[OdE Chap.8-03] Le berger et ses ouailles

[Iris]

Fredelme fut assez étonné du message bien sombre qu'apportait Aeldred.

" Je ne comprends pas bien. Que s'est-il passé au juste ? Est-ce que c'est à cause de ce qui s'est passé à Llewellen qu'il y a un nouveau servant hilderin attaché au domaine ?"

[Casaïr]

"Non, ça c'est plutôt à cause du comportement de Jazkez - ou grâce à celui-ci, je ne sais pas encore. En fait, expliqua le jeune clerc, nous avons perdu le procès et Blodwen devra rembourser la dot de Gloada et assurer une compensation financière supplémentaire. Qui plus est, Gloada reste sur la liste des héritiers potentiels si Blodwen ou Oanell (qu'elle a dû adopter un peu dans l'urgence lorsque nous étions à Llewellen) venaient à disparaître sans avoir d'enfant. Et comme si ça ne suffisait pas, le neveu de Gloada s'est rendu compte (à dessein ? difficile à dire) qu'Oanell ne voyait presque rien sans ses lunettes, autant dire qu'elle pourrait être très facilement écartée du tableau si son état de santé venait à s'aggraver."

Aeldred soupira tout en regardant la route poussiéreuse menant jusque chez Fredelme.

"La chance que nous avons a été de mettre la main sur le trésor des Roseaux de Fer, nous permettant de rembourser sans difficulté Gloada et éviter des années de dettes, tout en nous allouant des fonds dont nous étions très loin de disposer jusque là."

Il réalisa vite que Gweneth n'était pas au courant de toute cette histoire, il se chargea alors de lui en faire un résumé :

"Peu avant qu'on ne soit appelé pour le procès de Llewellen, on a eu affaire à deux bandes de brigands s’entre-tuant gaiement pour un trésor. Il s'est avéré qu'ils faisaient tous partis des Roseaux de Fer et qu'ils cherchaient le magot de Jerryl, caché non loin d'ici. On s'est retrouvé, un peu malgré nous, mêlés à cette histoire et on a... fait le ménage, si on peut dire ça comme ça. Il y a eu beaucoup de morts cette nuit-là, les brigands refusant toute autre alternative que la confrontation armée. On a réussi à faire un prisonnier, pour le reste..."

"Actuellement c'est Hafnir, le commandant des Ronces de Terfynisel, qui garde le trésor pour Blodwen, jusqu'à ce qu'on ait un coffre adapté."

[Iris]

Spoiler () :

Voyons... 15h45... départ de Terfynisel, marche lente... Cela fait 27 minutes de trajet, pfiou ! vous êtes arrivés !

Le trio avait quitté Terfynisel par le nord, puis obliqué vers l'ouest sur la route de Terfynisel à peu près au niveau de la rosace. Ensuite il avait avancé un peu plus de 5 minutes sur le chemin avant de prendre sur la gauche, en direction du sud-ouest en s'engageant sur un chemin plus étroit qui montait doucement sur un relief. Fredelme logeait sur le côté nord-ouest d'un sommet de colline boisée.

Sur la face nord, il leur désigna non loin du chemin emprunté : "Là, je pense que ce serait un bon endroit pour le Temple. On le verra depuis la route et on y accède bien depuis ce chemin. Il y a du bois pour la construction et un sol bien solide avec ces rochers . Nous serions exposés aux fraîcheurs nordiques. J'avais pensé éventuellement au sommet de la colline, mais je ne sais pas si mes ouailles récemment converties auraient le courage de monter si haut avec des sentiers escarpés. Cela dit, un beau monument..."

Tandis qu'il commentait, il fit une courte halte, le regard levé vers le promontoire rocheux encore couvert d'arbre et le ciel bleu au-delà. La forêt était pleine de chants et trilles de dizaines d'espèces d'oiseaux. Sitôt qu'on arrivait dans un coin ensoleillé, les fleurs s'épanouissaient environnées d'abeilles sauvages, de bourdons, de sphinx colibri, de papillons d'au moins une dizaines d'espèces différentes.

On arriva en vue de l'habitation de Fredelme : une petite maison flanquée d'une grange et d'une bergerie. Une femme d'un certain âge filait de la laine tout en surveillant les moutons de Fredelme.

" Paskell, me voilà ! Nous avons de la visite !"

A Aeldred et Gweneth : "Paskell est une voisine qui partage notre foi. Elle m'aide en gardant parfois les moutons quand je dois me déplacer. Il faudrait que je m'organise mieux, peut-être en partageant mon pré avec un autre troupeau qui aurait un berger et pourrait surveiller les deux groupes de moutons."

[Madennig]

Aeldred et Gweneth n'eurent pas le temps de répondre au vecteur quand la fileuse se leva, laissant sa laine et son rouet, pour rapidement venir à la rencontre des deux jeunes gens.
Son visage exprimait la surprise et l'humilité. Et ce fut tout naturellement qu'elle s'agenouilla devant l'élu de l'Unique, courbe l'échine...

"Oh... Aeldred, pardonnez-moi si je vous ai fait offense, ou si j'ai mal pensé de vous et de votre famille. J'étais dans l'ignorance, mais le Vecteur Fredelme m'a instruite, il m'a dit quel miracle vous avez vécu... Il m'a tout dit ! Je m'en veux... Demandez et je ferais ce que vous voulez pour racheter ma mauvaise conduite..."

Et la vieille dame, toujours à genoux, joignit les mains, attendant une réponse du jeune clerc de Terfynisel.

[Casaïr]

"Je.. quoi ? Non, ne..."

Aeldred n'aurait pas pu être plus déstabilisé par ce qui se produisait devant lui. Il regarda Gweneth et Fredelme, incapable de réagir devant les suppliques de cette femme. Il n'était pas certain de se rappeler d'elle, même s'il savait très bien de quoi elle parlait. Il était même tellement habitué au regard des gens qu'assister à un tel revirement n'était pas loin de l'effrayer, craignant que tout le village connaisse un revirement pareil et passe d'un fanatisme à un autre. Il en arriva à se demander s'il ne préférait pas la situation d'avant. Et voilà qu'elle était à genoux devant lui, comme si...

Comme si j'étais...

Il secoua la tête et prit les mains de Paskell pour l'aider à se relever.

"Je vous en prie, je n'ai pas besoin de... enfin vous n'avez pas à vous..."

Le dialogue resterait encore longtemps son point faible visiblement et l'effet de surprise ne l'aidait clairement pas à formuler ses pensées correctement. En l'empêchant de terminer ses phrases par exemple.

"Vous n'avez pas besoin de faire ça, parvint-il enfin à dire, C'est juste... C'est comme ça, c'est tout."

[Iris]

" Accorde lui ton pardon et ta bénédiction. Ainsi elle pourra être en paix." l'encouragea Fredelme.

[Casaïr]

La moue d'Aeldred en disait long sur ses pensées tant il ne se considérait pas comme compétent pour ce genre de choses. Lui pardonner pourquoi pas, mais la bénir ? Il ne savait même pas comment on faisait, s'il fallait utiliser un objet rituel, prononcer des paroles spécifiques.

"Je..."

Même le pardon était quelque chose qui, jusque-là, lui semblait totalement hypothétique même s'il avait déjà songé à cette éventualité si les villageois étaient venu reconnaître leur erreur. Cependant, il n'avait rien réussi, de son point de vue en tout cas, qui puisse changer ce que les autres pensaient de lui. Il n'était déjà pas certain que son retour à la vie puisse être vu autrement que comme un coup de chance. Entendre cette femme implorer son pardon pour ça lui semblait presque déplacé. Sans compter les regards curieux à son endroit à l'abbaye. Il ne s'était clairement pas préparé à ça. Malgré tout, on attendait quelque chose de lui et il sentait que cette femme, Paskell, avait besoin de l'entendre. Il soupira, toujours pas convaincu d'être celui qui devait prononcer ces mots.

"Je vous pardonne. Vous n'avez pas à faire quoi que ce soit, le fait que vous reconnaissiez avoir été trop loin me suffit."

Était-ce vraiment le cas ? Non. Pas totalement en tout cas. Il aurait préféré que tout le village reconnaisse son erreur, même si cela lui avait coûté presque dix années de sa vie, quasiment la moitié de ce qu'il avait vécu jusqu'à présent. Mais il fallait bien commencer quelque part et, même modeste, c'était toujours un pas dans la bonne direction.

[Madennig]

Paskell sourit de soulagement à l'élu, puis au vecteur. Sa joie fit rayonner son visage au point d'effacer quelques unes de ses rides. Ou presque.
Elle s'adressa au clerc avec une voix tremblante d'émotion :

"Laissez-moi vous préparer à dîner ce soir... "

"Peut être qu'à force de bonne conduite, Aedred, je mériterais votre bénédiction. Surtout ma petite fille, qui est née cet hiver, elle est bien fragile... Laissez moi faire votre ménage, ou repriser quelques vêtements. Je peux jardiner, lessiver... Vous cuisiner des soupers..."

[Casaïr]

"Non, ne... vous n'avez pas besoin d'en faire autant, dit Aeldred en levant les mains, plus gêné par tant de prévenance qu'il ne l'aurait imaginé. Je ne veux pas profiter de vous, vous devez avoir bien assez à faire de votre côté..."

Pressentant que Paskell ne lâcherait pas l'affaire aussi facilement (les convertis passaient-ils par une phase similaire ? Il espérait que non, sinon il se retrouverait rapidement avec un attroupement au moins aussi problématique qu'avait pu être sa solitude), il consentit malgré tout :

"Si vous y tenez vraiment, je veux bien un peu d'aide pour le repas ce soir, la route a été longue et je ne sais pas si j'ai assez de réserve pour Gwen et moi. Gweneth, je veux dire."

[Gweneth]

Gweneth suivait les deux hommes en silence. Elle dut étouffer un pic d'angoisse quand le vecteur évoqua la construction d'un Temple. Avait-il en tête de confier la paroisse à la jeune femme? Non, elle avait dû mal comprendre après tout, elle...elle... elle quoi? N'était-elle pas clerc du Temple...? Mais elle n'avait jamais envisagé ce type de projets... aurait-elle le recul, la sagesse, l'expérience, la force pour cela?

Les propos d'Aeldred, bien qu'inquiétants, vinrent un peu apaiser les pensées de la jeune femme. Elle écouta le jeune homme lui expliquer l'origine du trésor des Roseaux de Fer. Des choses se faisaient plus claires.

Quand ils arrivèrent devant la maison de Fredelme, Gweneth regarda l'échange entre Paskell et Aeldred, et laissa faire le jeune élu. Il y avait de l'idée, mais la jeune femme se demandait à quel type de dilemme intérieur était encore confronté le jeune homme. Elle se décida d'intervenir et d'approcher. Tout en posant une main réconfortante sur l'épaule de la vieille dame, elle lui adresse un sourire chaleureux et lui dit :

« Merci beaucoup pour tout dame Paskell. Votre gentillesse, votre générosité et votre humilité vous honorent. Puis tournant son visage jovial vers Aledred, continua : je suis sûr qu'Aeldred viendra voir votre petite fille avec plaisir dès qu'il le pourra. »

Elle continuait de sourire mais Aeldred sentit qu'elle ne pourrait pas prendre un non comme réponse.