[OdE - Chap. 1] La Forêt engloutie

[Iris]

Cendres et Roparz surveillaient du coin de l'oeil Blodwen et Aeldred : "Vous v'nez ou pas ? Qu'est-ce que vous fichez ?"

"Hep, tu veux pas aller tout seul chasser le feond ? C'est juste n'importe quoi !" finit par intervenir Cendres qui n'avait aucun scrupule à se mêler de la conversation.

Pendant ce temps chaotique, Uilleam avait mandé un Hilderin pour chercher l'ansailéir, ce qui fleurait bon la réunion de village plus ou moins boiteuse. Un autre hilderin discutait avec ses collègues : "Si le vieux est mort pendant la nuit ou ce matin tôt, le feond ne doit pas être trop loin. On perd du temps à discuter, il faut le chercher tant qu'on a une chance de le trouver !"

Telle que les choses s'amorçaient, il risquait d'y avoir un attroupement du village d'ici peu et de l'agitation près du marais. Comme souvent, ces organisations souffrent d'inertie : tout va lentement, on s'attend, on se consulte, ...

[Arthus]

Allant aussi vite que sa jambe le lui permettait, Blodwen rejoignit Aeldred qui s'en allait, et le saisit fermement par le bras pour le forcer à se retourner.

"N'y va pas, Aeldred! Partir seul dans les marais sur base d'informations incomplètes, sachant qu'un féond traîne peut-être dans les parages à l'affût de voyageurs solitaires à noyer... C'est vraiment provoquer le sort! On ne sait pas grand'chose de lui, si ce n'est qu'il semble entraîner ses victimes dans l'eau... Or, aussi bon chasseur que tu sois, tu n'es pas un combattant, et l'eau n'est certainement pas ton terrain de prédilection!

Le commandeur Hafnir lui-même a traqué cette bête avec ses hommes, et n'est jamais parvenu à lui mettre la main dessus... Et contrairement à ce que pourraient penser les Hilderins, je ne doute pas de ses capacités, ni de ses moyens. Tu penses vraiment pouvoir faire mieux seul?

Sans compter qu'on est pas du tout certains que les disparitions soient dues à ce féond, ni que ce soit la seule menace dans la région : n'oublie pas ces rumeurs sur cette femme mystérieuse...

Allons d'abord parler aux villageois, et avisons ensuite! Nous pourrons toujours retourner enquêter avec Les Hilderins ou les Ronces si l'un ou l'autre groupe nous l'autorise, et sinon, il sera toujours temps de rentrer à Terfinysel avec Cendres et Roparz..."

Tout en parlant, elle l'attirait doucement vers l'attroupement qui se formait paresseusement au centre du petit village, puis hélà les Ronces :

"Ne viendrez-vous quand même pas pour parler à tous ces gens de la menace qui pèse sur eux avant votre départ?"

[Casaïr]

N'y tenant plus, Aeldred laissa exploser sa colère.

"Parce que tu crois VRAIMENT que ce qui se passe ici fait avancer les choses ?! Avec tout le respect que j'ai pour tous ces chevaliers ici présents, quand je les regarde, je ne vois que des coqs dans une arêne, rien de plus ! Alors, prenez le comme il vous plaira, mais je n'ai ni l'envie, ni le désir d'assister à un concours du type de celui qui pisse le plus loin. Faites comme vous le sentez, moi je n'ai juste pas envie de vous avoir dans mes jambes, maintenant !"

Et il sorti en claquant violemment la porte sans se retourner pour se rendre dans le marais sans décolérer.

[Iris]

Aeldred avait évité Cendres qui pourtant s'était adressée à lui. Ignorée alors qu'elle l'enjoignait à ne pas entreprendre d'action suicidaire, elle allait rattraper le duo des guides, quand Roparz lui posa la main sur l'épaule. Il y eut entre eux un échange à voix basse.

Pendant ce temps, les hilderins se partageaient des tâches organisationnelles et Uilleam était parti au devant de l'ansailéir.

La colère d'Aeldred décida Cendres à faire une seconde tentative en se rapprochant de Blodwen (et Aeldred, enfin, ... avant qu'il ne parte à grandes enjambées) : "La première chose qu'on nous apprend chez les Ronces c'est qu'il ne faut pas être isolé, ça équivaut à un suicide dans 9 cas sur 10. La seconde leçon qu'on nous serine, c'est de pas brûler Aingeal* parce qu'alors on frappe peut-être plus fort, mais on perd en vigilance et en capacité à analyser un problème." Le regard de Cendres à Blodwen était éloquent : du point de vue de la Ronces, Aeldred se comportait comme un ...

" Un appât à feond volontaire !" nota le plaisantin "Faudrait qu'on se planque derrière pour profiter du moment où il se fera bouffer !"

Cendres réagit aussitôt par une expression massacrante à son adresse et l'attitude de Roparz signalait clairement qu'il était prêt à dégainer et foncer dans la mêlée si Cendres y allait : "Ferme-la ! C'est à cause de vos conneries qu'on en est là ! "

" Nos conneries ? Qui c'est qui laisse une sorcière dans la forêt et un feond au marais en disant à l'ansaileir que tout va bien ?" nota le sarcastique hilderin.

" Eh bien en attendant, vous v'nez juste d'être témoin qu'un civil est sur le point de chercher les ennuis et vous le voyez juste comme un appât ! Sûr que c'est votr' mission d'attendre que les gens se fassent massacrer pour agir !"

Roparz s'était rapproché, la main sur la garde. Un comparse de l'hilderin à la langue de vipère lui parla à l'oreille pour le dissuader de continuer à mettre de l'huile sur le feu, avant de conclure : "C'est bon, écoutez, vous avez donné le relai, c'est pas la joie ni le grand amour mais on fera avec. On va descendre avec mon collègue pour veiller sur le chasseur soupe-au-lait en attendant que le Capitaine Uilleam organise les opérations. "

Il manquait le "bon voyage", mais on ne trouverait sans doute pas plus apaisant et les deux hilderins partirent à la suite d'Aeldred, convenablement équipés, sous le regard des Ronces qui n'avaient rien à ajouter et se dirigeaient désormais vers le début d'assemblée.


* "Brûler Aingeal" : expression signifiant à peu près "péter les plombs" / "perdre les pédales" c'est à dire agir sous le coup de l'émotion et perdre tout contrôle, avec les conséquences néfastes qu'on peut imaginer

[Casaïr]

Bien que d'humeur massacrante, Aeldred fit un signe de tête vers Cendres et adressa un "à tout à l'heure !" plus sec qu'il n'aurait voulu à Blodwen.

Il n'était pas sûr que son intervention ait été bénéfique mais au moins, les hiderins avaient enfin décidé de bouger. D'un pas vif il se dirigea vers le marais en évitant toutefois de trop distancer les chevaliers qui le suivaient, et une fois à ses abords, se tint aux aguets tout en prenant la direction que lui avait indiqué la ronce. Il tâcha, autant que faire se peu, de se tenir à l'écart de l'eau qui semblait être le lieu de résidence de la créature.

Il était certain qu'en tant que chasseur de feond il était un complet novice, mais dans le domaine de la chasse tout court ce n'était pas le cas. Alors, plutôt que de chercher les traces d'un monstre qu'il ne reconnaitrait sans doute pas au premier coup d'oeil, il décida de répertorier tout ce qui, à ses yeux, n'était ni animal ni humain. Par élimination il devrait bien trouver un détail qui sortirait de l'ordinaire, du moins il l'espérait. Sinon, il deviendrait la risée des chevaliers hilderins.

Et il en était hors de question.

[Iris]

...Aeldred étant parti violemment, il était tout à fait improbable (sinon impossible) qu'il sûr la teneur de ce qui avait été dit dans son dos (sauf à finalement s'arrêter, revenir un peu en arrière et espionner)...

Temps 1 : Aeldred pique une crise et se barre
Temps 2 : les hilderins et Cendres se bouffent le nez
Temps 3 : les hilderins descendent pour s'assurer qu'Aeldred ne se fasse pas manger

J'attends les réactions de Blodwen (j'ignore si elle reste en haut ou pas) pour savoir quoi poster grosso modo sur les Temps 4 et 5

Attention à la simultanéité - succession des actions : quand un discours long a lieu, il y a un risque (en cas de manque en éloquence ^^) qu'on n'écoute que le début ou la fin de votre tirade ; les posts forment des espèces d'unités de temps. Là par exemple, mes hilderins ne sortent que bien deux minutes après le départ d'Aeldred. Or lui pendant ce temps marche vivement, donc s'éloigne d'autant. Si Aeldred avait voulu se cacher dans la forêt ou le brouillard, le temps qu'ils ont mis à discuter aurait pu les obliger à faire un jet de pistage.

Bref, si vous claquez des portes et partez rapidement seuls, y'a un risque que vous ayez facilement 3 ou 4 tours de combat avant que les gens vous entendent appeler à l'aide, et c'est suffisant pour mourir ... Je dis ça juste pour que vous mesuriez la portée de vos décisions ^^...En tant que MJ je n'attends que ça, les actions "je vais trouver seul le feond" ... mais je m'en voudrais de vous prendre en traître

Tout en bas, Aeldred constata qu'il y avait... du brouillard. En fait, il s'en rendit compte dès la descente. On avait une visibilité de dix à quinze mètres, ce qui ne permettait de ne voir que les rebords de boue et d'argile (avec les traces de Uilleam et Cendres se rendant chez le vieux pêcheur, et celles de Cendres -Roparz- Blodwen- Aeldred la veille dans l'autre direction, avec des piétinements). Les rivages étaient toujours plein de roseaux arrivant jusqu'à environ 2m de hauteur et coupant la vue plus sûrement que la brume. Si Aeldred voulait voir l'eau, il fallait s'en rapprocher en traversant laborieusement les murs de joncs ou prendre une barque et explorer...

Aeldred, prudent, l'oreille aux aguets, évoluait en silence...

[Casaïr]

Le fait d'être hors du village et de faire quelque chose lui permettant de se sentir utile calma peu à peu Aeldred, lui permettant de retrouver un certain niveau de concentration. Tout d'abord, il chercha une longue branche afin de se faire un semblant de canne de marche afin de tâter le chemin devant lui. Il serait malheureux qu'à cause de ce brouillard il ne tombe dans une fondrière. Le manque de visibilité n'arrangeant rien, il ralentit fortement sa vitesse de marche afin de ne pas trébucher dans l'eau ou pire.

Tout en cherchant une barque et en maudissant son manque d'habileté dans son utilisation (il faut bien dire que du côté de Terfynisel il n'avait jamais vraiment eu l'occasion de se balader sur l'eau), il vérifia rapidement s'il avait de quoi faire une torche si le besoin devait s'en faire sentir. Ce genre de matériel ne quittait que rarement son sac mais il n'était plus très sûr d'en avoir encore une, d'autant plus qu'il pensait ne faire que l'aller-retour. Je fais un parfait crétin, se morigéna-t-il, mais maintenant, c'est fait. Plus qu'à m'assurer de ne pas me retrouver à l'eau à cause d'un manque d'équilibre.

Avant de monter à bord, il passa quelques minutes afin de s'imprégner de l'endroit, son odeur, ses bruits, la direction du courant de la rivière. Comme ça, s'il remarquait un nénuphar remontant le courant au lieu de le descendre, il serait prévenu, même s'il doutait quelque peu de pouvoir faire autant de choses à la fois. Ce serait pour ainsi dire une première pour lui. Il devait également veiller à trouver les disparus, vivants ou morts.

[Iris]

La visibilité étant d'une quinzaine de mètres, il n'y avait pas de risque majeur de tomber par hasard dans l'eau ou de mettre le pied où il ne fallait pas. De ce côté là, Aeldred pouvait être tranquille. En descendant, il avait eu tout loisir de voir des noisetiers depuis "l'escalier" tordu qui allait de la rosace jusqu'au marais. L'équipement de chasseur incluant un couteau de type "machette", il n'était pas problématique de récupérer une branche d'un diamètre pas trop important, puis tailler les branchettes, et ainsi avoir un bâton presque droit. Le noisetier commun était une matière première habituelle pour Aeldred.




Réfléchissant un moment, Aeldred décida de prendre une barque. A Terfynisel, il y avait aussi le marais, en bas de la colline, mais c'était moins proche des habitations qu'à Swelbecky. En tous cas, ce milieu n'était pas trop exotique pour un chasseur et surtout pour un pêcheur. On y déposait des pièges pour notamment capturer des anguilles. Aller au marais était une affaire de goût et de personne : certains s'y sentaient à l'aise, d'autres beaucoup moins.

Manœuvrer une embarcation à fond plat de petite taille n'était pas trop sorcier. D'autant plus qu'il n'y avait pas de courant ou pratiquement. Le propre du marais étant d'être constitué essentiellement d'eaux dormantes, le courant s'il y avait, était très faible. Les barques disponibles étaient au bout du ponton (droit devant à partir de l'escalier).

Tandis qu'Aeldred s'imprégnait du silence (et donc n'était pas allé trop loin, surtout si on compte le temps passé à préparer son bâton - canne de noisetier), il entendit du bruit derrière lui :

" Tu vois, l'est même pas encore enveloppé de tentacules. Je trouve même qu'il se porte comme un charme." C'était la voix du plaisantin

" Parle moins fort."

" Je parle pas fort. Et puis tu crois que je vais faire peur au feond ? Ben comme ça au moins, il est sauvé ! C'est pour ça qu'on est là, non ?"

[Casaïr]

Faisant un effort pour ne pas montrer son agacement, il tenta de se conditionner pour rechercher les disparus. Le second pêcheur ayant été plutôt du "côté gauche" de la rivière, Aeldred pensa commencer les recherches par là. Avec un peu de chance, les traces ne se seraient pas assez refroidies pour qu'il passe à côté.

Pensant qu'il y avait au moins un hilderin "sérieux" avec lui, il se tourna vers eux tandis qu'ils approchaient et qu'il se remérora ce qu'il avait appris pendant ces dernières années sur la chasse aux "animaux dangereux". Certes, cela ne collerait certainement pas avec un feond quel qu'il soit mais cela lui évitera de faire des bêtises plus importantes. Quand les chevaliers arrivèrent à sa hauteur, il parla d'une voix aussi assuré qu'il le pouvait, croisant les bras et évitant de montrer son irritation.

"Je comptais partir à la recherche du disparu d'hier. S'il y a ne serait-ce qu'une chance de le sauver, je compte bien la saisir. D'après dame Cendres (rapide coup d'oeil aux deux chevaliers pourvoir leurs réactions), les ronces ont procédé à leurs recherches de ce côté-ci, dit-il en montrant la direction qui lui semblait être la bonne. J'avoue que je ne sais pas s'ils sont de bons chasseurs ou quoi que ce soit, il est donc possible que quelque chose leur ait échappé, ce même s'ils connaissent le coin. Nous, nous sommes trois, et bien que nous n'ayons pas vraiment eu le temps de nous familiariser avec les lieux, nous venons avec un regard neuf sur la situation. Nous aurons donc peut-être la chance de voir quelque chose qui cloche, qui ne devrait pas être là : un mouvement dans l'eau inhabituel par exemple ; si c'est un feond se déguisant en plante, une plante se déplaçant sur l'eau à contre-courant ou trop vite par rapport au courant lui-même - ou même se déplaçant tout court en fait-, des traces sur la rive (si on arrive à voir quoi que ce soit avec cette brume) indiquant la trace d'une lutte quelconque, etc. Si vous constatez n'importe quoi qui vous semble étrange, dites-le. Je préfère avancer avec prudence que de manquer quoi que ce soit qui pourrait nous indiquer ce qui est arrivé à cet homme ou nous mettre en danger nous-même."

Aeldred regarda la réaction des deux hommes qui l'accompagnaient, afin de voir s'ils avaient quelque chose à redire sur son plan dont lui-même était très loin d'être sûr. Il avait toujours préféré chasser en solitaire et se retrouver au sein d'un groupe dont visiblement aucun des membres ne voulait réellement être là risquait de lui compliquer la tâche.

"Bien entendu, si nous croisons d'autres personnes, il nous faudra les prévenir du danger qui les menacent, je ne voudrais pas que quelqu'un d'autre disparaisse pendant que nous cherchons des traces des disparus ou de ce qui est responsable de cela."

Il se mordit la lèvre à cette évocation. Bien qu'accompagné par deux chevaliers expérimentés (enfin il espérait qu'ils l'étaient !), il avait l'impression que l'on avait jeté sur ses épaules un rocher trop lourd pour être porté, situation dont il était responsable. Il devait donc non seulement trouver des réponses, mais également veiller à leur sécurité à tous trois. Une froide résolution s'ancra peu à peu en lui, remplaçant ses appréhensions alors qu'ils étaient sur le point de se mettre en route pour de bon.

"Quand vous serez prêts, nous pourrons partir."

[Iris]

Haussement de sourcil sceptique chez l'un, perplexe chez l'autre.

" Ouais, enfin, on est surtout descendu pour qu'ils croient pas qu'on te laisse te faire bouffer. Le plus simple c'est de te garder ici."

" Feignasse."

" Le zèle conduit droit à la tombe."

" On a rien de mieux à faire : ça nous coûte rien de chercher le disparu. "

" Doit être mort. Et si c'est un truc sous-marin, il l'aura entraîné sous l'eau ce qui explique qu'il n'y a rien à la surface. Je ferais comme ça si j'étais un feond."

" Heureusement que c'est pas le cas alors."

" C'est ça, marre-toi. Si les Ronces ont rien trouvé c'est peut-être aussi qu'il n'attaque que lorsqu'il se sent en position de force, contre une seule personne."


La barque s'enfonça de quelques centimètres dans l'eau et son fond paraissait vraiment humide... mais apparemment elle tenait le coup. Dans l'ensemble, la vue des berges était à exclure : des joncs poussaient depuis la partie hors de l'eau des berges jusqu'à deux à trois mètres dans l'eau.