Teskani - Appel à l'aide

[Aubelune]

Le plus dur allait être de ne pas se faire claquer la porte au nez derechef. Lisa adopta le ton calme qu'elle avait répété dans la voiture.

- Bonjour, Geogina Kutty? Je suis Elisabeth Stark. Je n'ai rien à vendre...

Lisa faillit ajouter "rassurez-vous" avant de se raviser au vu de ce qui allait suivre.

- ...mais je voudrais vous parler de votre soeur, May. Est-ce que vous auriez quelques minutes à me consacrer?

La jeune femme ne comptait pas faire mention de Kolb avant que Georgina l'ait invitée à entrer et elle essayait de son mieux de ne pas avoir l'air anxieuse.

[Iris]

Pour la forme et parce que j'aime faire rouler les dés...

• Lisa essaie d'être calme et convaincante : CHR (1) + Négociation (10) + Niv. Concentration (4) + Déterminée (6... ne paraît pas trop dans l'anxiété) + D20 (12) = 26. Performance honorable dans l'absolu.
• Georgina écoute et cherche à se faire une idée sur son interlocutrice : CHR (1) + Altérité (5) + encore sur l'élan de méfiance (4) + D20 (13) = 23. Tient pas mal tête.

Lisa arrivait à se maîtriser et à être assez présente pour ne pas se faire claquer la porte au nez. Elle avait l'air relativement calme et sûre d'elle, mais ce n'était pas non plus une prestation exceptionnelle et elle n'avait gagné qu'un ascendant très superficiel sur son interlocutrice fort méfiante et qui avait dû s'endurcir durant ces quinze dernières années.

" May est morte. "

Une évidence. Apparemment elle ne voyait pas ce qu'il y avait à en dire de plus. Cependant, elle ne claqua pas la porte au nez de Lisa, lui laissant visiblement une chance de s'en sortir, peut-être vaguement curieuse au fond en dépit de son air plutôt sombre.

" Vous n'êtes pas journaliste au moins ? "

Son ton indiquait qu'elle avait une dent contre les journalistes.

...

[Aubelune]

Heureusement que Lisa avait préparé son mensonge dans la voiture, sans quoi la question directe aurait pu la décontenancer un peu plus. Elle avait pris le parti de mentir le moins possible pour se faciliter la tâche. Elle ne prononça donc pas le mot "Non"...

- Rassurez-vous, je travaille pour un enquêteur privé, sur la disparition d'une jeune femme et nous avons des raisons de penser que cette affaire est liée à ce qui est arrivé à votre sœur. Si vous permettez, je pourrai vous en dire plus à l'abri des oreilles indiscrètes...

En disant cela, Lisa lorgnait vers les appartements voisins comme pour convaincre son interlocutrice que le palier n'était pas l'endroit idéal où discuter de choses aussi délicates.

[Iris]

Presque pas un mensonge, hein ? En tous cas Georgina Kutty eut tendance à prendre la réponse pour un "non", par contre la présence éventuelle de voisins ne sembla pas l'émouvoir, peut-être parce qu'elle savait qu'à cette heure il n'y avait pas grand monde dans les parages :

" C'est bon, entrez." fit-elle en claquant la porte derrière Elisabeth Stark.

" Alors comme ça vous enquêtez sur la disparition d'une pauvre fille ? Pour autant que je sache la police a pourtant rouvert le dossier du Tueur de l'Encre, depuis cette sinistre farce avec l'inspecteur Wright."

Elle logeait dans un appartement moderne, en entrant on tombait directement dans son salon avec un large canapé de cuir blanc coincé contre un angle du mur, avant le large passage sans porte en direction d'une cuisine dotée de chaises de bar. Elle éteignit la musique et alla s'installer dans la cuisine sur une haute chaise, dos à la fenêtre, en partie en épais pavés de verre translucide et faisant toute la hauteur de la pièce. Elle désigna à Lisa de prendre une chaise d'un geste du menton et alluma une cigarette qu'elle sortit d'un élégant étui argent et nacre et fuma à l'aide d'un fume-cigarette, jambes croisées, dans une position passablement inconfortable et acrobatique qu'elle semblait trouver normale.

" Bon, videz votre sac. Que suis-je censée savoir de si remarquable qui puisse permettre de mettre la main sur ce fumier ? "

...

[Aubelune]

Histoire d'accélérer les aller-retour entre Kolb et Lisa sur le forum, quand il frappera à la porte, Lisa dira simplement
- Ce doit être Monsieur Kolb, l’enquêteur privé dont je vous parlais à l'instant.
Comme ça il peut enchaîner sans attendre que je réponde

Le ton direct de la femme ne laissait pas vraiment à Lisa le temps de badiner en attendant que Kolb "gare la voiture". Elle n'allait pas pouvoir essayer de l'apitoyer. il fallait entrer dans le vif du sujet ou elle perdrait patience. Elle chercha néanmoins du regard une ou l'autre photo de May au cas où.

- Justement, c'est à propos du tueur de l'Encre... La famille de la jeune femme qui a été enlevée craint que la police ne soit pas assez rapide... Au cours de notre enquête, Monsieur Kolb - mon patron - et moi-même avons acquis la quasi certitude que May était sa première victime et qu'il s'inspire d'elle pour reproduire sans cesse ce premier crime.

Lisa marqua une pose en tentant le plus possible de faire preuve d'empathie. Elle travaillait son regard et son ton, ne tenant vraiment pas à brusquer la femme qui avait déjà l'air assez ennuyée comme ça.

- Nous avons décidé de réexaminer l'affaire en partant du principe que le tueur connaissait May et qu'elle n'était pas une victime choisie "au hasard". C'est pourquoi je souhaite vous poser quelques questions sur ses fréquentations : ses amis, ses activités, les lieux où elle avait l'habitude de se rendre. L'enquête ne vous rendra pas May c'est certain...

Nouvelle pause calculée.

- Mais peut-être pourrez-vous enfin savoir la vérité.

[Wenlock]

"Ding, dong" sonna Kolb en arrivant à l'étage.
Il prit son air le plus professionnel, retira son chapeau et s'inclina poliment lorsqu'on lui ouvrit la porte, se présenta et tendit sa carte. Invité à entrer, il interrogea Miss Stark du regard pour savoir comment se déroulait les choses et s'il elle avait besoin qu'il intervienne, sans quoi il se contenterait pour l'instant d'être une silencieuse garantie de sérieux, carnet en main et s’apprêtant à noter les éventuelles informations que Georgina Kutty pourrait leur fournir.

[Iris]

• Lisa essaie d'être calme et convaincante : CHR (1) + Négociation (10) + Niv. Concentration (4) + Déterminée (6... ne paraît pas trop dans l'anxiété et l'excès de calculs appliqués) + D20 (17) = Assez Moyen
• Georgina écoute et observe en réfléchissant : CHR (1) + Altérité (5) + D20 (8) = 14.

Alors qu'Elisabeth Stark s'empêtrait un brin dans ses pauses calculées, elle pouvait au moins s'appuyer sur le fait que son interlocutrice relâchait un peu la tension ou du moins sa méfiance initiale pour se concentrer sur le contenu du message plutôt que sa forme. Georgina laissait donc la jeune détective s'expliquer, admettant que globalement l'investigatrice était sincère et appliquée. Quant à savoir ce que Georgina pensait, difficile à dire puisqu'elle se murait dans un silence enfumé...

Ce fut alors que M. Kolb sonna, un brin froncement de sourcil sur le visage de Georgina qui ne se rappelait pas avoir été prévenue de l'arrivée du patron de la détective. Elle alla ouvrir et observa l'homme qui arrivait. Comme garantie de sérieux, ce n'était pas mal.

" Pourquoi n'êtes-vous pas arrivés en même temps ?" demanda Georgina Kutty après regardé la carte et fermé la porte.

" Vous ne m'avez pas dit comment vous en êtes venus à penser que la jeune fille sur laquelle vous enquêtez a pu tomber entre les mains de ce fumier. Vous savez sûrement que ce n'est pas le seul psychopathe qui se balade en ville."

Elle invita Kolb à venir dans la cuisine, sortit un second cendrier qu'elle posa sur la table haute au bord de laquelle se trouvaient les deux chaises de bar proposées à Lisa et Alen.

" Je vais faire un peu de café."

Elle regarda à l'horloge de la cuisine, en hauteur au-dessus du plan de cuisson.

" Je pars au travail pour 18h. J'imagine que nous aurons fini d'ici là ?"

Kolb nota sans doute (Altérité 18 !) qu'elle s'efforçait de garder son calme, sa contenance et d'agir normalement, sauf que c'était une normalité forcée, qui se percevait dans le ton, certaines accentuations, la manière de tenir son fume-cigarette.

" Bien, M. Kolb, votre assistante m'a signalée que vous voulez reprendre l'enquête en partant du principe que May est une victime... différente ? C'est ça ? "

" J'aimerais bien savoir comment vous vous placez par rapport au fiasco de la police, ce qui vous fait penser que vous aurez de meilleurs résultats qu'eux."

Manifestement Georgina Kutty était du genre à s'adresser à Dieu plutôt qu'à ses Saints, si l'on peut dire dans un contexte largement athée ! Il n'était pas impossible qu'elle posât des questions sur les enquêteurs et leur démarche pour se sentir moins acculée, moins pressée, et moins oppressée par le rappel d'un épisode très douloureux. Vu son âge actuel, elle avait dû avoir dans les 14-15 ans à l'époque et avait grandi dans une famille ravagée par le drame, connaissant le deuil probable de sa mère après celui de sa sœur aînée. Aucune photo, aucun souvenir de famille n'était visible, l'appartement était propre sur lui, il aurait pu être photographié pour un magazine de décoration d'intérieur.

" Vous voulez connaître quoi ? Fréquentations ? Activités ? Lieux où elle se rendait ? ... Vous savez ce que vous cherchez au moins ? May avait quand même pas mal la bougeotte."

Parce que les dés, c'est sympa...

• Georgina Kutty : CHR (1) + Négociation (10) + D20 (18) = 29
• Alen D. Kolb : CHR (1) + Altérité (18) + D20 (10) = 29
• Elisabeth 'Lisa' Stark : CHR (1) + Altérité (5) + D20 (20) = 26

Alen eut l'impression que Georgina pensait à quelque chose en particulier mais qu'elle préférait peut-être se faire une idée des enquêteurs avant... mais quoi ? En tous cas elle gambergeait pendant qu'elle posait des questions, ça c'était sûr.

...

[Aubelune]

Soit, puisque la femme préférait s'adresser à Kolb directement, Lisa s'effacerait pour le laisser embrayer. La jeune journaliste avait l'impression qu'un faux pas avec elle pourrait tout bousiller... elle avait l'air plutôt tendue.

- Monsieur Kolb garait la voiture (Lisa ne répond cela que si c'est plausible dans le quartier, c'est ce sur quoi on s'était mis d'accord avant d'avoir eu la description mais le but n'est pas de bousiller l'entretien si ce n'est pas une réponse logique).

Et se tournant vers Kolb :

- J'expliquais à Madame Kutty que nous sommes engagés par la famille de Feyrel pour mener l'enquête sur le tueur de l'Encre et qu'il nous semble que May doit être la première victime dont le voleur continue de s'inspirer pour perpétrer ses crimes.

Se tournant de nouveau vers Georgina, elle ajouta :

- En fait la ressemblance physique avec les autres victimes et le mode de l'enlèvement ainsi que l'époque pointent tout particulièrement vers le tueur l'encre. il semble avoir pris certaines habitudes voyez-vous...

Lisa se tut enfin pour laisser à Kolb le loisir de répondre aux questions de Georgina qui semblait préférer l'air expérimenté du détective.

[Wenlock]

La MJ nous a décrit qu'il y avait plein de places libres autour de l'immeuble, mais l'intervention de Lisa me paraît servir nos rôles respectifs...

« Pourquoi n'êtes-vous pas arrivés en même temps ?
_Monsieur Kolb garait la voiture. »
Kolb, qui n'aimait guère être interrogé, laissa à Miss Kutty le temps de manifester une quelconque incrédulité avant de répondre avec un très discret sourire de connivence : « Pour être exact, j'ai fait le tour du bloc avant de revenir me garer. Petit précaution due à la... "sensibilité" de l'enquête. » Et pour enfoncer le clou, il déboutonna son veston comme par automatisme, certain que le café fait, la position assise révèlerait à un moment ou à un autre la crosse de l'automatique sous son aisselle.
«J'expliquais à Madame Kutty que nous sommes engagés par la famille de Feyrel pour mener l'enquête sur le tueur de l'Encre et qu'il nous semble que May doit être la première victime dont le voleur continue de s'inspirer pour perpétrer ses crimes, fit Lisa.
_Vous ne m'avez pas dit comment vous en êtes venus à penser que la jeune fille sur laquelle vous enquêtez a pu tomber entre les mains de ce fumier. Vous savez sûrement que ce n'est pas le seul psychopathe qui se balade en ville.
_En fait la ressemblance physique avec les autres victimes et le mode de l'enlèvement ainsi que l'époque pointent tout particulièrement vers le tueur l'encre. il semble avoir pris certaines habitudes voyez-vous...
_Je vais faire un peu de café. Je pars au travail pour 18h. J'imagine que nous aurons fini d'ici là ?
_Je vous y conduirait volontiers si nécessaire, répondit Kolb.»
Le détective fit signe à son "assistante" de rester à sa place et lui-même dépassa à peine l'entrée de la cuisine. Les mains croisées dans le dos sur son chapeau, il reprit d'une voix mesurée : « Le mode opératoire ne laisse en effet aucun doute, c'est bien le me^me tueur. (Kolb s'approcha s'approcha du cendrier pour extraire une cigarette de son propre étui en argent et augmenter très légèrement la "pression" de sa présence.)
_Bien, M. Kolb, votre assistante m'a signalée que vous voulez reprendre l'enquête en partant du principe que May est une victime... différente ? C'est ça ?
_Nous avons infirmé toutes les alternatives et nous pouvons donc affirmer que votre sœur était la victime originelle, oui. Les crimes suivant ne sont, d'une certaine manière, que la reconstitution de cet acte fondateur.
_J'aimerais bien savoir comment vous vous placez par rapport au fiasco de la police, ce qui vous fait penser que vous aurez de meilleurs résultats qu'eux.
_D'abord parce que je n'ai pas l'intention de me laisser "dessaisir" ni assassiné comme l'inspecteur Ruskin, de me contenter d'un bouc-émissaire arrangeant comme l'inspecteur Wright qui lui a succédé ni de me laisser enterrer sous les autres affaires comme l'inspecteur Mersson qui avait repris le flambeau après le lamentable procès de Nils Gruber. Notre avantage sur tout mes-ex-collègue du Profil est extrêmement simple : enquêtant à titre privé, personne ne peut nous obliger à démordre si nous ne voulons pas. Personnellement, je n'ai jamais su abandonner... et je ne vais pas commencer lorsque la vie d'une jeune femme est en menacée, ajouta-t-il d'un ton dur. »
Il percha son chapeau sur sur une des chaises hautes et alluma finalement sa cigarette pour laisser en silence le café passer et son petit discours s'imprégner dans l'esprit de Georgina Kutty.

[Et moi je laisse la MJ répondre avant d'enchaîner, Kolb n'ayant pas encore tiré toutes ses cartouches...]

[Iris]

Georgina Kutty ne savait que penser de ce détective qui évoquait le caractère sensible de l'affaire pour se garer, elle n'aurait tout simplement jamais imaginé que des gorilles puissent filer le duo qui débarquait chez elle et elle se contenta de garder le silence à ce propos, n'étant pas assez compétente dans ces affaires pour savoir ce qui était vraisemblable ou pas. De même elle écouta avec un léger froncement de sourcil de concentration l'idée de la répétition d'un acte fondateur qui remonterait à une quinzaine d'années. Elle allait dire que c'était dément, et se retint en songeant que de toute façon, le Tueur de l'Encre était forcément un fou criminel au vu de ses actes.

_D'abord parce que je n'ai pas l'intention de me laisser "dessaisir" ni assassiné comme l'inspecteur Ruskin, de me contenter d'un bouc-émissaire arrangeant comme l'inspecteur Wright qui lui a succédé ni de me laisser enterrer sous les autres affaires comme l'inspecteur Mersson qui avait repris le flambeau après le lamentable procès de Nils Gruber. Notre avantage sur tout mes-ex-collègue du Profil est extrêmement simple : enquêtant à titre privé, personne ne peut nous obliger à démordre si nous ne voulons pas. Personnellement, je n'ai jamais su abandonner... et je ne vais pas commencer lorsque la vie d'une jeune femme est en menacée, ajouta-t-il d'un ton dur. »

Le café était pratiquement prêt, elle avait sorti des tasses design sobre, blanches avec une ligne horizontale dorée toute simple et élégante à la fois, avec sous-tasse. En parallèle, elle avait mis sur la table un sucrier avec une petite pince pour attraper des morceaux cristallisés bruns, et avait à un moment placé un "Lait ? " ne le sortant qu'à la demande. Pour finir, elle avait vidé deux boîtes de biscuits différents, les uns sablés, les autres à la confitures de fruits rouge, sur une coupelle. Finalement elle se servit et se percha de nouveau sur sa chaise accoudée à une sorte de buffet sur lequel se trouvait son premier cendrier, un biscuit, sa tasse de café avec un sucre.

" Je vois, vous avez bien jeté un oeil au dossier et à tous les incidents qui ont ponctué sa non-résolution. Il paraît qu'il y a un nouvel enquêteur. Un ami dans la police m'a dit que c'était une femme qui avait travaillé jusque là comme Marshall. Je ne sais pas ce que je dois en penser. "

La fonction des marshall est variée, en bref, ils doivent se débrouiller avec les criminels endurcis qui voyagent dans les zones sauvages, boisées, montagneuses du pays. Il s'agit souvent de meurtrier, plus ou moins en cavale, et donc un historique dans cette fonction signale quelqu'un d'habituellement sportif, capable de monter à cheval, de randonner, de conduire différents véhicules ; ce sont généralement de bons tireurs au fusil et des pisteurs raisonnablement bons. Ils sont réputés ne pas faire de détails et avoir l'habitude de bosser seuls ou en petites équipes solides.

" Alors vous êtes vraiment convaincu qu'il a recommencé ? Qu'il a attrapé une fille si tard dans la saison ? Enfin, si c'est le cas, qu'il y a une petite chance de faire quelque chose après tout ce gâchis, je ferais mon possible pour vous aider. "

(...)

" Concernant le meurtre de May, j'étais encore jeune à l'époque. Mes souvenirs sont plutôt flous. Il faut aussi savoir que May était bien plus âgée que moi et qu'elle sortait beaucoup, je ne suivais ses activités que de loin. Elle était celle à qui tout réussissait et moi, sans être le vilain petit canard, à côté d'elle, je ne tenais pas la comparaison. "

" Ce que je sais des faits, je l'ai appris après coup. Ma famille était détruite, notre mère a sombré dans l'alcoolisme et l'abus de médicaments, elle a fini par en mourir. Notre père s'est refermé sur lui-même, il a quitté la ville et se consacre à son jardin et à aider de jeunes enfants. Il n'a pas de radio, ni de téléphone. Il ne lit d'ailleurs pas non plus le journal, ne supportant pas de revoir année après année des cadavres être récupérés dans l'Encre."

" A l'époque j'avais sympathisé avec l'inspecteur Richard Ruskin, je garde un bon souvenir de lui. Lui aussi parlait un peu comme vous M. Kolb. On lui a retiré l'affaire car il la prenait trop personnellement parait-il, surtout, May avait des fréquentations dans le beau monde de la société des gratte-ciel du Crescent, des étudiants issus de familles prestigieuses, et il les interrogeait comme des témoins ordinaires, ça n'a pas du tout plu. Même une fois dessaisi, il a continué ses investigations à titre privé. Je suis allée quelques fois chez lui, je me rappelle un peu de son fils... Mais surtout, il avait tous ses dossiers chez lui, le double des travaux du Profil, et tout a brûlé quand il a été assassiné. "

Elle alluma une nouvelle cigarette.

" Quelques années plus tard, ce tocard d'Hermann Wright a saccagé le dossier. Je suis allée le voir, j'avais vingt ans et j'étais déterminée à faire moi-même la lumière sur l'affaire. Durant les cinq années entre le meurtre de May Kutty et l'arrestation de Nils Gruber, j'ai noté, interviewé, recherché... maladroitement certainement... mais je pense avoir fait une liste à peu près exhaustive des fréquentations de May, j'avais même en grande partie recomposé son emploi du temps, sur pratiquement trois semaines avant sa mort, et vu ses activités, je peux vous assurer que je m'en suis vue. Quand j'ai entendu parler du procès Gruber, je n'en revenais pas, je suis allée voir le procureur abus de langage, on parle bien de l'assistant du procureur, Adeline Forbes, pour lui dire qu'il fallait croiser les emplois du temps, et des tas de bêtises. C'est alors que j'ai compris, à ce qu'elle me disait que des pièces relatives à l'enquête sur le meurtre de May avaient disparu. A force de traîner régulièrement du côté de la police, je me suis fait de vagues relations amicales, et j'ai pu en savoir plus sur ces pièces. J'ai appris qu'elles étaient normalement entreposées aux archives, mais que voilà, elles n'y étaient plus. Bien sûr, j'ai regardé pour savoir qui avait consulté les dossiers, et bien évidemment... personne à part les enquêteurs."

" Pendant un moment j'ai bien cru qu'Hermann Wright et le Tueur de l'Encre n'étaient qu'une seule et même personne. Je l'ai même suivi, et j'ai seulement appris qu'il couchait avec l'assistante du procureur en charge de l'affaire. J'ai fini par être menacée de plainte pour harcèlement et on m'a sorti le grand jeu. Sur le coup, ça m'avait vraiment fichu un coup."

" Ce n'est qu'après quelques mois que j'ai fini par comprendre comment les pièces avaient pu disparaître. D'accord, c'était lent mais je n'y connaissais rien. Eh bien voilà, il y avait de temps en temps des intérimaires utilisés pour faire les petites mains de l'administration, et tous ne sont pas nécessairement des anges incorruptibles. Alors, j'ai vraiment pensé trouver ma piste, celle qui m'amènerait au résultat, au Tueur de l'Encre en personne, mais non. J'ai épluché tous ceux qui avaient bossé là, ... ça m'a pris un temps fou pour vérifier qui était qui. Heureusement la plupart étaient des habitués, un petit boulot par ci, un autre quelques mois plus tard... et j'en ai trouvé un qui me paraissait prometteur, comme intermédiaire payé pour faire le sale boulot, un certain Dan Héricher, un type un peu louche, ex-délinquant juvénile qui avait fait un peu de prison. Il avait eu ce job par son contrôleur judiciaire. Et puis il avait fini par être retrouvé, assassiné, flottant dans le port. "

" A force, j'ai fini par perdre espoir. La police ne faisait rien, mes recherches n'aboutissaient qu'à des cul-de-sac, et je devais manger, parce que ce n'est pas avec une famille à la dérive qu'on démarre facilement dans la vie."

" J'imagine que vous voudrez jeter un oeil à mes notes de gamine détective amateur ?"

Georgina Kutty regardait les détectives avec un air assez blasé, soufflant la fumée de sa cigarette en attendant les questions sur ses réponses.

...