TdF Chap.8.1 - Les dernières heures du jour

[Iris]

"Mère ?!"

Stupéfaite, Aleth resta un instant à accuser le coup, regardant sa mère comme si elle ne la reconnaissait pas. Un millier de choses lui passaient par l'esprit, ne sachant quels mots attraper au vol pour les articuler. Que Dame Guenièvre évoquât en sus son physique la mettait mal à l'aise. Elle n'était pas tranquille quand les hommes la regardait, essayant de faire abstraction, et se sentant facilement inférieure à des séductrices comme Lady Silva Harte qui paraissait savoir précisément quoi dire et comment se comporter pour obtenir ce qu'elle voulait, mais son comportement était malsain et son cœur mauvais. Quand bien même Aleth se débattait avec sa conscience et n'était pas en paix, elle répugnait à l'idée de se découvrir semblable à cette vipère malfaisante.

Un peu gênée : "Mes robes datent de mon temps au septuaire... Des femmes comme cette vipère de Silva Harte se rient de moi, et mes vêtements ne me protègent en rien des sous-entendus grivois des outres de vin Redwyne, des assiduités agaçantes d'épées à louer, ni de malfrats... " avant de s'exprimer avec plus d'élan et d'indignation après des mois de silence : "De toutes façons les hommes s'en prennent à n'importe quelle femme : les Manteaux d'or auraient bien violé Alyse Hastwyck s'ils en avaient eu le temps ! La modestie ne protège pas moitié autant qu'une dague !" Poursuivant son argumentaire : "Le commanditaire des assassins s'obstine à m'abattre, moi, alors que je n'ai jamais causé de tort à personne ! " avant de conclure avec une note ironique : "En tous cas si je parais bien sage et dépourvue d'intelligence, nous pouvons exclure l'hypothèse de l'agent Lannister auquel j'aurais fait peur."

Pourquoi en effet se donner toute cette peine pour tuer une lady discrète et incapable de démasquer un espion ? Si telle était son apparence, alors le mobile du meurtre ne pouvait pas être la crainte d'être découvert. Aleth fronçait les sourcils en y songeant et s'interrogeait sur l'impression qu'elle donnait. Etait-ce un indice valable pour pencher en faveur de sa dernière hypothèse ? Elle aurait préférée être prise au sérieux et assassinée pour une bonne raison, pas juste parce qu'elle était opportunément là et facile à tuer.

Quand bien même Aleth montait par moment le ton, c'était avant tout contre l'injustice qu'elle percevait de sa condition de femme, la sensation d'être estimée, jugée, jaugée en fonction de son apparence et quoi qu'elle portât. La discrétion chaste du septuaire en tous cas ne lui donnait pas la même satisfaction qu'à sa mère.

[DukeTogo]

Guenièvre se raidit un peu.

"Aleth, je sais que tu es observatrice mais si je suis convaincu d'une chose, c'est que la séduction à des fins amorales ou la proximité excessive et équivoque n'engendrent jamais rien de bon."

Elle se détendit, sentant sa fille partagée par des sentiments contraires.

"J'ai confiance en toi. Et j'ai confiance en ton entourage pour te défendre." Pause avec un sourire. "Mais je vais quand même rester prier un peu."

[Iris]

Aleth regarda sa mère avec un soupçon d'incompréhension, ne saisissant pas pourquoi elle parlait de séduction alors que la jeune fille essayait de dire que même vêtue comme une souris, on ne la laissait pas en paix. Était-ce une manière de ne pas aborder la violence sexuelle ? De lui dire que les amoraux paieraient un jour ou l'autre et qu'il ne fallait pas les imiter ?... Ou pour la mettre en garde quant au plan de Gyles qui lui revenait soudain à l'esprit ? Ou juste la dissuader de changer de garde-robe ?

Perplexe, elle estima qu'il n'était pas temps de se perdre en conjectures sur des vétilles.

Elle accueillit le sourire de sa mère comme un encouragement rare et eut un sourire un peu timide en retour avant de quitter les lieux.

[DukeTogo]

Alors qu'elle sortait, la lady entendit la voix de sa mère.

"Aleth... Y'a t'il autre chose dont tu as besoin de me parler ?"

[Iris]

Aleth resta un moment à regarder sa mère en silence, procédant par réflexe à un examen de conscience, comme on attendait des croyants qu'ils le fissent au Grand Septuaire. En quelques secondes il ne restait plus pour le moment qu'un sujet :

Fallait-il l'avertir que Darren viendrait décliner l'offre d'utiliser le mariage d'Aleth pour se sauver ?

Si Aleth mourait, ce sujet deviendrait obsolète et ne servirait qu'à semer le trouble entre les survivants. Si le commanditaire pouvait être appréhendé ou nettement identifié, certainement aussi. Alors même si elle ressentait toujours de l'amertume à l'idée que sa mère puisse envisager de la sacrifier de la sorte, ce n'était pas un sujet approprié pour le moment.

Après ces secondes de réflexions, ne voyant pas autre chose dont elle pourrait éprouver le besoin de parler avant la bataille, elle secoua la tête et partit.