[OdE Chap.4] Le procès d'Aeldred (Forêt engloutie)

[Casaïr]

Aeldred s'était activé pour rejoindre son grand gaillard d'ami ainsi que "l'autre au chat", pour finalement les voir arriver à sa rencontre, sans plus de difficulté que s'il s'était agi d'un petit détour champêtre sans conséquence. Il faillit demander à Pwyll comment il s'y était pris, mais cela n'avait finalement que peu d'importance ; ce qui importait c'est qu'il l'ait convaincu de revenir aussi vite. Plutôt content qu'il n'y ait pas eu plus de complications que cela, le chasseur se joignit au petit groupe retournant près des deux jeunes femmes qui les attendaient.

"Plus de peur que de mal", leur lança-t-il en arrivant avant de se diriger vers sa monture.

Restait maintenant à voir combien d'heures de soleil il leur restait avant de devoir trouver un abri pour la nuit. Une fois fait, il se tourna vers ses compagnons pour leur demander :

"Prêts à repartir ? On a encore pas mal de route à faire, autant avancer tant que le jour nous le permet."

[Iris]

Les voyageurs avaient le choix entre passer la nuit sur le domaine Mac Eowan, dans une auberge -- avec des vrais gens autour d'eux -- ou bien poursuivre et bivouaquer plus loin.

[Pwyll]

"Des gens, de la chaleur et du chaud à manger, ça ferait du bien, même si on attirera forcément les regards."

Pwyll attendait sagement la décision d'Oanell, chargée du bon déroulement de cette mission d'escorte et de représentation.

Cela devait peut-être peser sur les nerfs de la jeune fille d'ailleurs et justement, une auberge était aussi un moyen de lui changer les idées, en espérant qu'il y ait un peu de musique ou, à la rigueur, juste un public.

[Casaïr]

"Je suis d'accord, profiter d'une auberge tant que nous le pouvons est une bonne idée, toutefois..."

Aeldred glissa un regard vers son homonyme avant de poursuivre.

"Il nous faudra faire attention à lui. Non pas qu'il soit dangereux -en tout cas, il n'en donne pas l'air-, mais il pourrait bien vouloir prendre la poudre d'escampette en voulant rentrer chez lui pour diner."

Dit de cette façon, même le jeune homme avait du mal à y croire s'il n'avait pas vécu la chose lui-même. Mais le garçon semblait trop simplet pour comprendre la portée de ses actes, quels qu'ils puissent être. C'en était d'autant plus malheureux qu'ils l'emmenaient vers un procès dont il ne comprendrait même pas les fondements : pour lui, Jaskez avait fait du mal à son chat (ou voulu en faire) et l'autre Aeldred n'avait fait que le protéger, de manière brutale, presque animale, mais à sa façon. Ce lien était d'ailleurs étrange, maintenant qu'il y repensait. Il se dirigea ers Pwyll pour lui parler à voix basse.

"Dis, vu que tu semble bien t'entendre avec lui, tu pourrais essayer d'en savoir plus sur son chat ? Depuis quand il l'a, leur... relation, comment ça a démarré. J'aimerai en savoir plus à ce sujet mais... ça me fait un peu bizarre de parler avec lui, et je ne suis pas bien sûr de trouver les mots qu'il faut. Toi tu connais les animaux, et ils t'apprécient, ça devrait être un fameux avantage pour les comprendre tous les deux."

[Pwyll]

"Dis, vu que tu semble bien t'entendre avec lui, tu pourrais essayer d'en savoir plus sur son chat ? Depuis quand il l'a, leur... relation, comment ça a démarré. J'aimerai en savoir plus à ce sujet mais... ça me fait un peu bizarre de parler avec lui, et je ne suis pas bien sûr de trouver les mots qu'il faut. Toi tu connais les animaux, et ils t'apprécient, ça devrait être un fameux avantage pour les comprendre tous les deux."

Pwyll glissa en retour un regard entendu à Aeldred et répondit à voix basse :

"Exactement, j'essaie de mieux les comprendre, d'autant qu'ils ont besoin d'un peu de bienveillance je crois. Ils partagent un lien très fort c'est sûr..."

[NailsEater]

Allons pour une auberge. Tant qu'à faire autant être bien installé. Cependant, nous ferons des tours de garde devant la porte du petit. Je ne mettrais pas en danger la population par excès de confiance. Cela convient à tout le monde ?

Si tout le monde était du même avis, il sera temps de se diriger vers l'auberge la plus proche.

[Casaïr]

Le groupe se dirigea vers l'auberge, plutôt soulagé de ne pas avoir à passer de nuit à l'extérieur. Observant et écoutant un peu, Aeldred apprit l'existence d'un tisserand dans les environs. Dommage qu'on ne l'apprenne que maintenant, songea-t-il, un peu déçu. Mais sait-on jamais, on aura peut-être le temps quand même.

Faisant ralentir sa monture pour revenir à la hauteur d'Oanell, il lui annonça la nouvelle.

"Je ne sais pas si c'est tout à fait le moment, ajouta-t-il, toujours pensif, mais si demain matin très tôt on arrivait à te trouver quelque chose qui te plait pour aller à Dèas, ce ne sera pas vraiment du temps perdu."

Voilà, la balle était dans son camp désormais. L'auberge se dessina enfin, un gros bâtiment à l'aspect un peu frustre et d'où s'élevaient la rumeur joyeuse des convives y ayant déjà trouvé refuge. Il était même possible, pour ceux qui avaient le nez fin, de sentir l'odeur de ragoût qui se dégageait de l'une des fenêtres restée à demi ouverte. L'arrivée du groupe ne fit que légèrement diminuer le brouahaha, le temps que les autres occupants aient satisfait leur curiosité, avant de reprendre de plus belle. Un seul regard dans la salle permit aux cinq compagnons (encore qu'Aeldred n'était pas certain qu'il faille mettre dans le compte son homonyme, ce dernier n'ayant d'yeux que pour son matou) de voir quelques tables libres.

"Tant qu'on est là, autant manger aussi, non ?" proposa le jeune homme. Après tout, cela faisait économiser des rations à défaut d'argent, et le repas promettait d'être plus nourrissant et appétissant.

Puis vint le moment de louer une chambre. Aeldred fit le tour de ses compagnons.

"Les chambres étant faites pour trois personnes, je propose qu'on en prenne deux : une pour Pwyll... Aeldred... et moi, et l'autre pour Madennig et Oanell. Ca vous va ?"

Dommage qu'elles ne soient pas plutôt faites pour deux, se dit-il en observant sa compagne. Il aurait souhaité un peu d'intimité mais il devrait faire avec. Et puis, ce ne serait que le temps du voyage.

[Pwyll]

Suite à cette étape reposante et bienvenue au chaud et en sécurité entres les murs de l'auberge, le groupe hétéroclite, porteur d'une mission dont personne ne semblait véritablement convaincu de la pertinence, reprit la route.

À la satisfaction et au soulagement de tous, les lieues défilèrent sans encombre majeure.

Oh bien sûr, il fallut parfois faire avec les facéties d'Aledred au chat, par exemple lorsque celui-ci se jeta soudain à plat ventre pour ramper dans l'herbe aux côtés de son compagnon animal, dans l'espoir, peu probant au final, d'approcher discrètement d'un merle perché sur une pierre dont la forme pouvait presque suggérer le heaume des Hilderins.

Les voyageurs rejoignirent, comme prévu, la voie hilderine qui devait leur faire gagner du temps grâce à son tracé presque rectiligne et ses pavés soigneusement ajustés.

Ce travail, titanesque et fort coûteux, n'était d'ailleurs pas totalement achevé et on pouvait voir à l'oeuvre des groupes de manouvriers, suivant parfois les instructions d'un contremaître. Pavés à remplacer, bas-côté à égaliser, dégâts inattendus causés par le gel ou une racine rétive à réparer...

Leurs pérégrinations étaient ponctuées des discussions entre Aeldred, Oanell et Madennig. Pwyll parlait peu, passant du temps à s'attirer les bonnes grâces de Roux en faisant virevolter autour du matou la plume et le caillou venant lester une pauvre ficelle nouée à un bâton ramassé sur le bord de la route.

Quelques paroles étaient parfois échangées entre Pwyll et Aeldred au Chat et le colosse apprit que c'est tout jeune, dans la forêt, que le garçon avait trouvé ce compagnon dont il était vite devenu inséparable.

Le propre d'une telle voie était bien sûr d'être usitée. Le groupe des cinq croisa ainsi divers attelages, montures et charrettes menant leurs propriétaire vers leurs affaires et leurs destins. Amour et fortune ? Ruine et déconvenue ? Ritournelle habituelle d'un trajet bien connu ou découverte des merveilles comme des aléas du voyage ?

Roux, le chat, se fit nerveux en milieu de matinée, comme s'il avait senti une odeur inquiétante. Lorsque la silhouette massive d'un boernac se dessina à l'horizon, Aeldred et son chat partagèrent une soudaine panique s'exprimant pas autant de feulements et d'appels à l'aide que de battements de bras désordonnés et de "Oh, c'est gros, c'est très très gros !"

Après moult tentatives d'apaisement et tractations, c'est finalement perchés sur les épaules de Pwyll qu'Aeldred et son félin acceptèrent, enfin, de croiser de loin la route de l'imposant bestiau à cornes.

Entre discussions, bivouacs, repas, jeux et comportements étonnants, le voyage finit par passer et les voyageurs arrivèrent en vue d'un imposant château garni de nombreux gens d'armes.

Ces hommes et leurs molosses mirent tout de suite Aeldred aussi mal à l'aise que son animal, comme on pouvait désormais s'y attendre.

Candidement, Pwyll demanda : "C'est quoi ce château ? Il est beau !"

[Casaïr]

"C'est sûrement la citadelle de Dèas", répondit Aeldred machinalement, regardant lui aussi l'imposant édifice.

Il avait évité de trop y penser pendant le voyage, tant cette histoire le mettait mal à l'aise. À la place, il avait préféré se changer les idées en discutant avec Madennig et Oanell, en observant le va-et-vient des ouvriers entretenant la route ainsi que des voyageurs, mais le soir venu, de sombres pressentiments venaient l'assaillir au moment de s'endormir. La seule ligne de défense du garçon était qu'il était un peu simple d'esprit et tellement attaché à son chat qu'une forme de mimétisme s'était opérée sur lui, de sorte qu'il avait maintenant les mêmes instincts, les mêmes peur que Roux. L'apprenti occultiste n'avait jamais entendu de telles histoires jusqu'à présent, et rien de ce qu'il avait lu dans le manuel ne s'approchait d'une telle expérience. On pouvait également parler de la maladie qui touchait le village de Swelbecky, associée à une forme de paranoïa galopante pour les valides, mais est-ce que cela tiendrait devant un jury très certainement déjà convaincu de la culpabilité d'un homme ? Il n'était pas du tout exclu qu'ils assistent à un jugement prompt.

"Madennig, demanda-t-il à la jeune hilderine, après l'avoir prise un peu à l'écart, quelle serait la peine encourue par... Aeldred... pour son geste ?"

[Iris]

L'hilderine eut une moue embêtée à la question d'Aeldred au sujet de son homonyme :

" Celui qui tente un crime et n'échoue que par son incompétence à le mettre en œuvre risque la même peine que celui qui l'accomplit. "

" Je suis désolée, je vois bien que votre ami Pwyll s'est attaché au garçon."

Elle salua des collègues, surpris de la voir revenir sans ses partenaires, d'autant qu'elle aurait dû rester à Swelbecky un moment. Elle les rassura à demi en leur parlant du procès des deux Aeldre -- une bête histoire d'homonymie. Ces échanges de courtoisie terminés, elle se tourna de nouveau vers Aeldred :

" Je suis plutôt surprise que la lettre de convocation soit si récente. Si j'ai bien compris l'attaque a eu lieu à l'automne, et nous avons déjà été plusieurs à nous relayer à Swelbecky : cette histoire aurait pu être résolue plus tôt."