[OdE Chap. 7-60] L'abbaye de Sainte Isold | 7h45

[Casaïr]

"Te frapper ? Répéta Aeldred d'un air peu convaincu. Tu veux qu'en plus du reste je me casse le poignet ? Non, ça ira comme ça."

Il ne releva pas la remarque de Pwyll, ils étaient effectivement de nouveau seuls sur cette route mais ça ne durerait guère. D'ici peu l'activité humaine redémarrerait et il y aura sans doute du monde dans la ville et sur les routes alentour.

"Allez, on y va. J'ai hâte de voir ce qu'on pourra trouver là-bas. "

De cette façon il esquivait toute décision à prendre vis-à-vis de Pwyll et Madennig. Il lui fallait un peu de temps pour réfléchir à tout ça. Peut-être en discuter aussi avec la rouquine.

[Pwyll]

Pwyll respecta le silence bien utile pendant une centaine de pas avant de lancer :

"Au fait, vous avez appris des trucs intéressants pendant le dîner ? Par rapport, je sais pas... à Terfynisel, aux feondas, aux roseaux de fer, les trucs concrets quoi, ou même les gens qui semblent un peu humains, tu vois, avec qui on pourrait nouer des premiers liens ?"

[Casaïr]

Ce silence était d'un gênant mais Aeldred ne savait pas du tout comment le rompre. Alors, quand Pwyll le questionna, il le remercia silencieusement. Même s'il ne pensait pas être le mieux placé pour lui répondre.

"Pas vraiment, c'était un premier dîner pour nous installer et nous accueillir, d'ailleurs la table est vraiment grande ! Mais comme par hasard je me suis retrouvé à côté de Jazkez, et les seuls voisins que j'avais était la presque-cheffe des domestiques Flammen, Guénal Mac Tremen dit l'Aveugle à cause de son état de santé et un peu plus loin une fillette de sept ans, et j'étais à l'extrémité de la table presque, autant dire loin de ce qui pouvait se dire. Oanell se trouvait entre Jazkez et Blodwen qui fermait notre bout de table. Notre seule chance était que Gloada était sur la table opposée à la nôtre et séparée de Blodwen par l'équivalent de celle du duc."

Il se rendit compte que son explication n'était pas très claire, alors il sortit sa dague de sa poche et commença à tracer un sillon dans la terre, comme un "U" avec des traits de chaque côté.

"La table au centre accueille le duc, sa femme, le gouverneur, son frère Guénal -oui- dit "le Patient", sans doute parce qu'il n'attend plus qu'une chose, trouver un moyen de faire hériter son fils du titre de duc, vu que lui-même est déjà plutôt âgé et la femme du duc trop jeune pour mourir de vieillesse. Je te l'ai dit, un vrai nid de frelons. Si tu y mets ta main, tu peux lui dire adieu. Nous, poursuivit-il en pointant sa dague sur l'un des traits, on était installé à cette table et sur celle en vis-à-vis se trouvait Gloada et sa suite. Je ne sais pas si Blodwen a eu la possibilité d'échanger avec elle ou non, l'espace les séparant ne le permettait pas je pense, il aurait fallu parler fort et tout le monde aurait entendu. Et ça n'aurait pas été que des amabilités."

"Je peux néanmoins te dire que le duc est effectivement quelqu'un de bon, en tout cas il m'a semblé d'un abord facile et raisonnable. Je pense qu'on peux compter sur lui pour faire la part des choses."

C'état un résumé assez grossier de la situation de la veille mais ça ferait bien l'affaire.

[Pwyll]

Pwyll écouta attentivement, regarda le tracé figurant la table, tenta d'en retirer quelque chose de constructif ou de faire une remarque pertinente, n'y parvint pas, et hocha donc la tête et les épaules de l'air d'y entendre quelque chose.

Il croisa le regard d'Aeldred qui, connaissant bien l'escogriffe, n'était certainement pas dupe.

[Casaïr]

Aeldred réprima un sourire devant le hochement de tête totalement mécanique de son ami. Il se rappela juste d'un détail supplémentaire.

"Il y avait deux autres tables, une pour les clercs du château et l'autre pour les officiers. Je n'ai rien noté de spécial mais je t'avouerais n'avoir eu qu'une envie, c'était de quitter la table. Je veux bien aider Blodwen tant qu'elle veut en fouillant dans les livres pour trouver le point qui ferait pencher la balance en notre faveur, mais les grandes tablées comme ça, je n'y ai pas ma place."

Il rangea son poignard dans son fourreau après en avoir essuyé la lame.

"Ne te tracasse pas pour le plan de table, va, on a tout le temps pour savoir à quelle sauce nous serons mangés."

Il allait ajouter quelque chose mais se ravisa. Il était temps de reprendre la route.

"Ho !"

Il repensa à un détail qui lui était totalement sorti de la tête.

"Apparemment ils ont une salle de bain hantée au château, ça te dit qu'on aille voir ça à un moment ? On pourrait emmener Madennig. Enfin, si elle a envie. Enfin, tu vois quoi."

Il espérait que Pwyll voyait bel et bien car lui était soudain perdu dans sa propre demande.

[Pwyll]

Interloqué par la suggestion, Pwyll fut pris de court quelques instants avant de répliquer.

"Heuuuu, c'est pas plutôt Ethel que ça intéresse les fantômes ? Enfin... Après ce qu'on a vécu avec le couple maudit, je suppose qu'on est devenu plus spécialistes sur la question que la plupart des autres gens d'ici. Pourquoi pas ! Ils ont peut-être des écrits à ce sujet à l'abbaye."

[Casaïr]

"On pourra toujours lui en parler quand elle reviendra. Et puis, si ça se trouve on ne trouvera pas de solution sans elle, juste des problèmes. Pas comme si on avait pas l'habitude en plus."

Il regarda Pwyll légèrement de travers, se rappelant comment toute cette histoire de couple fantôme avait commencé et surtout comment son couillon d'ami s'était fait embobiner par cette femme.

"J'espère que Mad' arrivera à te mettre du plomb dans la tête en passant", dit-il d'un ton narquois avant qu'un léger malaise ne l'assaille. "Allons à l'abbaye, on a une question de plus à leur poser maintenant. Et sans doute encore une : est-ce que je vais pouvoir installer un lit de camp dans leur bibliothèque ?"

L'image le fit sourire, il avait déjà évoqué l'idée à Terfynisel et avait rapidement dû l'oublier devant les regards de travers d'à peu près tout le monde à ce moment. Ça ne prendrait clairement pas davantage ici mais s'il pouvait avoir un libre accès, cela serait déjà une bonne chose.

[Iris]

Les marcheurs avançaient à bon pas tout en devisant. La route était droite, bien entretenu, et traversait un bois clair où les fougères s'égayait et le couvert des arbres étaient encore d'un vert tendre. Le chant des oiseaux fusait de toutes parts, et la mer s'effaçait peu à peu. Le chemin menait au nord-nord-est et la zone était suffisamment dégagée pour deviner la silhouette de l'abbaye longtemps avant de l'atteindre. C'était un bâtiment encore jeune avec des chantiers en cours. On devinait deux édifices qui se distinguaient en hauteur, l'un au centre devait être le Temple ; le second était plus à droite. Leurs bases étaient masquées par les murs du cloître dont la porte principale en vue était fermée.

[Pwyll]

Du plomb dans la tête ? Sans doute une expression de la magience que Dred avait lue quelque part...

Arrivé en vue de l'Abbaye, Pwyll ne put s'empêcher de trouver le lieu à la fois intrigant, attirant et un peu inquiétant peut-être.

"C'est bizarre de vouloir comme ça construire un bâtiment comme une sorte de maison pour ta croyance, non ? Dans la tradition, on réserve ça aux morts. C'est comme une île de... des gens de l'unique là, au milieu de tout le reste. C'est pas contre toi, hein, c'est assez joli dans le genre, je suppose."

Pwyll roula un peu des épaules pour dénouer une légère tension dont il venait de prendre conscience.

"On va toquer, juste là ? Y a p'têt une cloche. En plus de toi, je veux dire."

Il fit une grimace débile à Aeldred pour apporter un peu d'emphase à son subtil propos.

[Casaïr]

"De ce que m'en a dit Fredelme, c'est aussi bien un lieu de recueillement que d'habitation, expliqua Aeldred à son ami. Je ne sais pas si c'est le cas ici mais certains monastères unistes offrent le gîte et le couvert aux gens de passage n'ayant pas forcément les moyens de se payer une auberge, du moment que l'on participe aux tâches quotidiennes."

Il regardait toujours l'abbaye, un mélange de respect et de curiosité dans la voix et dans ses gestes. C'était la première fois qu'il pouvait poser les yeux sur un bâtiment dédié à l'Unique et il se demanda soudain comment se présenter.

"J'imagine qu'on peut toujours se diriger vers la porte."

Aeldred se remit en route tout en cherchant quoi dire : c'était après tout son idée de venir ici mais il y avait tellement de choses qu'il voulait savoir qu'il ne savait plus du tout par où commencer ni même quoi dire tout simplement. Finalement devant la porte de l'abbaye, il se résolu à y frapper, attrapant le heurtoir s'il y en avait un puis patienta le temps qu'on vienne leur ouvrir.