[OdE Chap.4] Le procès d'Aeldred (Forêt engloutie)

[Iris]

Briaga eut un léger froncement de sourcil tandis qu'Ergon soupirait, et regarda qui attendait derrière le trio de Terfynisel :

" Merci pour ces informations. Vous pourrez témoigner au cours du procès."

" Concernant le fait d'être dangereux, je vous rappelle que l'accusé a manqué de tuer un chevalier hilderin. Il ne s'agit pas moins que d'une tentative de meurtre."

" Où est cet Aeldred dont vous parlez tous les trois ?"

[Pwyll]

"Elle a l'air bien conne cette Briaga" se dit Pwyll. Ergon Tamir, de toute évidence, détestait se trouver là et se reposait trop sur cette femme qui, du coup, semblait en mesure d'orienter les décisions de sa supérieure plus jeune et apparemment plus portée sur l'aspect militaire de l'ordre. Tout pécore de base qu'il était, le colosse blond n'aimait pas ça et encore moins le phrasé de la hilderine et ce qu'il pensait y deviner de dédain. Ceci dit, être chef de la citadelle de Deàs avait l'air en effet très ennuyeux.

Manquait plus qu'Aeldred se soit fait la malle, tiens. Ce serait moche pour eux, mais peut-être qu'il valait mieux pour lui... quoique, une battue pour le retrouver finirait forcément très mal.

[Casaïr]

"À l'invitation de l'osfei Madennig, nous avons préféré le laisser dans une pièce un peu à l'écart. Il est... un peu impressionnable."

Aeldred ne savait pas trop comment tourner la phrase pour rendre son homonyme moins dangereux que les deux femmes ici présentes ne se l'imaginaient, et il pressentait que le procès partait déjà sur de très mauvaises bases. Mais il comprenait très bien le cheminement de leurs pensées : comment croire que celui qui chercha à tuer un chevalier hilderin était en fait un simplet cherchant juste à protéger son chat ? Et surtout, comment expliquer que la relation de ces deux êtres étaient si fusionnelle que le jeune homme en venait à réagir exactement de la même façon que son compagnon à quatre pattes.

Et il faudra témoigner ? Mais témoigner de quoi ? On ne le connait même pas, on ne peut que supposer qu'il est comme ça et qu'il l'a toujours été, songea-t-il en se mordant la lèvre. Après tout, aucun d'entre nous ne peut affirmer être son ami. Pas même un voisin qui le verrait de temps à autre.

Le chasseur reprit sa place aux côtés de sa compagne, nerveux comme rarement. Cette affaire lui déplaisait de plus en plus.

[Iris]

Briaga consulta des documents et reprit :

" Les procès des brigands auront lieu dans deux jours. Il doit être possible de convoquer Sire Jazkez assez rapidement. Tout pourrait donc être réglé au cours de la grande audience judiciaire."

Ergon Tamir hocha la tête.

" C'est bien, faisons comme ça. Affaire suivante."

Briaga précisa une évidence mais semblait penser que même si cela allait de soi, ça irait mieux en le disant : "Il devra bien sûr se présenter en personne pour le jugement."

[Pwyll]

Une fois dans le couloir pour retrouver Aeldred, Pwyll, qui semblait bouillonner depuis la sortie de la salle d'audience, lâcha les vannes :

"Pas bon. C'est pas bon du tout. J'y connais rien à tout ça moi, il faut savoir comment ça se passe pour ne pas laisser le gamin se faire trucider dans l'indifférence générale. C'est comment le déroulement d'un procès ?

Qui parle contre l'accusé et qui parle pour ? Aeldred peut pas parler pour lui, il va rien comprendre. Si le chevalier Jazkez vient témoigner, on pourrait pas lui parler un peu avant pour voir son état d'esprit sur le sujet ? Hein, Osfei Madennig, vous savez où il est peut-être, Jaskez ?

Et puis toi, Dred, tu sais des choses sur les trucs de l'esprit un peu. Et toi Oanell, tu en sais sans doute plus que nous sur les procès ? Par exemple, Dred, ça existe des gens qui s'intéressent aux simplets comme la gamin ? Des personnes qui pourraient dire que c'est pas vraiment sa faute, des sortes de guérisseurs de l'esprit ? Sinon... un demorthèn peut-être.

Et qui on pourrait aller chercher pour parler à sa place, au gamin ? Ou alors un d'entre nous ?

Si c'est Oanell qui prend sa défense, ça pourrait peut-être donner mauvaise image à Dame Blodwen, mais si c'est Aeldred ou moi ? Et puis cette maladie de mes fesses là, on en parle, c'était pas des circonstances bien naturelles, les C'maoghs m'en soient témoins.

Et au fait à Deàs il y a que des Hilderins ou aussi des civils ? C'est pour savoir si on a une chance de trouver ici des gens comme ceux que je voudrais ?"

[Casaïr]

Aeldred leva les mains en signe d'apaisement en direction de son ami qui s'emportait, bien que lui-même partagea le même sentiment d'impuissance. Croisant les bras sur son torse, il s'efforça de réfléchir aux multiples questions de Pwyll, mais il savait déjà qu'il ne pourrait répondre à toutes.

"J'imagine que, pendant le procès, s'il y a un accusateur, il y aura un défendeur. Cependant, ajouta-t-il en se tournant vers sa compagne, tu nous as dit être venue en qualité d'observatrice, non ? Je ne suis pas certain que tu puisses défendre Aeldred sans t'attirer les foudres des hilderins -mais on peut toujours demander si c'est possible. Dans le cas contraire, le défendre nous-mêmes... ça pourrait être compliqué : on ne sait rien de lui au-delà de ce qu'on a appris en voyageant avec, et c'est bien maigre. Pour la maladie... Elle a aussi joué, ne serait-ce que sur l'état de psychose qui régnait là-bas, ça peut peut-être jouer en notre faveur."

"Ensuite... Je commence tout juste à apprendre -et par l'intermédiaire d'un livre- certaines choses, oui, mais plus sur le surnaturel, comme ce qu'on a vécu à Swelbecky. Pour lui..."

L'apprenti occultiste fouilla dans sa mémoire et y retrouva ce qu'il cherchait, mais cela ne les aiderait pas réellement.

"Il y a ce qu'on appelle des aliénistes. Ce sont des... genres de médecins qui s'intéressent aux maladies de l'esprit humain et qui tentent d'y apporter des remèdes. Malheureusement, ils sont surtout répandus en Reizh, ça m'étonnerait énormément qu'on en trouve un ici. Après, c'est vrai que si on avait quelqu'un de tel dans notre entourage, ce serait parfait, il pourrait expliquer ce qui se passe dans la tête d'Aeldred, et faire comprendre qu'il ressent les choses différemment de nous. Par contre, je ne sais pas si ça pourrait influencer un jury hilderin..."

De toutes façons, il n'y a personne avec de telles compétences dans les environs, cela ne sert donc à rien d'en débattre inutilement.

"Je ne sais pas ce que pensent les demorthèn à ce sujet, et on n'a pas vraiment eu le temps de penser à poser une telle question avant de partir..."

Quant à connaitre la teneur de la population réunie à la forteresse, Aeldred n'eut d'autres choix que de se tourner vers Madennig pour attendre sa réponse.

[Iris]

La jeune femme regardait les deux hommes parler, parler, parler... et mit quelques instants pour se rappeler de la question... ou des questions ? ...

D'un ton las et vaguement déprimé : " Je sais que vous vous voulez le sauver, mais qu'est-ce qui garantit que ça n'arrivera plus ? On a déjà eu peur d'une crise en arrivant ici..."

Ah oui, les deux hommes avaient posé des questions... quoi déjà ?

" Vous cherchez un quoi ? Un spécialiste de...? Ici il y a des artisans bâtisseurs surtout. Pour le reste, il faut aller à Llewellen, Tulg ou Tilliarch."

" Euh, et pour les demorthèn, il y en a dans la région, mais pas dans la forteresse même."


Le groupe revenait dans la salle où Aeldred au chat avait été placé. Un instant ils crurent qu'il n'y était plus, mais c'était seulement parce qu'il fouillait silencieusement dans l'ombre. Il constata silencieusement leur arrivée, sans poser de question.

[Pwyll]

Pwyll nota l’œil morne et le ton las de la chevalier hilderin.

Tout en s'approchant d'Aeldred et de son chat pour voir les trophées de chasse qu'ils avaient accumulés, le grand blond remarqua :

"Vous semblez bien pessimiste ou lassée Osfei Madennig. En avez-vous simplement assez de notre compagnie, ce que je peux comprendre étant donné qu'on est loin d'une campagne militaire glorieuse de lutte contre les feondas, ou faut-il y voir autre chose, comme une réputation de dureté que pourraient avoir les jugements prononcés ici ? Vous connaissez bien l'Osfei Briaga ? Enfin si tel est son titre..."

[Iris]

La jeune femme regarda le colosse blond avec un air... mitigé ?... cherchant du côté d'Oanell une explication, avant de finir par répondre.

" Je ne connais pas Briaga personnellement. Je sais seulement qu'elle a occupé un poste important dans l'intendance de l'ordre dans le duché de Dùlan. "

Elle eut comme un haussement d'épaules : "Elle est arrivée pendant mon absence je vous rappelle. "

Avant de changer de sujet : "Vous vous attachez trop à lui. Même sa famille ne fait pas attention à lui. Chez moi, les infirmes, ceux qui ne peuvent subvenir à leurs besoins, sont... eh bien les demorthèn leur donnent un potion qui met fin à leurs souffrances. Dans la nature, il n'y a que les biens portants qui survivent. Les malades, les faibles sont dévorés. Dans une communauté, tout le monde doit être utile au groupe, et lui... à part chasser les souris... "

Son ton était douloureux mais résigné.

[Pwyll]

À mesure qu'il écoutait, les yeux de Pwyll s'agrandir tout comme son étonnement. Diverses interprétations des préceptes Demorthèn cohabitaient, c'était indiscutable, mais celui repris par Madennig comme une évidence relevait davantage d'une approche que lui-même considérait comme extrémiste.

"Si je suis votre façon de voir, on mettrait nos vieux dehors plutôt que d'leur faire chauffer la soupe et de border leurs couvertures. Et puis, comment expliquer qu'il existe un ordre de combattants comme les Hilderins, alors ? Leur mission c'est pas justement de protéger les gens de peu ? Si la seule loi qui vaut c'est celle du plus fort ? Autant laisser tout le monde se débrouiller, comme ça on ne gardera que ceux qui peuvent résister aux rudesses de notre beau pays."

Essayant de ne pas envenimer l'échange, Pwyll ajouta avec un sourire :

"Après, chacun son avis, et vous avez sûrement bien raison, j'me fais trop de mouron, c'est juste la vie d'un jeune garçon parmi plein d'autres."

L'essai n'était peut-être pas des plus concluants...