[Focus] Occulte (Aeldred)

[Casaïr]

"D'accord."

Aeldred rendit son sourire à sa mère, s'attelant prestement à la tâche, essayant de tout bien remettre à sa place. A un moment il pensa demander à sortir une fois tout bien rangé, mais à quoi bon ? Il se sentait totalement vidé de ses forces et de toutes façons, son père lui hurlait dessus dès qu'il sortait pour autre chose qu'aller à la maison des dàmàthairs. Finalement, il se sentait comme prisonnier ici, dans cette maison qu'il aimait tant auparavant et qui maintenant l'effrayait.

Son père lui refusait l'atelier désormais, mais ce n'était finalement pas une mauvaise chose : qui sait ce qui pourrait arriver de nouveau ?

Une fois le rangement terminé, il regarda sa mère, semblant demander : "et maintenant ?"

[Iris]

Une voix provint de l'atelier : "Enora ! "

C'était un appel et le ton n'était pas rassurant. Enora, quelles que fussent ses bonnes résolutions quand Killian était absent, avait du mal à garder les idées claires sitôt qu'elle l'entendait. L'émotion la submergeait, des suées de peur et de colère mêlées.

[NailsEater]

"Enora ! "

Un frisson l'a parcours. Toutes ses résolutions s'envolent en un instant, au son de cette voix.

A-t-il découvert que le bracelet à disparu ? Pas déjà ! De toute manière ce n'est qu'un bijou ! La tête haute, elle se retourna vers la porte, après un regard sur sa cuisine. Ses yeux se posent sur son fils qui la regarde, perdu. Elle essaye de se reprendre, de faire bonne figure devant Aeldred.

- Je t'aime mon chéri. Soit sage, je reviens.

Elle pousse la porte et se dirige vers l'atelier. Ses pas son lent, son cœur bat fort. La peur et la colère se mêle dans un tourbillon épouvantable. Ne devrait-elle pas faire demi-tour, prendre son enfant et partir? Pourquoi avance-t-elle donc vers cet homme ? Trop fière, Enora, trop fière.
C'est sur ses pensées qu'elle se trouve dans l'entrée de l'atelier.

- Tu m'as appelé ?

Ma voix tremble.

[Casaïr]

Le ton sur lequel son père avait appelé sa mère électrisa Aeldred.

Il la vit partir rejoindre Killian dans son atelier mais ne pouvant rester ici à attendre tranquillement, il se mit à réfléchir à toute vitesse. Si ce bracelet était vraiment responsable de tout ça, la cachette que sa maman avait trouvé serait vite éventée. Il se hâta jusqu'au placard qu'il ouvrit à la volée pour le refermer tout aussi vite, une fois le bijou entre ses mains. Il chercha une cachette sûre et décida de le mettre dans son matelas, essayant de le dissimuler au milieu de sa paille avant de retourner, hors d'haleine, jusqu'à la porte de l'atelier, se cachant derrière elle.

Il voyait sa mère trembler et commençait à avoir vraiment très très peur.

[Iris]

Dans la forêt des oiseaux s'envolèrent en nombre comme pour fuir un prédateur. Quand une menace s'approchait, ils se mettaient à distance, ils cherchaient à sauver leur vie. Jamais ils ne se seraient risqués délibérément au plus près du danger.

Pourtant Enora s'engagea dans l'antre de Kilian, obéissant à son injonction comme à une force supérieure à son instinct, à l'avertissement de sa peur, à ses espoirs.

Le cadre de la porte en bois usé était une frontière entre l'extérieur et un monde plongé dans les ombres. La porte grinçait et bougeait doucement au gré du vent qui se levait et fraichissait. Dans le lointain on entendit le roulement d'un orage.

Un fracas ! La porte venait de claquer d'un appel d'air, enfermant Enora avec le monstre. Il grondait, il accusait, il vociférait. Des dénégations, des tentatives de négociation, des suppliques...

De l'extérieur Aeldred vivait la peur à l'état pur imbiber ses vêtements qui lui collaient à la peau, l'étrangler alors qu'il s'efforçait de respirer de plus en plus fort, s'immiscer jusque dans chacune des gouttes de son sang.

Le cri ! Un hurlement de terreur et de douleur, suraigu.


On battait à la porte, on frappait, on voulait sortir mais elle était coincée !

[Casaïr]

Réagissant au quart de tour, Aeldred, la peur au ventre, essaya d'ouvrir la porte, hurlant "Maman ! MAMAN !!!" mais il n'arrivait à rien, et derrière, les cris étaient atroces.

"Je vais chercher de l'aide, maman !!"

Courant comme s'il avait la mort aux trousses, il sortit en trombe de la maison familiale, criant aussi fort qu'il le pouvait.

"A L'AIDE ! VENEZ M'AIDER ! IL FAIT DU MAL A MAMAN !!"

Il chuta plusieurs fois dans sa course, s'écorchant méchamment les mains, les coudes, les genoux. Ça ne l'empêcha pas de tambouriner à toutes les portes qu'il croisait. LEs yeux pleins de larmes, il ne voyait pas si elles s'ouvraient car, à peine avait-il lourdement frappé à une maison qu'il passait à la suivante, jusqu'à ce qu'une nouvelle fois il s'effondre lourdement au sol. Il pleurait et hurlait toujours, incapable de se rendre compte si les villageois réagissaient à ses suppliques.

"AIDEZ-MOI !! PAPA, IL... Il tue maman..."

[Iris]

Aeldred courait chercher de l'aide, mais il habitait très à l'écart du village et pour s'y rendre il fallait emprunter des chemins forestiers sombres... Le vent secouait les branches de plus en plus fort, au point d'en briser certaines, qui tombèrent avec des craquements d'autant plus terrifiant pour l'enfant.

Il était seul, dans la forêt, entouré des ombres menaçantes, à courir chercher de l'aide, en vain. Il courait, il courait, mais il lui semblait qu'il n'arrivait pas à avancer, qu'il ne serait jamais à temps au village pour sauver sa mère qui avait tant besoin de lui.


...

Il s'éveilla en sueur, brûlant et glacé à la fois, dans le lit de la dàmàthair Rhea.

Dans son esprit il devait chercher de l'aide pour sauver sa mère, il y avait encore un espoir, mais il était pris dans la forêt, dans la tempête...

La jeune femme ne pouvait constater qu'une chose : c'était toujours le même cauchemar en boucle, en vain.

[Casaïr]

Totalement désorienté, il fallut quelques minutes, comme toutes les nuits, pour qu'Aeldred se rappelle où il était. Dans la pénombre de la chambre, il reconnut Rhea et comme toutes les nuits, un mélange de tristesse et de colère l'envahissait.

"La broche de maman, où elle est ? Où est son rossignol ?" demanda-t-il d'une voix tremblante.

C'était devenu un rituel, il demandait toujours après la fibule d'argent de sa mère quand il sortait de ce cauchemar qui lui rappelait sans cesse son impuissance à sauver sa mère. Il avait cessé de compter les nuits d'horreur, mais il sentait bien qu'il se renfermait de plus en plus sur lui-même. Le rossignol ne chantait plus. Il n'entendait plus que les croassements des corbeaux dans ses rêves. Et lors de ses phases d'éveil, il lui semblait ne la traverser que pour attendre une nouvelle fois ce qui le torturait dès qu'il fermait les yeux.

"Je... Je peux avoir un peu d'eau ? S'il vous plait ?"

Rhea lui avait déjà dit qu'il pouvait la tutoyer, mais il ne parvenait pas à s'y résoudre. Il avait peur qu'en le faisant, il finisse par oublier ses parents, et tout ce qui était bien, avant que...

Maudit bracelet !!! Je te hais, toi et celui qui t'a donné à papa !

Un accès de rage pure le traversa en un éclair mais il se calma rapidement et attendit, se murant dans son mutisme.

[NailsEater]

Un cauchemar de plus.
Rhéa se demandait combien de temps il faudrait pour que cet enfant reprenne une vie tranquille. Les jours passaient et les nuits finissaient immanquablement de la même façon.

- "La broche de maman, où elle est ? Où est son rossignol ?"

- Là, tiens.

Elle lui tendit la fibule et passa sa main sur sa tête, caressant doucement ses cheveux.

- "Je... Je peux avoir un peu d'eau ? S'il vous plait ?"

- Bien sûr. Tu peux me dire « tu », tu sais ?

Elle avait préparé le verre d’eau alors qu'il commençait à s’agiter.

- Tu veux quelque chose d’autre ?

[Casaïr]

Aeldred serrait fort la broche de sa mère, ce qui finit de le calmer.

"Ce que je veux... je ne peux plus l'avoir..."

Il renifla bruyamment, regardant sa tutrice, la seule qui avait bien voulu de lui quand tous les autres s'en étaient détourné.

"Papa... Maman... Je les vois que dans mes cauchemars... Je... je sais pas quoi faire... V...tu resteras toujours avec moi ?"