne plaisanterais pas sur la question." répondit-il en espérant dédramatiser.

" Rappelez-vous : les vêtements que je portais alors ne leur donnant pas d'indication évidente quant à mon statut, ils n'avaient pas d'idée claire sur mon rôle dans le groupe. J'ai assuré être soigneuse, ce qu'ils ont bien voulu croire, et j'ai fait mon possible pour gagner du temps. Je leur ai parlé de l'enlèvement d'Alyse, espérant qu'ils étaient seulement curieux de ce qui se passait sur ce qu'ils estimaient être leur territoire. Leur attitude n'avait rien à voir avec celles des malfrats de l'autre village, et ils semblaient connaître bien la forêt, de sorte que, si j'avais fui, je n'aurais fait que me perdre, sans être assurée de leur échapper. " "

Soupirant avec dépit et embarras : "Malheureusement, les autres ne revenaient toujours pas, et ils ne cessaient de me presser de question, pressentant que je devais dissimuler quelque chose. Je crains de ne pas être la meilleure menteuse qui existe..."

Elle regarda son père et Tristifer en songeant qu'il y avait deux solutions : qu'elle apprenne à se battre, ou à mieux mentir. Si on lui demandait, elle dirait "les deux". Comprenaient-ils maintenant pourquoi elle tenait à ne plus être une pauvre créature fragile et sans défense ?

...

Puis elle reprit sa narration, ne pouvant décemment laisser son public dans la détresse et le suspense, alors que l'héroïne est seule avec deux hommes qui auraient pu faire d'elle ce qui leur plaisait.

" Par chance, leur groupe, la Confrérie de la Liberté, est très attaché à sa réputation. En particulier le fait qu'ils enlèvent certes des nobles, mais les traitent parait-il bien, et les rendent toujours contre rançon. Or dans le cas présent, ils n'étaient pas impliqués dans l'attaque de la Trémière, mais devinaient qu'ils risquaient d'en être accusés. Ils avaient en outre un contentieux sérieux avec les quatre agresseurs qui avaient blessé sérieusement l'un d'eux. "

" Ils sont restés un moment à discuter et à hésiter entre la défense et leur appât du gain."

Regard teinté d'ironie en direction de Tristifer : "Vous ne devez ma présence et de ne pas avoir à payer de rançon, qu'au fait qu'ils ont renoncé à contrecœur à ma compagnie et aux dragons d'or qui devait lui succéder." Songeant : " Si à l'avenir vous avez à vous plaindre que je mets le nez dans vos registres, rappelez-vous que je pourrais être absente, mais vous coûter fort cher à la place..."

Et elle conclut simplement, comme si c'était une banalité :

" Pour finir, ils m'ont raccompagné auprès de mes compagnons, en se proposant de porter les sacs comportant le matériel de soin, pour le cas où l'un d'eux serait blessé."

En substance, des brigands cupides, mais relativement fréquentables.

[DukeTogo]

Pendant qu'Aleth parlait, Tristifer se leva pour faire les cent pas.
Rhéomar fut vite rassuré par les mots de sa fille et leva un regard vers son frère.

"Et bien... Ce fameux Duncan le Rouge aurait de l'honneur? Evitons de nous faire distancer dans ce domaine par des brigands, mon frère."

Tristifer pinça les lèvres et donna le point à Rhéomar qui faisait montre d'une certaine vivacité d'esprit.

"Aleth, reprit-il, tu me rend fier de toi. Nous avions quelques inquiétudes mais je vois que tu as su faire face. Nous avons reçu une invitation pour un mariage. Je sais que tu peux représenter et défendre le nom des Castellane. Tu demanderas le courrier au mestre...
- Qui me le demandera, ajouta Tristifer.

Rhéomar regarda son frère avec un calme étonnant.

" Oui? demanda Tristifer.
- Nous avons à parler toi et moi, j'ai entendu que tu avais convoqué certains de nos gens..."

Il s'arrêta et se tourna vers sa fille qui comprenait qu'il allait très certainement rappeler à son frère qui dirigeait la maison.

"Y'a t'il autre chose, Aleth?"

[Iris]

Un mariage ? Le mot avait le don de toujours inquiéter Aleth, mais celui-ci ne la concernait pas. Pourquoi Père parlait-il de défendre le nom des Castellane ? En principe, un mariage n'est pas un champ de bataille... sauf à avoir été invité chez Lord Negrebar de Bandallon, là, oui, le mariage ne serait pas de tout repos pour les Castellane... Elle regarda son père et Tristifer, dans l'espoir qu'ils daignassent spontanément dire de quoi il s'agissait, mais leur conversation se poursuivait et elle préférait ne pas les couper tandis qu'ils semblaient occuper à décider qui dirigeait vraiment.


A la question de son père, Aleth hocha vivement la tête. Oh oui, elle n'était pas au bout de ses histoires ! ... même si les meilleures étaient passées.

" Entre ce que j'ai pu entendre d'eux, et ce que Jack a appris de ses recrues, voici ce qui ressort... "

" La Confrérie de la Liberté est un groupe très structuré, qui ne recrute que des loyalistes convaincus et compétents. Ils sont dirigés par un certain Duncan Le Rouge, ancien amant de Thalia Penn." Très franchement, Aleth ne voyait pas ce que ça pouvait apprendre, mais si jamais Tristifer en tirait quelque chose, tant mieux pour lui. " Ils sont au courant de la situation financière de plusieurs Maisons, dont les Hastwyck... et connaissent bien les Castellane également. Ils nous estiment particulièrement riches au vu de tout ce qui passe par nos terres... je crains qu'ils n'aient évoqué la prospérité de nos contrebandiers."

Regard vers Tristifer qui était si préoccupé de son "gros Flowers".

[DukeTogo]

Tristifer grimaca, tira la langue et commença à la mordiller nerveusement. Le sujet était visiblement très sensible pour lui.

"Tu vois, s'agaca-t'il auprès du seigneur, "les brigands se foutent de nous et ce Flowers le premier! Nous ne sommes pas des vâches à lait, bon dieu! Celui-là! Je veux que...
- Fais donc ce que tu veux, éructa Rhéomar, mais avant ça, soit sur d'être de ceux qui peuvent.

Tristifer gouta peu la réplique et secoua la tête, cherchant sa réponse ou son action prochaine. Une fois décidé, il choisit de draper sa dignité d'un manteau non feint de colère sourde.

"Bon. Je vous laisse!" et de sortir avec emportement.

Rhéomar n'essaya pas de le retenir. Aleth le vit hausser les sourcils avant de regarder sa fille avec calme et sérénité.

"Aleth, c'est à nous qu'il revient de prendre des décisions, qu'elles plaisent ou non à nos gens, notre entourage...
Un chef de maison n'a pas peur de les prendre mais doit aussi savoir se rappeler que l'agitation est mauvaise conseillère.
J'entends que tu n'as pas eu peur et que tu n'as pas paniqué. C'est très bien. Cependant, il faut toujours être prudent avec ceux avec qui ont prétend être familier.
Brigands, frères jurés, aussi charmants qu'ils puissent être, n'oublies jamais à quel monde tu appartiens."

Il hocha la tête avant d'ajouter, confiant :

"Je sais que tu es vertueuse et j'apprécie autant que ta mère *sourire* le fait que tu ne t'habilles pas comme une souillon... ni que tu essaies de... te mettre en avant."

Aleth vit à son mouvement rapide du regard qu'il faisait allusion à sa tenue toujours chaste et sage, jamais ostentatoire.

Changeant de sujet : "Bref, ma fille... J'espère que ton frère aura l'intelligence en son temps de s'appuyer sur toi."