Est-ce l’odeur des feuilles qui lui amène, dans son demi-sommeil, des senteurs humides de sous-bois et de légers frémissements de feuillages ?

Tout d’un coup, l’idée lui vient : il sait où est Jolinar. Il doit absolument aller vérifier dans sa chambre-laboratoire. Il se lève en cherchant à faire le moins de bruit possible. Le bruit des feuillages était en fait la respiration des deux jeunes femmes… ou l’inverse ? En marchant dans le couloir obscur, il devine comme un frémissement des poutres du toit. Des chauves-souris seraient-elles pendues au plafond ? Ce serait le comble… Le comble du toit, ha ha ! C’est drôle, sa plaisanterie ne le fait pas vraiment rire.
Alors qu’il regarde le toit, perplexe, il le voit se déchirer comme des nuages noirs dispersés par le vent… Les poutres se tordent réellement comme des branches dans une lumière d’orage, et les êtres qui remuent, battent des ailes et se mettent à voler entre ces branches ne sont pas des chauve-souris mais…

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Elhine a du mal à s’endormir. L’odeur de la chèvre est tenace, et elle ne tient pas à le dire pour ne pas vexer le jeune homme, mais Caules fait vraiment du bruit en se retournant dans son lit. Contrairement à Uriell qui est silencieuse comme… Non, ne pas dire comme une morte. Dans la journée, Elhine arrive à écarter les souvenirs qui la hantent mais la nuit, dans cette grande maison étrange et pleine de recoins… Des courants d’air glacés surgissent d’on ne sait où, la porte serait-elle mal refermée ? Une mélodie de flûte, presque inaudible, accompagne le courant d’air… Elle entend comme un petit bruit sec sur le plancher, comme si la chèvre trottait avec ses petits os secs… Non, ses sabots… Est-ce la chèvre qui dresse ses cornes dans la pénombre ? Mais une chèvre peut-elle marcher debout sur deux jambes ? Et ces globes blanchâtres sur sa poitrine, sont-ce des mamelles ?

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Roan préfère interrompre la conversation avec le vieux soldat pour se plonger dans ses réflexions. Dans ce drôle d’immeuble, il a trouvé beaucoup d’énigmes mais peut-on parler de dangers réels ? Les autres ont dû le trouver ridicule à avoir peur des araignées… Il retrouvera son sang-froid après une bonne nuit de sommeil. Il s’endort d’un bloc, comme le jeune homme robuste et en pleine santé qu’il est.
Il entrouvre ses yeux avec la sensation de voir des toiles d’araignées sur le plafond. Dans une vieille maison, il y a toujours des araignées, c’est normal. Mais si vastes qu’elles s’étendent d’un côté à l’autre d’une grande salle… Et quand ses mains touchent les longs pans qui descendent du plafond, il est surpris de les sentir à la fois si fines, si douces et si solides… Et il essaie d’en retirer ses mains mais s’aperçoit qu’il n’arrive pas à les décoller, que les fils collants se mettent, lentement, irrésistiblement, à le tirer vers….
